André Kertész

Frère Voyant

Kertész,

des yeux d'enfant dont chaque regard est le premier;
qui voient le grand roi nu, lorsqu'il est vêtu de mensonges;
qui s'effraient des fantômes drapés de bâches hantant les quais de Seine;
qui s'extasient devant les tableaux tout neufs que créent, sans malice, ces trois chaises au soleil du Luxembourg, la porte de Mondrian s'ouvrant sur l'escalier, des lunettes jetées sur une table, à côté d'une pipe.
Pas d'arrangement, de rangement, de trucage, de contreplacage.
Votre technique est aussi loyale, aussi incorruptible que votre vision.
Dans notre hospice des Quinze-Vingts.
Kertész est un frère voyant.

Paul Dermée

Paul Dermée, le poète dadaïste, écrivit ce poème en préface au catalogue de la première exposition personnelle d'André Kertész à la galerie Le Sacre du Printemps, à Paris, en 1927. Á cette époque, les Dadaïstes distribuaient de petites affiches sur lesquelles on pouvait lire:
"Vous qui ne voyez pas, pensez à ceux qui peuvent voir."