Je haïssais la gravité à laquelle mes secrets m'obligeaient. Tout ce qui avait à voir avec mon identité, lorsque je m'entraînais à en parler, ressemblait à l'aveu d'un crime ou d'un péché impardonnable.
Avoir grandi avec le langage de la culpabilité disséminé un peu partout comme seule et unique manière de se référer à la vie trans était décourageant. La découverte de soi-même devrait être un motif de célébration ; l'abandon officiel d'un espace vital minuscule et suffocant devrait s'accompagner d'embrassades et de soulagement. (p. 125-126)
On n'a pas d'âge lorsqu'on rit de bon cœur, car toute notre vie nous rions de la même façon, et à notre expression on peut deviner la petite fille que nous avons été ou la vieille dame que nous serons.
Les remords et la retenue viennent avec la décrépitude, comme l'égoïsme, quand on se met à habiter l'envers de sa vie et qu'on a compris que presque rien de moche ne nous sera épargné.
Les ouvriers ne furent jamais considérés autrement par le franquiste que comme des bêtes de somme à parquer en périphérie.
Cet abandon généra dans le quartier une conscience de classe que les autorités de la transition démocratique décidèrent de brimer jusqu'à la fin des années soixante-dix, puis durant toute la décennie suivante, avec des seringues d'héroïne presque gratuites.
La drogue fut la dernière forme d'exécution sommaire de dissidents commise par un régime qui avait trouvé ainsi la manière de perdurer.