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Critiques de Ales Kot (32)
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Marvel Gold, tome 5 : Secret Avengers

Ce récit fait partie de l'opération 2023 lancée par Carrefour en collaboration avec les éditions Panini Comics.

Le but, proposer dix titres Marvel au prix imbattable de 3,99€ unité pour 240 pages de récit.

Cela fait maintenant 5 ans que Carrefour propose ce genre d'opération (6 si 'on compte la première collection qui comptait alors 8 titres au lieu de 10 et était dans un format plus petit).

A noter que pour la première fois, augmentation du prix du papier oblige, cette collection est passée de 2,99€ à 3,99€. Mais pour 240 pages, cela reste imbattable et il serait bête de passer à côté.



Ce cinquième volume met à l'honneur les Secret Avengers, une équipe d'Avengers très axé espionnage / agent secret.

Et une fois de plus sur cette collection, nous avons ici des récits très récents, qui datent du milieu des années 2010.



Ainsi, dans ce volume, nous retrouvons les épisodes 1 à 10 de Secret Avengers (2014) + les épisodes 1 et 2 de Original Sin : Secret Avengers (2014) de Ales Kot & Michael Walsh.

Dans cette série, nous aurons une version de l'équipe dirigée par Maria Hill et composé de Nick Fury (le nouveau), Phil Coulson, Jessica Drew (Spider-Woman), Black Widow, Hawkeye mais aussi... MODOK !

Etonnant de voir ce dernier ici, mais cela marche plutôt bien.

L'ensemble des récits proposés ici, sans être extraordinaire, restent sympathique à lire, et pour le prix de l'ouvrage, cela fait une bonne découverte de l'univers Marvel que je ne connaissais pas.
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Wolf, tome 2 : Apocalypse Soon

Ce tome fait suite à Blood and Magic (épisodes 1 à 4) qu'il faut avoir lu avant. Il comprend les épisodes 5 à 9, initialement parus en 2016, écrits par Ales Kot, dessinés et encrés par Ricardo López Ortiz, et mis en couleurs par Lee Loughridge.



Antoine Wolfe a revêtu l'habit orange des prisonniers. D'après le gardien qui vient le chercher dans sa cellule, ça fait 5 ans qu'il est incarcéré. Dans les couloirs, le gardien pousse Wolfe en avant, et salue un autre gardien. Il l'amène dans une pièce immense avec des petites rigoles dans le sol, et des silhouettes indistinctes tout autour de la pièce. Dans un désert, dans la région de Los Angeles, Anita Christ a maintenant 17 ans, et 18 ans dans 3 semaines. Elle revient de tuer une vache à main nue, et elle se fait tancer par Isobel, la vampire de 683 ans qui s'est occupée d'elle pendant ces 5 années. La discussion reprend un ton normal, avec l'arrivée de Freddy Chtonic qui vient leur rendre visite.



Il y a quelques années en Iraq, Antoine Wolfe est tombé sous le charme d'une femme du pays qui osait se promener sans voile. Une nuit, elle lui rend visite dans la tente où il dort avec d'autres soldats. De nos jours, Anita Christ tient un journal pour garder trace de ses hypothèses quant à la disparition d'Antoine Wolfe. Ce soir, elle se rend dans un bar de Los Angeles, pour rencontrer quelqu'un qui aurait une information. Ce quelqu'un l'oriente vers Renfield, un homme d'une trentaine d'années qui sait peut-être où Wolfe se trouve.



Le premier tome de cette série avait accroché le lecteur qui avait fait l'effort d'assembler les pièces du puzzle. Il avait découvert un nouvel enquêteur paranormal qui avait la particularité d'être lui-même une créature surnaturelle, avec une vision très personnelle de Los Angeles, au cours d'une enquête maîtrisant les codes du roman noir. Il espère donc trouver une histoire bien tordue avec un regard acerbe et pénétrant posé sur le bout de réalité observé par l'auteur. Ce dernier a choisi de faire faire un bond de 5 ans en avant à son récit, ce qui demande quelques pages au lecteur pour en être bien sûr. Il retrouve bien les principaux personnages comme Antoine Wolfe (normal, il donne son nom à la série), Anita Christ (provoquera-t-elle vraiment la fin du monde ?), le prolétaire Freddy Chtonic un peu dépassé par les événements (avec ses mini-tentacules devant la bouche). Il fait connaissance du frère d'Antoine qui était évoqué dans le tome précédent, et il découvre quelques retours en arrière en Iraq qui montrent que ceux du tome 1 ne se limitait pas à donner un passé de vétéran à Antoine Wolfe. Il a même la surprise de retomber sur la première page du premier épisode (la silhouette de Wolfe en feu, se détachant sur les contours de Los Angeles, dans la nuit), dans l'épisode 6.



Le lecteur constate également que Matt Taylor a laissé sa place de dessinateur à un autre pour ce deuxième tome. Ce choix n'a rien de choquant dans la mesure où 5 ans se sont écoulés, ce qui devient d'autant plus apparent que l'artiste n'est pas le même. Ricardo López Ortiz réalise des dessins assez réalistes, de type descriptif, avec un bon degré de simplification et une forme d'exagération qui n'est pas celle de Taylor. Le lecteur constate qu'il utilise régulièrement l'équivalent informatique de trames mécanographiées pour des zones avec des petits points, et qu'il exagère régulièrement les expressions faciales pour leur donner une dimension humoristique, sans verser dans la caricature. Cette approche graphique évoque celle de Riley Rossmo (par exemple dans Drumhellar), mais en moins systématique, sans jamais virer dans l'absurde.



Ortiz dessine des personnages à la silhouette un peu allongée, tout en restant dans des proportions anatomiques plausibles. Le lecteur n'éprouve aucune difficulté à reconnaitre chaque protagoniste. Ortiz représente les particularités des créatures surnaturelles, sans chercher à les magnifier ou à les dramatiser, une main parfois plus grosse pour Anita Christ quand elle commence à se transformer en loup-garou, les petites canines pointues d'Isobel, et bien sûr les mini-tentacules qui ornent le visage de Freddy Chtonic. Il ne s'agit pas de faire croire au lecteur la réalité de ces spécificités, mais d'indiquer que les personnages en sont pourvus. L'artiste adapte la densité d'informations visuelles en fonction de la séquence. Le lecteur peut voir où chaque scène se déroule. Les pages apportent une idée claire du volume et de la géométrie de chaque endroit. Ortiz ne s'appesantit pas trop sur l'architecture de la salle de prison où est amené Wolfe. À l'opposé, il décrit les petites affaires qui jonchent la chambre en désordre d'Anita Christ. Les couloirs de la prison deviennent très vagues dans leur forme et leur revêtement dans l'épisode 9, comme si le dessinateur simplifiait ses dessins pour mieux rendre compte de la rapidité des actions, de la vivacité des combats.



Le lecteur découvre donc un monde un peu fatigué, un peu sale dans les coins, avec des individus eux aussi un peu fatigués, un peu étranges (beaucoup pour Freddy Chtonic), seule Anita Christ semblant vouloir secouer tout ça, avec l'énergie de sa jeunesse. Ortiz sait montrer la forme de résignation ou d'acceptation des adultes, le renoncement de Renfield à lutter contre la malchance, la folie sous-jacente de l'iraquienne, les espoirs des soldats Antoine, Robin et Jack, la violence brutale et désorganisée lors des combats. Le dessinateur donne à voir une vision cohérente de l'étrange récit concocté par Ales Kot. Le scénariste propose donc de découvrir ce qui se passe 5 ans après. Il mène à leur terme les intrigues secondaires laissées en suspens dans le premier tome, en particulier celle liée à Duane le frère d'Antoine, mais aussi la question de savoir si Anita Christ est bel et bien l'anti-Christ. Il a choisi de ne pas reproduire le schéma de l'enquête dans le paranormal, au profit d'un côté de la recherche d'Antoine Wolfe, de l'autre de son histoire personnelle.



