Il n'y a jamais eu de scandale, coupa Mrs Cool. Il y avait un tas de machines à sous qui fonctionnaient en fraude dans les endroits où elles pouvaient rapporter le plus, et, naturellement, la police percevait quelque chose là-dessus. Morgan a payé comme il le devait et la chambre d'accusation ne l'a pas poursuivi ; de toute façon, elle n'aurait pas eu suffisamment de preuves pour le faire. Mais elle l'a cité comme témoin et Morgan ne s'est pas présenté. On essaie de le retrouver et il y a une sorte de mandat d'arrêt lancé contre lui. C'est tout.
Elle me regarda d'un air soupçonneux :
- N'oubliez pas, mon chou, que nous travaillons pour gagner de l'argent. Ne vous laissez pas payer en gratitude et rouge à lèvres !
- Je vois que vous ne savez pas ce que cela représente, alors, je vais vous l'expliquer : les ivrognes qu'on ramasse dans la rue, nous les mettons tous ensemble dans une salle spéciale. Là, ils gueulent, ils ronflent et ils finissent par se vomir les uns sur les autres, s'injurient, se bagarrent, perdent tout contrôle d'eux-mêmes. C'est là que notre cher petit Donald va passer la nuit. Demain matin, il pourra peut-être établir qu'il n'est pas ivre mais moi, pour l'instant, je le tiens pour fin saoul, sans quoi il n'aurait pas prétendu avoir les empreintes de Carleton Allen, ni qu'il avait relevé toutes celles-ci dans le bungalow du Repos Rêvé... Et il est fort possible qu'il reste à mariner deux ou trois jours avec les ivrognes...
Eh bien, j'étais détective et je travaillais dans une agence, l'Agence Cool. Morgan Birks avait une femme, Sandra, qui vivait avec une amie, Alma Hunter – une fille du tonnerre. Mon boulot consistait à remettre une assignation en divorce à Morgan Birks quand je me suis aperçu que quelqu'un avait essayé d'étrangler Alma Hunter. Elle me raconta qu'elle s'était réveillée dans la nuit, juste à temps pour repousser d'un coup de pied un type juché sur elle. Elle avait une frousse terrible. C'était une fille sensationnelle et je commençais à en être amoureux ; j'aurais été au bout du monde pour elle. Aussi, je ne voulais pas qu'elle reste dans cet appartement et je suis arrivé à la persuader de me cacher dans le placard de sa chambre la nuit suivante avant que Sandra ne rentre.
- Bon, fit-il en regardant Sellers, je m'en vais tout vous dire. Je me trouve dans une situation où je ne peux pas me permettre d'être mêlé à un scandale... Samedi soir, j'étais au Repos Rêvé avec une dame. Ca n'a pas fini aussi bien que ça l'aurait pu, je suis resté seul, j'ai bu et je me suis endormi. Quand, ensuite, j'ai appris que la police interrogeait toutes les personnes ayant séjourné ce soir-là au Repos Rêvé, je n'ai pas voulu courir le risque que mon nom soit publié. J'ai donc engagé Donald Lam pour qu'il aille lundi soir au Repos Rêvé en se faisant passer pour moi. C'est ce qu'il a fait et mardi matin j'ai téléphoné à l'agence afin de les féliciter, leur annonçant que j'allais passer les voir pour finir de les payer.
A un moment, elle a tourné la tête vers moi... Bref, je l'ai embrassée, mais cela s'est fait le plus naturellement du monde...
- Je n'en doute pas. Et ensuite ?
- Eh bien, nous nous sommes embrassés de nouveau... plusieurs fois... et puis, je ne sais comment on est venu à parler du Repos Rêvé, Sharon me disant que c'était un motel très bien... qui se trouvait justement dans les parages. Quand nous sommes repartis, j'ai pris le chemin du motel et voyant que Sharon n'émettait aucune protestation, je me suis enhardi...
- Vous êtes descendu de voiture et vous avez loué un bungalow ?
- Non... Sharon a été pleine de tact. Elle m'a dit que, si je voulais bien lui donner l'argent, elle se chargerait seule des formalités.
- Mon ami commençait à être saoul. Il s'est mis à me peloter sans ménagements et ça ne m'a pas plu. Alors je l'ai planté là et suis rentrée chez moi en taxi.
- Tu parles ! Fit l'un des policiers, sceptique.
- Si vous ne me croyez pas, vous n'avez qu'à vérifier auprès de la compagnie Radio-Taxi. J'en ai appelé un par téléphone.
- Quelle heure était-il ? S'enquit alors Smith avec intérêt.
- Deux heures du matin, environ.
- Et l'homme qui était avec vous, qu'a-t-il fait ?
- Que vouliez-vous qu'il fasse tout seul ? Rétorqua Sharon avec truculence. Je suppose qu'il a dû s'endormir en espérant mon retour. Ca l'a probablement dégrisé et, quand il s'est réveillé, il a repris sa voiture pour rentrer chez lui.
La vie amoureuse des microbes. Jusqu'ici, les savants n'ont considéré la propagation des microbes qu'en fonction de leurs effets sur les cobayes. Personne n'a jamais envisagé la question du point de vue du microbe lui-même. Bien sûr, si je me réfère à la vie amoureuse d'un microbe, vous allez sans doute la juger d'après votre propre...
_ Je n'ai pas... coupa-t-elle.
_ … Optique de la vie, continuai-je sans prêter attention à son interruption. Je vous dirai qu'étant donné une certaine température, et une bonne quantité de nourriture, les microbes deviennent on ne peut plus ardents.
- Quelle a été votre réaction en voyant qu'il vous y emmenait ?
- Eh bien, c'était là un geste mâle, décidé, qui m'a plu. Voyez-vous Donald, il est certaines questions qu'une femme déteste s'entendre poser. Par exemple, si un homme vous dit : « Il y a là un motel très bien... voulez-vous que nous y passions la nuit en nous faisant inscrire comme mari et femme ? » vous vous sentez tenue de répondre « non », même si vous avez envie du contraire, car acquiescer serait vous ravaler au rang des femmes faciles, pour ne pas dire des prostituées !
Ecoutez-moi bien, dit Mrs Cool en soupirant. Pour l'amour du ciel, n'allez pas épouser un homme avec l'idée de le placer sur un piédestal, et vous à quatre pattes pour faire la chasse au moindre grain de poussière. Un beau jour, pendant ce temps-là, une jolie poupée aux yeux bleus reluquera votre mari et vous découvrirez alors ce que vous êtes devenue par votre faute : une pauvre cireuse de parquets aux mains abimées et aux genoux calleux. Je sais, vous vous dîtes que votre mari ne sera pas comme ça ; seulement, ils sont tous pareils !