Benoîte Groult - Filles et Pères
Cela semblait la seule alternative: séductrice ou vieille fille. Mes diplômes, mon amour du sport, de la mer ne semblaient pas constituer le moindre atout valable dans la vie d'une jeune fille. Je me trouvais rejetée dans le camp de ma mère et forcée d'accepter ses valeurs, donc mon échec du moins provisoire, faute d'allié en la personne de mon père.
Je le regrettais, mais sans rancune contre lui et sans tristesse. Je ne voyais pas autour de moi de relations fille-père que j'aurais pu envier. Avant guerre- et mon enfance et mon adolescence se sont terminées en 1939-, il n'était pas de mise que les pères participent de près à l'éducation de leurs filles, suscitent leurs confidences ou leur donnent des leçons de bonne conduite. Ils n'étaient là que pour rappeler de temps à autre les grands principes tout en se désinteressant de leur application. (p.137)
Michèle Manceaux- La photographie découpée
Comme beaucoup de femmes, j'ai écrit pour me débarasser de ma mère ou pour la célébrer, mais mon père ne m'a pas inspirée. Il gardait le silence et me l'a imposé. (p.167)
Benoîte Groult - Filles et Pères
Alors le père ? Il était là, figure hiératique, symbolique, mais assez irréelle. Et l'atmosphère que créait ma mère était si riche, si gaie, elle-même était si omniprésente, lisant nos journaux intimes, disséquant nos premiers prétendants, imposant son style de vie, qu'il n'y avait pas de place pour regretter le père. Il trônait en bout de table, conduisait la Citroën familiale, réparait les prises électriques, s'occupait du chauffage central, avait des opinions politiques: c'était cela, être un homme, et cela ne nous concernait pas vraiment. (p.138)