Chemin faisant, le lecteur a le plaisir de retrouver les allitérations de Freddy, digne du verbiage le plus enjoué de Stan Lee, ainsi que des pages avec des textes sur le côté et des images sans phylactères, ainsi que des remarques inattendues. Les personnages d'Ales Kot se font des réflexions au débotté. Anita se demande si elle est une lesbienne. Renfield fait le point sur le désastre qu'est sa vie, en se demandant s'il faut vraiment qu'il continue. L'un des potes d'armée fait remarquer à Antoine Wolfe sa relation avec la femme iraquienne peut être qualifiée de viol envers lui. Dans le dernier épisode, Freddy Chtonic répond du tac au tac à Isobel, qu'il est dans un comics et qu'il peut donc faire ce qu'il veut, brisant ainsi le quatrième mur. Le lecteur n'en attend pas moins d'Ales Kot, scénariste iconoclaste et intelligent.



Malgré tout ce tome laisse un goût étrange au lecteur. Il est construit sur une intrigue solide, avec la résolution des intrigues secondaires, et des respirations humoristiques amusantes (comme une vampire qui se casse une canine en essayant de perforer la peau d'un monstre, ou Freddy annonçant à Isobel qu'il apprécierait des préliminaires avec des tentacules). Il contient une ou deux remarques d'ordre culturel, comme celle sur le Hellfire Club, pas celui d'Hollywood, mais celui historique en Irlande. La narration est construite sur la base de la recherche d'Antoine Wolfe (qui du coup devient un personnage secondaire, ou en tout cas qui partage le premier rôle avec Anita Christ), amenant le lecteur à attendre une résolution, voire même une forme de réponse à son enlèvement, à son histoire personnelle. Effectivement il apprend ce qui s'est passé en Iraq avec cette femme libérée (mais jamais nommée), ainsi que la raison pour laquelle il est détenu depuis 5 ans. Le récit se dirige vers un affrontement généralisé entre les personnages, qui a bien lieu. Mais il se produit quelque chose d'étrange durant cet affrontement.



Ales Kot choisit de passer en mode métacommentaire de manière complète. Cela commence donc par la remarque de Freddy sur les comics, cela continue avec un commentaire d'un individu non identifié qui évoque la nature de la réalité (à base de tortues et de plateau d'échecs, reprenant le mythe de la tortue portant le monde sur son dos). Les images montrent un affrontement construit de manière classique, alors que le commentaire part dans une direction bien différente. Selon son humeur, le lecteur peut y voir une échappatoire pitoyable pour un scénariste n'ayant pas su concevoir une fin en cohérence avec son récit, une idée brillante sur la nature des histoires, une affirmation déiste sortie de nulle part, une tentative métaphysique peu claire pour commenter sur la nature de la relation qui lie le lecteur à l'auteur. Mais dans ce dernier cas, l'auteur semble regarder le lecteur avec la condescendance de mauvais aloi du grand manipulateur.



Cette deuxième partie (et vraisemblablement la dernière) des aventures d'Antoine Wolfe prend une direction différente de la première, justifié par le temps nécessaire pour que certaines intrigues secondaires aboutissent. Le nouveau dessinateur effectue un travail professionnel, avec une part de personnalité, et une part d'influence de Riley Rossmo. Le scénariste raconte son récit de manière à ce qu'il aboutisse à une résolution basée sur une révélation. Il tient bien ses promesses mais d'une manière qui prend le lecteur à rebrousse-poil, et pas simplement parce que ce n'est pas la forme de chute qu'il attendait, mais aussi parce que le message contenu dans cette chute reste au mieux difficile à interpréter, au pire peu respectueux de son lecteur.
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Wolf, tome 1 : Blood and Magic

Ce tome est le premier d'une série indépendante de toute autre. Il contient les épisodes 1 à 4, initialement parus en 2015, écrits par Ales Kot, dessinés et encrés par Matt Taylor, avec une mise en couleurs de Lee Loughridge, et un lettrage de Calyton Cowles. Tom Muller a conçu l'apparence graphique de la série.



Tout commence dans les hauteurs de Los Angeles en Californie (environ 10 millions d'habitants humains, population surnaturelle non dénombrée), où une silhouette humaine en flamme se détache sur le ciel nocturne. 10 heures plus tard, Antoine Wolfe se retrouve au commissariat interrogé par un policier qui ne sait pas trop quoi faire de sa déclaration, ni s'il doit vraiment l'inculper de s'être retrouvé dans la piscine d'un particulier. Il rentre chez lui par le bus. Avant il essaye de taxer une clope à une clocharde avec un caddie qui lui parle de la fin des temps. Dans le bus, il met fin aux agissements d'un hypnotiseur qui vient d'extorquer de l'argent à une dame qu'il a hypnotisé. De retour chez lui, il trouve un dénommé Simmons qui s'est introduit par effraction. Sans ménagement et contre son gré, Wolfe est amené devant un certains Sterling Gibson qui exige qu'il accomplisse une tâche.



Ailleurs dans Los Angeles, la police intervient dans une riche demeure où elle découvre une jeune fille debout au pied d'un escalier, avec 2 cadavres devant elle. 2 policiers sont chargés de l'emmener menottée et en voiture au commissariat. Sur la banquette arrière, Anita christ semble parler à une personne invisible. Elle réussit à sortir du véhicule et à semer les policiers. De retour chez lui, Antoine Wolfe reçoit la visite de Freddy Chtonic qui vient se plaindre de l'augmentation de 25% de son loyer. Ailleurs dans Los Angeles, Azimuth, un vampire, fait des affaires.



Ales Kot est un scénariste qui s'est déjà fait remarquer avec des séries de superhéros traditionnelles mais sortant de l'ordinaire comme Bucky Barnes: The Winter Soldier avec Marco Rudy ou Secret Avengers avec Michael Walsh, et avec des séries très personnelles et sortant également de l'ordinaire comme Material avec Will Tempest ou Zero, avec un artiste différent par chapitre, ou encore un récit complet hallucinant et métaphysique The Surface avec Langdon Foss. Le lecteur sait donc par avance que la narration va s'avérer originale et peut-être déroutante. L'illustration de couverture confirme qu'il s'agit d'une histoire d'auteur. Il faut donc être consentant pour pouvoir apprécier ce récit, c’est-à-dire consentir à accepter une forme un peu différente qui demande une lecture active et parfois participative.



Sous réserve d'être consentant, le lecteur finit par assembler les différents éléments parsemés dans les différentes séquences et à rétablir finalement facilement le principe et le genre du récit, ainsi qu'à identifier les personnages qui ne sont pas si nombreux que ça. Antoine Wolfe est un vétéran de la guerre en Iraq qui a perdu une dénommée Heidi dans des circonstances qui restent tues. Il fait partie des créatures surnaturelles puisque c'est un loup-garou et il semble s'être fixé comme mission d'éviter que les créatures surnaturelles ne deviennent prédatrices entre elles. C'est la raison pour laquelle il aide le pauvre Freddy Chtonic avec son problème de loyer. La petite Anita Christ vient le trouver de son propre chef, et elle est l'objet de convoitises au sein de sa propre famille, son nom n'évoquant pas moins que le risque que la présence de l'anti-Christ sur Terre (mais ce n'est pas une certitude). Le lecteur comprend qu'il s'agit d'une sorte de variation sur le principe de l'enquêteur paranormal, avec les particularités que Wolf fait lui-même partie des créatures surnaturelles, et que l'histoire se déroule à Los Angeles (et non en Angleterre comme celles d'un certain John Constantine).



Ayant ainsi établi dans quel genre de récit il a mis les pieds, le lecteur peut commencer à apprécier les particularités de cette narration. Ales Kot ne le tient pas par la main, avec des longues séquences d'explication (il y en a quand même une dans le quatrième épisode quand Wolf expose sa jeunesse à un autre personnage), il montre des dialogues et des événements clés, charge au lecteur de se construire une image d'ensemble de la situation. En cours de lecture, il peut repérer les conventions du polar de type hardboiled. Antoine Wolfe reste un individu normal qui sait très bien que ses questions ont pour effet d'agiter la fourmilière, et de déranger les puissants, les bénis du capitalisme. Ce schéma correspond à celui du polar hardboiled, dans lequel le privé va dérouiller, mais sa persistance obtuse finira par exposer les magouilles et aboutir à une victoire généralement à la Pyrrhus.



