Amélie Hébert

Rien n’effraie les habitants de la région, pas même les courbes glacées à soixante-dix kilomètres à l’heure.Il vient vider sa tête. La vider des rues de la ville, des noms de ses proches et de toutes les histoires qu’il n’a jamais écrites. Il a prétexté un besoin de changer d’air, de trouver la fin de janvier. Il sait que ce ne sera pas dans ce village du nord qu’il trouvera un gazon sans neige, mais cet endroit est ce qui ressemble le plus à la tranquillité à ses yeux. C’est aussi la seule oasis à sa portée.

Après Joliette, ça devient intéressant. Il n’y a plus d’autoroute et de plus en plus de forêts et de neige. C’est aussi à cet endroit que commence le bal des points de repère: dépanneurs, crémeries aux vingt-quatre saveurs de crème glacée molle, restaurants portant des noms différents mais offrant à peu près tous les mêmes plats. Tous ces commerces le faisaient rêver, enfant, alors qu’il déplorait la longueur du trajet. Les revoir a quelque chose de rassurant. Ici, rien ne semble changer. Les toits se départissent parfois de leurs vieilles antennes en forme de soucoupes, mais c’est tout.

dans la maison sauvage
nous avons dormi
sous la gouvernes des oiseaux

au-dessus du fleuve
nous avons fait brûler
de vieilles images

au réveil une silhouette
trace maigre sur la neige
seule preuve de son passage

une impression fugace
personne n’est venu
contredire l’accalmie

nos arythmies en cadence
nous vieillirons ensemble
comme des rêves de métropole

la rivière tel un chemin de fer
guide les pas
hors des terrains connus
la voie est libre

je pourrais me rendre
plus loin qu’à l’habitude