La Bpi et le festival Effractions vous proposent la rencontre avec Nedjma KACIMI et Alexis NOUSS : Blessures de la guerre d'Algérie, en langue des signes française (LSF). Elle est interprétée par Christine Quipourt et Yoann Robert, du service d'interprètes en langue des signes, Sils, et animée par Sarah Polacci.
L'exilé est à la fois, et non pas successivement, émigrant et immigrant. Il ne cesse de l'être, revendiquant et impliquant deux territorialités pour en dessiner une troisième, ce qui n'est pas autorisé au migrant dont la saisie institutionnelle neutralise le parcours entre départ et arrivée.
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Si aujourd'hui comme hier, la condition humaine, parce que trop éthérée, ne suffit pas à garantir le droit de survivre, peut-être la condition exilique, qui quoique mobile garde pour ainsi dire les pieds sur terre, le permettra-t-elle. Encore faut-il en admettre l'existence.
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En outre, le confinement qui a immobilisé près de la moitié de l’humanité a montré que la vie peut continuer en dehors du flux incessant et général d’activités, de transferts et d’échanges. La fin du monde et la fin de l’histoire ont attendu tandis que les humains comprenaient que le vivant ne se réduisait pas à la productivité industrielle ou à la consommation mercantile et qu’il pouvait persévérer à distance des circuits de circulation effrénée. À Iéna en 1806, Hegel a vu passer « l’âme du monde » sur son cheval impérial comme plusieurs siècles plus tôt, le récit biblique raconte qu’en Egypte, lors de la nuit pascale, ont vu passer l’ange de la mort devant leurs maisons préservées. Ni le philosophe allemand ni les esclaves hébreux n’étaient rejetés de l’histoire, ils y participaient tout en demeurant à l’écart, au seuil. Tout ce qui bouge n’est pas d’or.
À quoi bon l’à tout-va si celui-ci est pris dans une dogmaticité qui impose sans discussion une application généralisée ? La valeur de la mobilité s’efface si elle devient loi car l’humain sait prendre son temps, voire le perdre, ne craint pas l’immobilisme. S’arrêter pour mieux repartir, réfléchir pour mieux agir : maximes communes à rappeler contre la vélocécité à laquelle cède la modernité contemporaine. Ainsi, les critères de vitesse ou d’accélération pris comme mesures temporelles pour appuyer la célébration cinétique doivent, par réflexe critique, inciter à une réflexion sur le ralentissement potentiel du mouvement, son infléchissement, son déportement.
La fréquence de la métaphore du pont et l’insistance sur l’idée du passage dans les analyses traitant de la traduction révèlent une tendance que l’on qualifiera de cinécentrisme et qui, si elle est ancienne, peut d’autant mieux se comprendre dans le paysage idéologique des sociétés contemporaines privilégiant les principes de mouvement et de circulation pour décrire leur nature et leur fonctionnement, marqués par le développement exponentiel des échanges et des transports à l’échelle planétaire, l’importance des migrations et les avancées technologiques de la télécommunication avec, en prime pour celle-ci, la prétention à l’immédiateté. Plus spécifiquement, l’ensemble des réalités économiques et culturelles que recouvre le phénomène désigné comme globalisation accorde un rôle majeur à la traduction, censée répondre avec une fluidité et une rentabilité maximales aux besoins de transfert et de communication. Toutefois, il n’est pas certain que la traduction bénéficie de cette conception cinétique dont l’utilitarisme renforce le statut secondaire qu’elle a trop souvent reçu au détriment de ses capacités créatrices ou transformatrices sur lesquelles insiste pour sa part la traductologie contemporaine. Traduire s’affirme comme forme de résistance lorsqu’elle sert à révéler et à contrer dans un original les marques textuelles des discours de domination ou de discrimination en suivant les stratégies élaborées par les approches traductologiques féministes ou postcolonialistes.