De plus en plus à l'aise dans sa lecture, le lecteur prend plaisir à découvrir l'intrigue alambiquée comme il se doit pour ce genre, et il s'attarde sur les dialogues. Au fil des discussions, il retient la description de Los Angeles par un policier, à la fois désert et forêt et océan, à la fois en toc bon marché et en toc luxueux, à la fois hideuse et belle, à la fois fictionnelle et réelle. Avec cette phrase, l'auteur fait comprendre au lecteur qu'il livre avec cette histoire, à la fois sa version ou son interprétation de Los Angeles et de sa faune (un peu comme le firent Warren Ellis & JH Williams III dans Desolation Jones), à la fois une transformation du caractère factice de cette ville en une fiction. Kot en profite pour intégrer quelques remarques brèves et concises sur des thèmes tels que les prisons privées gérées par des entreprises, l'absence de neige à Noël, le racisme ordinaire contre les afro-américains, le mythe de l'immortalité, ou encore le concept de synchronicité.



En cours d'épisode 1, le lecteur découvre la particularité physique de Freddy Chtonic (de courts tentacules sur le base du visage) en se disant que c'est un premier degré. Quelques pages plus loin, Ales Kot déroule une blague énorme et noire, reposant sur les règles féminines. À nouveau le lecteur se dit qu'il s'agit d'un moment énorme et peut-être d'un mauvais goût trop poussé. Il sourit plus en voyant Anita Christ parler à haute voix à une personne invisible, sa grand-mère imaginaire ou à la manifestation des vents de Santa Ana (un quartier de Los Angeles) dans le dernier épisode. Il finit par comprendre qu'Ales Kot emploie un humour qui suscite la connivence du lecteur et qui ne peut fonctionner qu'une fois qu'il a conscience que l'auteur a conçu sciemment un récit qui maintient un équilibre fragile entre intrigue polar au premier degré et parodie utilisant les conventions du genre. Une fois cette prise de conscience atteinte, le lecteur peut alors savourer la manière dont l'auteur met en scène le décalage entre les citoyens de base, et les grands propriétaires capitalistes de ce monde. Il peut aussi regarder toutes ces créatures surnaturelles comme des métaphores ou des caricatures d'individus dont une de leurs caractéristiques a été exagérée jusqu'à en faire un trait de caractère incarné dans leur condition de monstre.



Pour mettre en images cette narration sophistiquée exigeant une bonne capacité de recul du lecteur, Matt Taylor adopte une approche graphique dépouillée et d'apparence très simple. Les personnages sont détourés par des traits fins et rapides, ce qui aboutit à des silhouettes et des visages simplifiés. Ces derniers restent expressifs, tout en étant fortement éloignés du photoréalisme. Bien qu'ils soient mobiles, la dizaine de tentacules qui pendouillent en lieu et place de la bouche de Freddy Chtonic semblent être en plastique, des accessoires de maquillage bon marché. Les blessures sont représentées à gros traits, repassées avec un trait rouge pour figurer le sang. Lorsqu'un vampire est soumis à l'action du soleil, sa peau se craquèle, mais ce ne sont que des cercles et des ovales avec une couleur différente, sans velléité de rendre compte de la texture de la chair en train de carboniser sous l'action de la lumière.



Matt Taylor combine deux approches complémentaires pour les décors. Ils peuvent être représentés de manière aussi simple que les personnages, avec quelques traits pour figurer les angles et les arrêtes d'une pièce ou d'un bâtiment, auxquels l'artiste ajoute un accessoire qui va donner son cachet à l'endroit considéré (par exemple un modèle très particulier de pendulette posée sur un meuble générique). À nouveau le photoréalisme n'est pas l'approche retenue. Il en va de même pour les différents véhicules utilisés par les personnages. À l'opposé, Taylor peut intégrer des photographies au contraste fortement exagéré comme fond de case, basculant alors du côté du photoréalisme pour donner plus de consistance essentiellement aux paysages urbains, et donc à Los Angeles. Lee Loughridge a conçu une mise en couleurs aux caractéristiques prononcées. Il utilise une teinte dominante pour chaque séquence, avec des une palette de nuances restreinte, autour de cette couleur dominante. Il ne cherche pas à retranscrire la réalité des couleurs perçues par les personnages, mais à établir une ambiance expressionniste qui rehausse la singularité de chaque séquence.



Ce premier tome exige que le lecteur fasse l'effort de s'adapter à la narration particulière d'Ales Kot. Sous cette réserve, il découvre une enquête bien construite avec des créatures surnaturelles. Derrière les conventions du genre et l'intrigue bien ficelée, il reconnaît un auteur qui les utilise pour commenter quelques facettes de la société et du capitalisme. Il a le plaisir de découvrir ensuite que Kot manie un humour second degré adulte et sarcastique qui ne pourra pas plaire à tout le monde. Matt Taylor semble s'ingénier à contrebalancer l'ambition de la narration par des dessins factuels et allégés afin que le lecteur puisse pleinement se concentrer sur l'histoire. Ce parti pris fonctionne et cette lecture fournit son quota de divertissement, le plaisir ludique associé à une enquête, un regard décillé sur la société dans l'environnement particulier de los Angeles, avec un humour acide sans être cynique.
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Dead drop

Ce tome comprend une histoire complète qui nécessite une connaissance superficielle de l'univers Valiant pour pouvoir situer les personnages. Il contient les épisodes 1 à 4, initialement parus en 2015, écrits par Ales Kot, dessinés et encrés par Adam Gorham, avec une mise en couleurs de Michael Spicer.



Le premier épisode se déroule de Times Square à Chinatown, en passant par le district de Flatiron. Neville Alcott (le superviseur de Ninjak) a contacté Aric Dacia (le porteur de l'amure X-O Manowar) pour récupérer une arme biologique (dérivée de la technologie de la race extraterrestre des Vine) qui a été dérobée par des activistes anarchistes, pour un usage qui inquiète fortement le gouvernement des États-Unis, quel que puisse être cette utilisation. Alcott explique à Dacia l'origine de cette arme, pendant que X-O Manowar se pose au milieu de Times Square et essaye de convaincre la police de le laisser passer.



X-O Manowar repère une jeune femme en train de courir et se lance à sa poursuite. Celle-ci se révèle une athlète accomplie et l'oblige à faire de gros efforts pour la poursuivre. Elle est en contact permanent avec un complice, par son téléphone portable. Elle lui indique au fur et à mesure que leurs sites de dépôt d'information (dead drop) sont grillés. Après l'intervention de X-O Manowar, Neville Alcott va faire appel à 3 autres agents pour continuer la poursuite.



Avant d'ouvrir ce tome, le lecteur sait qu'il s'agit d'une histoire qui ne compte pas, c’est-à-dire d'un récit auto contenu sans incidence sur la continuité de l'univers partagé Valiant. Son regard est fortement attiré par l'identité du scénariste : Ales Kot, capable de réaliser une saison exceptionnelle des Secret Avengers (à commencer par Let's have a problem), comme des récits plus intimistes et conceptuels (par exemple l'incroyable The surface). Le lecteur salive à l'avance à l'idée d'un scénario bien troussé, d'une histoire rapide avec la mise en avant de personnages de l'univers partagé Valiant. Un coup d'œil rapide à la quatrième de couverture lui permet de comprendre que chacun des 4 épisodes met en scène un personnage différent, en particulier il identifie Obadiah Archer (de la série Archer & Armstrong) pour l'épisode 2. Par contre il ne reconnaît pas au premier coup d'œil les 2 personnages mis en avant sur les couvertures des épisodes 3 et 4. Effectivement, ils sont extraits de la série Quantum & Woody, voir The world's worst superhero team, et il s'agit de personnages (très) secondaires.



Après tout, ce n'est pas forcément un mal qu'il ne s'agisse pas de personnages de premier plan, cela donne plus de liberté de manœuvre au scénariste. Le premier épisode avec X-O Manowar s'inscrit dans un registre d'action, sur la base d'une course-poursuite linéaire, entre une jeune femme athlétique et un individu disposant d'une armure symbiote (Shanhara) de haute technologie, lui conférant une capacité de vol autonome et une force surhumaine. Le lecteur accepte d'accorder un supplément de suspension consentie d'incrédulité sur le fait que X-O Manowar ne rattrape pas la fugitive en 30 secondes. La jeune femme s'avère très habile et utilise intelligemment les aménagements urbains à son avantage. L'explication sur l'origine de l'arme biologique vient étoffer l'intrigue, avec une ironie amusante, sans être très renversante. La personnalité d'Aric Dacia ne ressort pas vraiment, et le lecteur éprouve finalement un sentiment de satisfaction à le voir écarté de la suite du récit.



L'entrée en scène d'Obadiah Archer puis celle du personnage de l'épisode 3 s'accompagnent d'un changement de registre dans la narration qui passe du thriller à une forme d'aventure avec une composante humoristique. Ales Kot joue sur la naïveté partielle d'Archer, et sur l'obsolescence de l'autre personnage. L'humour reste au niveau des pâquerettes, très premier degré, très littéral par rapport aux personnages, sans faire ressortir leur personnalité, sans être révélateur de leur inadéquation par rapport au monde qui les entoure, sans virer vers l'absurde. Au départ le lecteur se demande s'il n'aurait pas raté un indice, s'il n'y aurait pas une forme de second degré, mais rien ne vient. L'intrigue se poursuit toujours sous la forme d'une course-poursuite entre la jeune femme (et son complice) et le héros de l'épisode. Il apparaît un autre fil narratif relatif à Neville Alcott, bien capilotracté, sans grand intérêt.



Le lecteur se dit que le quatrième épisode va apporter des éléments qui enrichiront les précédents, avec des révélations venant donner un autre sens, ou élargir l'horizon ou la portée de ce qui précède. Il n'en est rien, la course-poursuite s'achève sur le gros monstre, avec un affrontement final, et un quatrième personnage tout aussi secondaire que celui de l'épisode 3, sans plus de personnalité. Le lecteur relit la fin pour s'assurer qu'il n'a rien raté, et soupire de résignation devant un dernier gag tout aussi pathétique que les précédents.



Outre le nom d'Ales Kot, le lecteur est également attiré par la qualité des couvertures réalisées par Raúl Allén. Celle du recueil correspond à une représentation épurée avec un fond conceptuel, basé sur le plan masse d'un quartier de New York. La seconde présente une composition épurée et conceptuelle, mélangeant la trace d'une voiture figurant la fuite, des billets voletant et Archer à la poursuite d'un fuyard. La troisième présente une composition pus basique, jouant sur le contraste du noir et du rouge. La dernière est plus classique avec une ombre projetée et étirée. Les 2 couvertures variantes (d'Adam Gorham, et de Rafa Sandoval) sont des dessins plus classiques, pas très mémorables.



Le premier épisode s'ouvre sur un dessin pleine page montrant X-O Manowar plongeant depuis le ciel, vers Times Square Le lecteur observe un dessin qui montre des immeubles plus esquissés que dessinés de manière photoréaliste, et une armure sans beaucoup de détail, avec une surface ternie. Le dessin montre bien la situation, sans avoir grand-chose de spectaculaire. C'est effectivement l'impression générale qui se dégage des pages d'Adam Gorham. Il sait bien choisir ses angles de vue et réaliser des découpages clairs montrant avec efficacité ce qui se passe. La lecture est rapide et vivante, sans succession de têtes en train de parler (heureusement pour une histoire qui est une longue course-poursuite). Le lecteur peut donc se projeter dans des rues de New York avec quelques particularités, dans l'appartement où crèche Archer, dans un jardin en arrière d'immeuble, dans un parc, ou encore dans un entrepôt abandonné.



Adam Gorham sait mettre en page les actions et les courses pour leur conférer du mouvement et du dynamisme. Il dessine des tenues vestimentaires simples, mais fonctionnelles. Il s'avère un peu moins convaincant en tant que chef décorateur, avec des cases devenant de plus en vides au fur et à mesure que la pagination avance. Le lecteur a du mal à maintenir son niveau d'intérêt pour l'aspect visuel, avec des arrière-plans peu fournis, et une mise en couleurs professionnelle mais qui ne parvient pas à masquer cette vacuité. Il apprécie que l'artiste donne des corps aux proportions normales à chaque personnage (même Aric Darcia ne semble pas souffrir d'un abus de stéroïdes). Par contre, les expressions des visages manquent de nuances. Le langage corporel reste à la surface, étant fonctionnel, sans non plus exprimer l'état d'esprit des personnages.



À la fin de cette histoire, le lecteur se dit qu'il n'a pas trouvé ce qu'il était venu chercher, ni autre chose d'ailleurs. Ales Kot a pris une base d'intrigue solide : une course-poursuite. Il a imaginé un prétexte convaincant : récupérer une arme bactériologique, par le biais de 4 opérateurs se succédant et guidés par Neville Alcott. Il utilise une narration premier degré pour le premier épisode, sans réussir à convaincre le lecteur qu'une jeune femme peut balader X-O Manowar pendant autant de temps, la différence de capacité étant trop importante. Par la suite, il ajoute une composante humoristique qui n'a de drôle que le nom. Enfin, l'intrigue se dénoue de manière linéaire sans susciter grand intérêt les dessins sont un peu mieux que fonctionnels, avec une mise en scène efficace et pertinente, mais un sens du spectacle très limité. Les personnages n'existent pas au-delà de leur fonction dans l'intrigue, qu'il s'agisse d'un superhéros de premier plan comme Archer (doté pourtant de caractéristiques psychologiques fortes dans sa propre série), ou des personnages secondaires eux aussi réduits à leur fonction. 1 étoile pour les couvertures de Raúl Allén.
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Change

Il s'agit d'une histoire complète en 1 tome, et indépendante de toute autre. Ce tome comprend les 4 épisodes, initialement parus en 2012/2013, écrits par Ales Kot, dessinés et encrés par Morgan Jeske, avec une mise en couleurs de Sloane Leong. Avant de plonger dans la lecture de ce comics, il faut avoir conscience que la narration est aussi rigoureuse qu'expérimentale. Cette histoire bénéficie d'une introduction louangeuse de Joshua Dysart, le scénariste de la série Unknown Soldier, mais aussi de la série Harbinger. Ales Kot a réalisé un deuxième récit thématique en 2015 : The surface dont la postface indique qu'il s'agit de la suite thématique de Change. La lecture de The surface donne une envie immédiate de lire Change.



Le récit s'ouvre avec une page cryptique relative à une femme dont le texte précise qu'elle a accouché d'un enfant mort-né, mais qu'elle n'a jamais été enceinte. La deuxième page montre le rappeur W-2 assis sur le lit de cette femme, son cadavre en arrière-plan, et l'évocation de quelque chose qui gigote sur le sol. La troisième page montre qu'il s'agit en fait de W-2 (Wallace Maya de son vrai nom) passant en revue le scénario de film écrit par Sonia Bjonrquist et lui disant qu'il faut qu'elle procède à des retouches. Elle s'en va en claquant la porte, s'en grille une sur le parking, et vole la voiture de W-2.



Et après ? Il y a cette histoire d'astronaute (qui n'est pas nommé) qui revient de la mission spatiale Onstad, à bord du vaisseau Janus, et qui s'approche de la Terre. Il y a ce culte bizarre qui semble vouloir évoquer des grands anciens à la HP Lovecraft. Il y a aussi cet homme (non nommé également) qui aime une femme souffrant de trouble de la personnalité. Il y a ces 2 agents gouvernementaux qui espionnent Sonia Bjornquist pour capter ses différents scénarios. Il y a le meurtre de Werner l'agent de W-2. Il y a encore beaucoup d'événements sans lien de cause à effet discernable immédiatement.



Effectivement, la narration de cette histoire déroute dès les 2 premières séquences. D'accord, il s'agit d'un extrait du scénario conçu par Sonia Bjornquist pour répondre aux spécifications (non explicitées dans la narration) de Wallace Maya. Mais même avec ce recul, les 2 premières planches présentes 2 situations liées entre elles, avec un lien de cause à effet assez lâche, sans précision sur leur temporalité, difficiles à interpréter. En outre le lecteur n'arrive pas à se départir de l'impression que ces 2 pages mettent en scène des situations qui sont en rapport avec l'intrigue générale du récit, sans pour autant réussir à les exprimer par lui-même. Le sens semble juste à portée, et pourtant il se dérobe.



Le lecteur comprend donc rapidement qu'il ne s'agit pas d'un récit traditionnel, avec une intrigue claire, une temporalité basée sur une chronologie linéaire, ou des personnages bien établis. Il constate qu'il semble y avoir plusieurs fils narratifs plus ou moins reliés entre eux, et qu'une partie de son énergie doit être dirigée vers le repérage des éléments communs à ces fils pour identifier les schémas. Une fois cette prise de conscience effectuée, il adapte son mode de lecture en fonction de ces spécifications. Il se laisse porter d'une situation à l'autre, sans pouvoir se raccrocher à une logique linéaire, il cherche son plaisir de lecture dans l'instant présent de chaque scène en remettant à plus tard la compréhension globale de l'intrigue dans son ensemble. Il se met en mode ressenti, en essayant de se montrer à la hauteur de la narration papillonnante.



Un vaisseau spatial, avec à son bord un seul astronaute ? Le lecteur apprécie l'idée de voyage, de solitude, de prise de recul, de possibilité d'observer des phénomènes invisibles à partir de la Terre. Une secte avec capuche, couteaux sacrificiels et une adoration pour un monstre venu du dehors ? Il doit s'agir d'une manière de mettre un peu d'action dans le récit, à moins qu'il ne s'agisse d'une métaphore d'une peur de quelque chose, d'une phobie peut-être. Difficile à déterminer. Los Angeles est la nouvelle Atlantis ? Si ça peut faire plaisir à l'auteur, pourquoi pas ? Mais qu'est-ce que ça veut dire ? Quel sens donner à cette affirmation, de quoi Atlantis est-elle le symbole ? Mystère, aucun personnage ne s'explique à ce sujet.



2 agents secrets qui espionnent une scénariste qui semble être géniale, mais incomprise ? Pourquoi pas. Ales Kot joue là sur un mythe urbain, celui d'une organisation gouvernementale officieuse qui pirate les idées de génie des créatifs pour nourrir ses propres desseins, à moins qu'il ne s'agisse d'une entreprise privée. La star (ici le rappeur W-2) qui est enlevée par un culte : on est là encore entre la réalité des faits divers et les légendes urbaines de Los Angeles. C'est peut-être une piste d'interprétation de voir ces séquences comme autant de matérialisation de fantasmes urbains, une façon de faire éprouver au lecteur une réalité pétrie par les mythes modernes, arbitraires nécessitant de se laisser aller avec le mouvement, sans espoir de le maîtriser. Ça révèle un possible axe de narration dans lequel s'inscrivent plusieurs séquences, du meurtre dans un bureau aux dimensions gigantesques, à la capsule spatiale qui s'écrase sur la plage, aux pieds des protagonistes.



Le lecteur détecte un deuxième axe narratif assez fort, celui des relations interpersonnelles. Wallace Maya s'inquiète pour sa femme Rhubard que les images montrent être enceinte. Le lecteur devine au travers des sous-entendus que l'accouchement n'a pas du bien se passer, ce qui renvoie à la séquence d'ouverture (j'en étais sûr qu'elle contenait un deuxième niveau de sens). Le lecteur constate que l'un des personnages récurrents (non nommé, un homme avec des cheveux noirs) évoquent lui aussi sa relation suivie avec une femme (non nommée) et sa difficulté de gérer les troubles de la personnalité de sa compagne. Ce même personnage évoque également une femme morte dans un accident d'autobus, sa femme ou sa mère, ou un amalgame des deux.



Le lecteur détecte un autre phénomène récurrent : les événements impossibles. Dans cette catégorie, il peut ranger le badge de Werner (avec l'inscription "Je veux déféquer sur ta pelouse"), l'exécution à bout portant d'un personnage principal qui revient avec le crâne défoncé par la suite, un drone aérien qui acquiert une conscience, ou encore la capsule Janus qui arrache le deuxième visage d'un personnage (Janus contre Janus). Le lecteur peut y voir une forme de surréalisme, d'écriture automatique, ou de rapprochements à la truelle. Mais ce concept de Janus peut également évoquer le fait que ce personnage soit aussi un double fictionnel de l'auteur.



Morgan Jeske réalise des dessins avec des traits fins pour les détourages. Il ne dessine pas pour faire joli, les visages et les silhouettes étant marqués par le quotidien. Il n'hésite pas à représenter de nombreux détails dans les cases quand le scénario l'exige. Il n'utilise pas pour autant une approche photoréaliste, ce qui lui permet d'intégrer dans les images les éléments les plus incongrus (même un monstre gigantesque en train de péter) sans qu'il ne se produise de hiatus visuel entre eux. La mise en page varie fortement d'une séquence à l'autre, totalement inféodée à l'intrigue. Le lecteur a du mal à se faire un avis sur les dessins car ils sont entièrement au service de la narration. Ils sont réduits à l'état de vecteur du récit. D'une certaine manière, c'est leur qualité première que de s'effacer pour devenir l'écriture visuelle du scénariste.



En y repensant, le lecteur se rend compte que Morgan Jeske utilise un graphisme détaillé évoquant la bande dessinée indépendante européenne, de type récit intimiste. Sans écraser les dessins, la mise en couleurs de Sloane Leong a tendance à les unifier dans chaque séquence, jusqu'à ce qu'ils en perdent leur unité. Pourtant, il y a bien des cases incroyables, comme la surface du grand ancien (que le lecteur finit par rattacher à la texture du cerveau d'un personnage), cette case en ombre chinoise où une boîte crânienne explose sous l'impact d'une balle, cette balade au bord de la plage, cette chambre d'enfant avec des jouets en désordre sur le sol, etc.



Arrivé à la fin de ce tome, le lecteur n'est pas très sûr de son ressenti vis-à-vis de ce récit hors norme. Il n'a pas perdu son temps, car Ales Kot sait évoquer des impressions persistantes. Il sait communiquer la sensation de vivre dans un monde qui nous échappe, dans une succession d'événements arbitraires à l'importance relative et changeante avec le temps qui passe. D'un autre côté, il a l'impression de ne pas avoir compris l'intention globale de l'auteur, malgré des mises en page sophistiquées pour traduire les sensations par le découpage des cases. Il n'arrive plus à savoir s'il s'agit d'un exercice de style encore un peu brouillon, ou d'une immersion dans un esprit en pleine crise de fantasme, refusant d'identifier les schémas, avec un esprit incapable de digérer les informations transmises par ses sens.
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Zero, tome 1 : An Emergency

Il s'agit du premier tome d'une série indépendante de toute autre. Ce premier tome comprend les épisodes 1 à 5, initialement parus en 2013/2014, tous écrits par Ales Kot. L'épisode 1 est dessiné et encré par Michael Walsh, le 2 par Tradd Moore, le 3 par Mateus Santolouco, le 4 par Morgan Jeske et le 5 par Will Tempest.



Épisode 1 - En 2018, à Beit Hanoun dans la Bande Gaza, Edward Zero est un agent secret infiltré dans ces territoires occupés où se confrontent l'armée palestinienne et le Hamas. En plein milieu des combats armés dans les rues, il doit récupérer un dispositif technologique dérobé et greffé sur un soldat, augmentant ainsi ses capacités. Il doit rendre des comptes à Sara Cooke et Roman Zizek.



Épisode 2 - En 2000, Edward Zero (encore enfant) et Mina Thorpe sont dans la même classe dans une école très spéciale pour futurs agents très spéciaux. Épisode 3 - En 2019, Eward Zero accomplit une mission de reconnaissance lors d'une réunion de financement d'un groupe terroriste ; Mina Thorpe assure ses arrières. Épisode 4 - En octobre 2019, à Shanghai, Edward Thorpe a pour mission d'assassiner Garreth Carlyle à Rio de Janeiro. Épisode 5 - En 2019, Edward Zero est interrogé par Roman Zizek, puis Sara Cooke pour débriefer de sa mission à Shanghai.



Il s'agit d'un récit mêlant thriller et aventure, avec une bonne dose d'action. La première histoire montre cet agent efficace, intelligent, sans remords, évoluer dans une zone de guérilla urbaine, pour accomplir une mission clandestine à haut risque. Les dessins évoquent ceux de Michael Lark (voir Gotham Central), secs, un peu esquissés, avec un encrage un peu pâteux. Le récit est à la fois intense et concis, avec un niveau de violence élevé (des blessures sadiques, et des plaies béantes) dont la nature est un peu atténuée par le graphisme à gros traits.



Dès ce premier épisode, le lecteur prend également conscience qu'Ales Kot développe en arrière plan des personnalités complexes et une organisation clandestine aussi efficace que dépourvue de scrupules. Contrairement à ce que le résumé peut laisser croire, ou contrairement au fait que chaque épisode est dessiné par un artiste différent, ces 5 épisodes présentent une réelle unité. Pour commencer, il y a un seul et unique personnage principal : Edward Zero. Le lecteur découvre peu à peu qui il est, comment il a été formé, ce qu'est devenu son prédécesseur, ce que devient l'un de ses collègues formé en même temps que lui. Kot n'expose pas de manière magistrale ce qui motive un tel individu ou les valeurs qui sont les siennes. Il le montre de manière implicite dans ses actes. Edward Zero n'est pas un bon petit soldat, c'est un agent qui a atteint l'excellence, ce qui implique une forme de pensée, un état d'esprit. Kot ne recourt pas à des bulles de pensées, ou des monologues intérieurs, il fait habilement apparaître le décalage entre les actions de Zero et les ordres qui lui sont donnés. Ales Kot n'hésite pas à dédier le deuxième épisode à Garth Ennis, sous-entendant une forme d'hommage, reconnaissant une influence.



De manière tout aussi discrète et efficace, Kot montre comment chaque individu est conditionné par sa formation, prisonnier de sa nature, de ses idiosyncrasies. À nouveau ces éléments sont intégrés en filigrane, ce qui donne un ton très adulte à la narration, s'élevant au dessus d'une dichotomie bien/mal. L'aspect graphique participe également au caractère adulte de la narration. Michael Walsh réalise des cases fonctionnelles, sans grande séduction, brutes de décoffrage. Tradd Moore utilise des traits plus fins et lus soignés. Il apporte une grande attention aux décors. Il insuffle une petite exagération dans les formes et dans les expressions des visages, ce qui facilite la lecture des émotions et augmente le niveau d'empathie vis-à-vis des 2 enfants. Il sait transcrire le mouvement et la force des impacts.



Avec l'épisode 3 et Mateus Santolouco, retour à des graphismes plus réalistes, toujours aussi adultes, avec une propension marquée à la disparition des arrières plans. Étrangement, ils ne font pas défaut à la lecture, le scénario de Kot installant un suspense tendu, et le metteur en couleurs s'amusant avec des teintes vives, voire criardes pour insister sur la tension des personnages et les rapports de force.



L'épisode 4 fait un peu crade, visuellement parlant, avec un encrage marqué et griffé, installant une ambiance sale et poussiéreuse dans ce quartier défavorisé de Rio de Janeiro. Si ce parti pris graphique peut repousser un peu au début, il s'avère totalement adapté à la suite de l'histoire particulièrement brutale et viscérale. Après les dessins qui tachent de Morgan Jeske, les dessins au trait très fin de Will Tempest semblent éthérés, manquent presque de substance, avec un peu côté amateur dans les visages. À nouveau, après un premier mouvement de "bof, c'est pas terrible", le lecteur prend conscience qu'il s'agit d'une approche parfaitement adaptée pour transcrire la fragilité de l'individu, son insignifiance par rapports aux événements.



Ce premier tome de la série fait tout pour dissuader le lecteur de lui donner sa chance : une couverture patchwork, avec un orange criard, un titre en gros caractères moches, avec le prix comme une étiquette d'ingrédients sur une boîte de conserve. Un rapide feuilletage permet de constater une hétérogénéité graphique qui ressemble à nouveau à un patchwork sans ligne conductrice. La lecture du premier épisode donne immédiatement confiance, avec une aventure rapide, brutale et intelligente. Une fois terminé les 5 épisodes, le lecteur a pu constater une étonnante cohérence narrative et il se demande quelles surprises réservent le tome 2 At the heart of it all, surtout au vu de la révélation de la dernière page.
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Secret Avengers, tome 3 : God Level

Ce tome fait suite à "The Labyrinth" (épisodes 6 à 10). Ces 3 tomes (avec le premier "Let's have a problem") forment une saison complète qui se suffit à elle-même. Il contient les épisodes 11 à 15, initialement parus en 2015, écrits par Ales Kot, dessinés et encrés par Michael Walsh, avec une mise en couleurs de Matthew Wilson.



À bord de l'Helicarier Iliad du SHIELD, Snapper (l'ex assistant de MODOK) a fait prisonnier Maria Hill, grâce à quelques hommes de main. Modok essaye de faire en sorte que Clint Barton (Hawkeye) et Phil Coulson ne s'entretuent pas dans un duel dénué de sens. Vladimir (la bombe dotée de conscience) essaye de convaincre le cybiote The Fury de l'aider, en l'échange de la recherche de ses enfants.



Malheureusement, le plan de Snapper est déjà bien avancé, et l'avènement de Tlön est inéluctable. Tous les Avengers se retrouvent au Venezuela, pour essayer d'enrayer le processus. Mais où est Deadpool ?



Cela n'aurait pas beaucoup de sens de lire ce tome, sans avoir lu les 2 précédents, d'abord parce qu'ils forment une saison et une histoire complète, ensuite parce que l'intrigue serait incompréhensible à un nouveau venu. Ales Kot n'a rien perdu de sa verve, avec une intrigue bien tordue. À nouveau, il fait en sorte qu'un de ses personnages explicite en toutes lettres, la source de cette histoire, une variation à partir d'une nouvelle de José Luis Borges, intitulée "Tlön, Uqbar, Orbis Tertius" (voir le recueil Fictions).



L'invasion extradimensionnelle aura bien lieu, avec une créature pourvue de tentacules, mais l'ombre d'Howard Phillips Lovecraft ne plane pas sur ce récit. Alex Kot a tricoté une intrigue originale, à la structure rigoureuse, avec un suspense soutenu du début jusqu'à la fin, et de belles séquences d'action. Les superhéros se servent de leurs pouvoirs avec pertinence et efficacité. Impossible de savoir si Kot et Walsh se sont consultés lors de la conception de l'intrigue, ou si Kot a fourni un scénario très détaillé, en tous les cas, la narration visuelle présente des séquences qui semblent avoir été conçues et réalisées par un seul et même créateur.



Le plus bel exemple de la cohérence narrative entre le scénariste et le dessinateur se trouve dans l'épisode 14, où une action d'Hawkeye est décomposée en 17 petites cases, dans un enchaînement gracieux et fluide de flèches décochées, et de coups portés contre les ennemis. Le lecteur apprécie également la mise en scène rigoureuse du face-à-face entre Coulson et Barton, ou encore le dialogue entre Vladimir et The Fury (pourtant 2 personnages aux "visages" inexpressifs, difficile de parler de visage pour une bombe de forme ogivale). Il sourit franchement en voyant Spider Woman se servir de ses phéromones sur Artaud Derrida.



Ainsi Ales Kot et Michael Walsh racontent une histoire dont le premier degré respecte les conventions des récits de superhéros, avec une intrigue bien ficelée et originale, et des actions menées tambour battant. Ils ont l'art et la manière de faire ressortir le petit détail parlant lors des interactions entre personnages, que ce soit Phil Coulson évoquant les potentielles séquelles de son trouble post traumatique, ou Lady Bullseye tentant de convaincre Back Widow que l'union fait la force.



Cette histoire ne se contente pas d'être un récit d'action, avec des superhéros au caractère affirmé, et à l'usage inventif de leurs superpouvoirs. L'objectif de Snapper peut paraître un peu simpliste, mais le vécu des personnages étoffe sa motivation jusqu'à générer l'empathie du lecteur pour son mal-être. De la même manière, il est impossible de rester insensible quand Snapper explique qu'il a enlevé tout un tas de personnes d'origine variée, pour pouvoir utiliser leur capacité d'imagination. Le scénariste adresse un clin d'œil au lecteur, en le remerciant pour son investissement dans cette histoire, son apport à faire vivre l'imaginaire de l'auteur.



En plus de ces qualités réelles et concrètes, ce récit dispose d'un atout supplémentaire : un humour protéiforme, et sophistiqué. Cela commence par les couvertures de Tradd Moore. La plus irrésistible est celle du numéro 13, avec MODOK (le personnage qui ressemble à une grosse tête, montée sur un exosquelette en forme d'araignée mécanique). Sur cette illustration, il est au centre des autres Secret Avengers qui portent tous un bandeau rouge, et il leur demande de lui nouer son bandeau autour de la tête (car il n'a pas de mains). L'effet comique est redoutable dans sa dérision moqueuse.



Michael Walsh réalise également des images très drôles, tel MODOK en train de faire la java, avec un chapeau haut de forme, une caricature de Mister Peanut, la mascotte de l'entreprise américaine Planters (page 3 de l'épisode 12). Mais où est Deadpool ? Il est vrai qu'Ales Kot ne semble pas trop s'avoir qu'en faire, par contre Walsh lui attribue une camionnette aux couleurs d'Hawkeye, qui évoque, sans doute possible, la Mystery Machine, c’est-à-dire le van du gang de Scooby-Doo.



Michael Walsh s'avère également assez doué pour croquer des expressions des visages très parlantes. Par exemple dans le dernier épisode, un agent du SHIELD interroge les Secret Avengers, un par un, pour les débriefer. Clint Barton répond de manière naïve et candide, en arborant un air d'idiot content de lui, très réussi et très convaincant.



De son côté, Ales Kot a recours à plusieurs formes d'humour. Par exemple, il peut s'aventurer sur le terrain de la comédie de situation. Il laisse sous-entendre une idylle entre MODOK et une Secret Avenger, avec l'incompatibilité physique correspondante, et son côté répugnant et contre nature. The Fury s'exprime dans un langage incompréhensible, que seul Vladimir peut traduire. Alors que MODOK évoque des relations sexuelles entre The Fury et ce qui réside à Tlön, The Fury tient à rectifier la formulation, préférant le terme de "faire l'amour", moins technique et plus romantique. Kot insère quelques gags plus faciles, tels que la sonnerie de téléphone incongrue de MODOK, mais avec un potentiel comique bien exploité.



Conforme à la nature des écrits de José Luis Borges, le scénariste n'hésite pas non plus à intégrer une dimension autoréflexive. Ainsi lors d'une scène d'action très mouvementée, Michael Walsh insère un compteur d'explosions (explosion-o-mètre) sur plusieurs cases successives pour montrer à quel point cette séquence comporte un quota élevé de rebondissements spectaculaires, permettant de faire la comparaison avec un dispositif équivalent appliqué à un blockbuster estival. Ales Kot renchérit en faisant observer que ce dispositif humoristique n'est pas original, en indiquant en voix off, dans quel film il a piqué l'idée.



De la même manière, une poignée de réplique joue sur le fait que les personnages ont conscience que leur dialogue sert la narration. Par exemple, lorsque MODOK explique ses agissements aux Secret Avengers, il emploie le terme de "infodump", ce qui correspond à un procédé artificiel permettant au personnage de balancer une bonne quantité d'informations à destination du lecteur. Il le fait observer à ses interlocuteurs, mais le lecteur comprend le deuxième niveau de lecture adressé à lui-même, suggéré par le terme "infodump".



Ce troisième tome apporte une clôture satisfaisante à cette série sortant de l'ordinaire. Elle constitue un parfait exemple de série alternative, et d'utilisation intelligente d'une structure en saison. Les responsables éditoriaux ont confié cette série satellite de la série mère des Avengers, à une équipe artistique clairement identifiée : Ales Kot et Michael Walsh ont réalisé les 15 épisodes de la saison. Ces créateurs n'ont pas eu à s'embarrasser de coller aux crossovers du moment ; ils ont pu dérouler leur histoire sans interférence.



Tant Ales Kot que Michael Walsh disposent d'une personnalité narrative affirmée qui met cette série à part de la production industrielle mensuelle de comics dans l'univers partagé Marvel. L'un comme l'autre respectent les personnages qui leur sont confiés, qu'il s'agisse de leur apparence, ou de leurs principales caractéristiques (de leur personnalité, ou de leur histoire). Kot et Walsh se sont attachés à raconter avant tout une histoire de superhéros, complète et autonome (avec comme prérequis de disposer d'une connaissance de l'univers partagé Marvel), sur la base d'une intrigue originale. Tout au long de ces 15 épisodes, le lecteur a pu constater que les contraintes d'une production dans l'univers partagé Marvel, avec des personnages immuables, se sont avérées des atouts pour le récit, sans empêcher les créateurs d'incorporer leurs spécificités, à commencer par un humour décapant.



Cette saison des Secret Avengers constitue la preuve éclatante que le modèle de saison peut permettre à des créateurs de raconter des histoires personnelles, sortant du moule habituel, avec des personnages qui ne leur appartiennent pas, en tirant le meilleur parti des ressources inépuisables de l'univers partagé Marvel.
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Secret Avengers, tome 1 : Let's Have a Prob..

Ce tome regroupe les épisodes 1 à 5 de la série, ainsi que les épisodes 1 & 2 de "Original sin : Secret Avengers infinite comics", initialement parus en 2014. Tous les épisodes sont écrits par Ales Kot. Ceux de la série "Secret Avengers" sont dessinés et encrés par Michael Walsh, et mis en couleurs par Matthew Wilson. Les 2 épisodes "Infinite" ont d'abord fait l'objet d'une parution en ligne, avec un storyboard réalisé par Mast & Geoffo (2 artistes français), puis dessinés par Ryan Kelly, et mis en couleurs par Lee Loughridge, pour l'adaptation papier. Ales Kot avait déjà coécrit les épisodes 12 à 16 de la série précédente des Secret Avengers, avec Nick Spencer (voir How to MA.I.M. a Mockingbird).



L'histoire commence alors que Nick Fury junior (voir Battle scars) et Phil Coulson se battent contre une itération du cybiote The Fury (voir Captain Britain: Siege of Camelot) dans une station spatiale secrète du SHIELD. Sur Terre, Jessica Drew (Spider Woman) et Natasha Romanova (Black Widow) sont en train d'apprécier un massage relaxant. Leur séance est interrompue par Hawkeye cherchant à échapper à des gugusses cagoulés de l'AIM (Advanced Idea Mechanics). Sur l'Helicarrier du SHIELD, Maria Hill (directrice du SHIELD) examine les dernières créations en matière d'armes mortelles, conçues et construites par MODOK, tout en coordonnant les actions dans l'espace et sur Terre.



En 2011/2012, Warren Ellis fait un bref passage (le temps de 6 épisodes) sur la série "Secret Avengers" : Run the mission, don't get seen, save the world. C'est une leçon d'efficacité, de concision et d'inventivité. Si Ales Kot n'est pas au niveau d'Ellis, ces épisodes en porte la marque. Ales Kot accommode les ingrédients narratifs habituels, à sa sauce, pour un résultat au goût personnel et efficace.



Pour commencer il y a la façon de rendre compte de la personnalité des individus. Kot intègre une forme de dérision dans les propos des uns et des autres, sans nuire au sérieux de l'intrigue. De manière flagrante, il se calque sur l'approche de Matt Fraction pour le personnage d'Hawkeye (à commencer par My life as a weapon), mais en exagérant encore la désinvolture de Clint Barton, au point que Jessica et Natasha le traite comme un individu ayant des difficultés d'attention. Kot montre Maria Hill comme une personne extrêmement compétente, très investie et manipulatrice, parfaitement plausible et crédible dans son rôle de directrice du SHIELD. Elle n'hésite pas à nouer des alliances douteuses (MODOK) pour arriver à son but, la fin justifie les moyens.



Black Widow est d'une justesse rare : compétente, experte en combat à main nue et dans le maniement des armes, espionne professionnelle sachant tirer profit de son expérience, et en faire profiter les autres (essentiellement Jessica Drew). Le portrait psychologique de cette dernière est moins développé, une aventurière compétente, au mode de pensée plus ouvert que celui de Black Widow.



Succès du film Avengers (2012) et début de la série télévisée consacrée au SHIELD (en 2013) obligent, Ales Kot doit intégrer le Nick Fury version Samuel Jackson et l'omniprésent agent Phil Coulson. Il reprend la dynamique développée dans la minisérie "Battle scars" et fait ressortir leur amitié, avec habilité et conviction. Fury est à sa place dans ce monde de machinations, de trahisons et de missions officieuses, avec un niveau de ressource lui permettant de faire face à des individus dotés de superpouvoirs. Kot a décidé de conserver la dimension humaine de Coulson, ce qui fait ressortir ses limites physiques et sa position de faiblesse dès que des superpouvoirs sont à l'œuvre. D'un côté c'est logique ; de l'autre le lecteur peut craindre que Coulson soit rapidement et régulièrement réduit à l'état d'otage ou de victime à sauver.



Non seulement Ales Kot réussit à insuffler la personnalité de chaque protagoniste dans leurs répliques, mais en plus il propose une intrigue haletante. Ce scénariste est déjà l'auteur d'une série mêlant action et espionnage hallucinante : Zero, à commencer par An emergency. Le début du récit est assez convenu avec un usage générique de The Fury (une création d'Alan Moore et Alan Davis), oubliant sa véritable puissance, juste pour les besoins du scénario. La course-poursuite entre Hawkeye et les soldats de l'AIM relève d'une idée assez générique également.



Parallèlement à ces ennemis sans âme, il y a les magouilles d'Hill qui joue un jeu dangereux mais nécessaire et inévitable, et la personnalité énorme de MODOK avec ses motivations crédibles et à double tranchant. Il y a également le rythme rapide du récit, avec des histoires complètes en 1 ou 2 épisodes. Kot crée des personnages improbables qu'il réussit à faire fonctionner avec un naturel épatant : il n'y a qu'à considérer Artaud Derrida, poète raté et marchand de bombes, une variation sur le savant fou inédite et savoureuse. À nouveau la qualité d'écriture de Kot se fait sentir pendant la scène d'interrogatoire de Derrida par Black Widow, qui échappe aux clichés habituels.



Les responsables éditoriaux ont choisi de confier ces épisodes à un jeune dessinateur : Michael Walsh. Là encore, le lecteur peut être tenté de faire le lien avec la série Hawkeye dessinée par David Aja. Par exemple Wlash reprend l'idée de coller un une tête de superhéros devant les parties intimes dénudées. Au-delà de ce dispositif et d'un encrage un peu grossier qui donne une impression de spontanéité, la narration de Walsh montre de la personnalité. Il change le nombre et la disposition des cases à chaque page, ce qui peut être un peu fatigant au sein d'une même séquence, mais impulse un rythme soutenu. Le lecteur peut ainsi passer d'une page avec 11 cases, à une page n'en comprenant que 3.



Walsh adapte sa mise en scène à chaque séquence. Là encore cet effort permet de conférer une personnalité propre à chaque action. À l'instar de Warren Ellis, Kot réserve 2 ou 3 pages muettes par épisodes, ce qui permet d'encore mieux apprécier la qualité de narration de Walsh pour ces séquences d'action. Ce dessinateur s'élève au dessus de la production industrielle de comics par sa volonté d'intégrer les déplacements des personnages dans les décors (plutôt que de chorégraphier des échanges d'horions sur des scènes vides), et par son sens de l'expression faciale juste, sans être exagérée.



Par comparaison, les dessins de Becky Cloonan sont un peu plus convenus, même s'ils conservent cette apparence de surface, un peu esquissée, avec un encrage un peu approximatif (en apparence). Il n'est par contre pas possible de se rendre compte du travail de Mast & Geoffo, gommé par la transposition du numérique au papier. Le scénario est tout aussi futé que celui des 5 épisodes réguliers, avec là encore une forte influence de Warren Ellis sur le mode narratif.



Lorsqu'un lecteur se lance à la découverte d'une série dérivée, il sait que dans la plupart des cas il aura à faire à une histoire conçue au kilomètre pour une série dont les ventes seront assurée par l'aura de la série mère. De temps à autre, il a le plaisir de découvrir une série réalisée par des auteurs peu connus qui jouissent d'assez de liberté pour sortir du moule (les risques étant faibles pour le responsable éditorial). Cette version de "Secret Avengers" fait partie de cette deuxième catégorie avec un scénariste doué pour tricoter une intrigue et faire passer la personnalité des protagonistes, et un dessinateur très investi dans la narration, refusant la facilité.
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Dead drop

L'univers Valiant est un univers super héroïque pouvant servir de substitution aux Big Two que sont Marvel et DC.

Etant intéressé par ce postulat, je me lance régulièrement dans des récits de cet univers. Cette fois, mon dévolu c'est lancé sur Dead Drop.

Grand mal m'en a pris...

L'histoire est mauvaise et le dessin n'est pas des plus beaux...

Les personnages utilisés (XO Manowar, Archer...) qui sont normalement de redoutables combattants vont ici être mis en difficulté par des ados lambdas...

Je ne saurais trouvé de qualité au récit si ce n'est qu'il se lit vite et donc que la torture n'a pas durée trop longtemps.
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Generation Gone

Generation Gone est un comics américain écrit par Aleš Kot (Secret Avengers, Days of Hate, Bloodbarne) et dessiné par André Lima Araújo (Avengers A.I., The Astonishing Spider-Man, Spider-Verse). La parution d’origine date de 2017 chez Image Comics. Le récit se passe en 2020, aux États-Unis, où trois hackers adolescents – Elena, Baldwin, Nick – sont en colère contre la société qui les entoure. Rien de bien nouveau me direz-vous, mais ici, Aleš Kot imagine ce trio s’attaquer à la Bank of America qui vaut son pesant d’or dans l’économie. Mais avant de passer à l’acte ils décident de s’entraîner en s’infiltrant dans l’Agence de Recherche du Ministère de la Défense des États-Unis. Un choix pas très malin puisqu’ils vont attirer l’attention de Monsieur Aiko, un scientifique dont le génie n’est pas reconnu et qui va décider de mener à terme ses expériences, et les trois ados en font partie. Les premières pages misent avant tout sur la mise en place des personnages, choix qui n’est pas anodin puisque la psychologie et l’évolution de chacun va donner de la profondeur au contexte. Elena est une jeune fille que la vie n’a pas épargnée et qui tente de trouver du réconfort dans les bras de Nick. Celui-ci est arrogant et odieux avec elle, tandis que Baldwin est plus en retrait.



Pourtant au fil de la lecture, nous découvrons d’autres aspects de leur personnalité. Baldwin est un afro-américain dont la nature calme cache bien plus, dont certains sentiments. La construction case par case de Kot et Lima Araújo permet de suivre le quotidien de chacun et de comprendre leurs motivations. La subtilité dans la narration d’Aleš Kot permet de casser certains clichés du genre, offrant ainsi une autre dimension au récit. L’action est très présente mais n’éclipse jamais la part de psychologie. Plusieurs visions d’un même monde entrent en conflit qui vient nous poser des questions sur notre vision à nous. Le dessin d’André Lima Araújo est particulier mais propre aux comics indépendants que l’on apprécie de découvrir. Son trait fin permet de mettre en images des personnages dynamiques et élancés. La couleur est assurée par Chris O’Halloran (X-23, James Bond) qui complète parfaitement son comparse Araújo. La traduction pour HiComics est signée par Philippe Touboul (Scott Pilgrim, Crossed). En conclusion, Generation Gone est un récit qui fait se confronter plusieurs générations avec des idées et envies différentes pour leur avenir et le monde. C’est rythmé, et les personnages sortent des sentiers battus pour réellement incarner leurs idéaux. Une lecture agréable et bien menée.
Lien : https://lireenbulles.wordpre..
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Dead drop

X-O Manowar et les meilleurs agents sont réquisitionnés afin d'intercepter une voleuse en possession d'un virus extrêmement dangereux. Une course-poursuite au rythme effréné se déroule en plein New York, à la vue de tous. Un "one shot" qui ne convainc guère, notamment en raison d'une qualité graphique particulièrement peu enthousiasmante.
Lien : https://www.actuabd.com/Dead..
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Dead drop

Dans ce thriller haletant, nous glissons dès les premières pages dans une course poursuite ininterrompue [...] Vif, très enlevé et expressif, on est dans une narration extrêmement fluide et là aussi très efficace. Cela reste un album qui n'a aucune prise sur le reste des autres titres Valiant, ce qui en fait, en quelque sorte une très bonne lecture pour les novices ne connaissant pas trop cet univers.


Lien : http://www.sceneario.com/bd_..
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Thèmes : littérature , mer , océansCréer un quiz sur cet auteur

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