Citations de Angèle Paoli (32)
Au bord des pliures du temps
tes mots
en marge
dans le gisement des formes
aux confins de terres oubliées
sur le gouffre de tes attentes
tes silences
En apesanteur.
Quelle trace la tienne
dans cet espace
où tu ne fais que passer
sinon tes larmes silencieuses salées
asséchées aussitôt que jaillies
sur tes propres déserts.
Au bord des pliures du temps
tes mots
en marge
dans le gisement des formes
aux confins de terres oubliées
sur le gouffre de tes attentes
tes silences
En apesanteur.
Laisses de mer
À toi
Il faudra alors se satisfaire de l’extrême lenteur des jours
du parfum affadi des journées sans lumière
des coquillages vides sur les laisses de mer
du craquèlement des pas dans les pas de l’absent
du ricanement persistant des mouettes rieuses
des plumes abandonnées dans les recreux de dunes
des filins emmêlés dans les lagons d'oyats
Il faudra alors oublier la lueur du regard
et laisser au sourire le temps de s’estomper
de n’être plus qu’une ombre au coin de ta paupière
à peine un battement imperceptible des cils
la soie d’un cheveu pâle glissé entre deux pages
juste un mot évadé de tes courriers froissés
juste un nom éclipsé dans l’océan du ciel
une larme égarée dans l’infini silence
Je soupçonne... qu'une des bibliothécaires de ma médiathèque soit corse ou ait des racines insulaires, car j'ai découvert sans difficulté ce joli recueil étroit, bien en évidence sur une table mettant en avant quelques nouvelles acquisitions 2018...
Une anthologie bilingue coordonnée par Angèle Paoli, offrant une sélection de 12 femmes- poètes corses, avec la traduction en miroir, pour chaque poème
"Les loges de la poésie de Danièle Maoudj
[Extrait]
La nuit des mots
allume les sentinelles
Autant d'étoiles naissent
Eclairent la solitude des astres
A genoux
Sa poitrine se love dans la circonférence de l'avenir
La nuit des mots
Se moque des patries et ne tient pas à les fréquenter (...)
Nomade de l'inquiétude
je féconde les mots de demain
Tressés d'immortelles et de musc
Consolée dans les loges de la poésie "
Anthologie enrichie , en fin de volume, de notices biographiques pour chaque poétesse...Un petit moment de grâce vers les côtes corses !
***N.B : je viens de me rendre compte au bout de 24 h... que j'ai dû faire une mauvaise manip. et que ma critique s'est retrouvée dans la case "citations"....
Sassifraga
fragile sassifraga
frêle fleur corolle
dans la roche du temps
vigie des saisons
rongent nos cœurs
présomptueux
dans les anfractuosités
ma voix te cherche où tu élis
domicile petite couronne
moussue
se fraie passage
entre la hampe des nombrils-de-Vénus
le cyclamen sauvage
ailes de velours
fleur des rocailles
modeste sans ambition
autre que de frayer
passage entre les mailles
du schiste dur
tu perces de tes pétales clairs
le jour s’échevelle
dans la moiteur solaire
à la rencontre
de mon regard
tu viens
tu me parles des étoiles
petite perce-pierre
qui élance sa tige humble
hors les murs sablonneux
dans la tendresse
je te coule toi qui connais
la dureté aride
des creux de roches
confie-moi ton secret
ton nom chante à mon oreille
le saxo de la mer me berce
il pleut à pierre fendre
le tremblé de la corolle étoile
frémit sous le gong
de l’orage
je cherche refuge
dans les cavités de ma mémoire
je me pelotonne dans mes fibres
je me fais à ton exemple
petite fée saxatile
que rien ni personne ne brise
sous les coups de butoir
des vents hostiles
je pense à toi
humble vigie des rocailles
je me fonds dans la modestie
de ton courage
il m’est un guide sûr.
Anthologie « Saxifrage », proposée par Sabine Huynh, dédiée à la mémoire de Clara Pop-Dudouit, Revue Terre à Ciel, 2015.
https://www.terreaciel.net/Saxifrage
C'était le temps
des déambulations
dans le passé détruit
de la ville en hiver
Ce qui vient [d'Isabelle Pelligrini-Alentour]
Ce qui vient
effleurons-le du bout des yeux
pas plus pour le moment
continuons un peu à marcher
en lisière des choses
sur la pointe des pieds
à l'entour des prairies
un jour tu me raconteras le passé
celui qui a parlé
et parle
dans le froissement de ta corolle
soie diaphane et épines mêlées
dans la haie d'aubépines
tu viendras t'allonger
déposer ton repos
comme on lâche un sanglot
continuons à flâner
pas plus pour le moment (p. 49)
Les loges de la poésie de Danièle Maoudj
[Extrait]
La nuit des mots
allume les sentinelles
Autant d'étoiles naissent
Eclairent la solitude des astres
A genoux
Sa poitrine se love dans la circonférence de l'avenir
La nuit des mots
Se moque des patries et ne tient pas à les fréquenter (...)
Nomade de l'inquiétude
je féconde les mots de demain
Tressés d'immortelles et de musc
Consolée dans les loges de la poésie
je suis la nuit réconciliée. (...) (p. 32)
Je couds mes fils
avec mes mots
pour retenir l’instant-lumière
La maison craque
La maison craque les bruits s'espacent
pointillés semis du temps
un oiseau ramage dans ce qu'il reste
de feuillée la lumière s'esquive
nuages gris percés de soleil çà et là
tout est calme sur la page
rose pâle des géraniums
diffus dans le vert tendre
feuillage du figuier
paumes tournées vers le ciel
mur grège et lauzes grises
sur fond de ciel
un banc de nuages bleus
Poème de matin calme
de bouilloire électrique
le thé des Deux Chinois déploie dans la maison
ses guirlandes de fleur blanche et d’amande
gris dehors dedans lumière d’or
Marianne Costa
Flotte mon cœur au nom d’Exil
vers la chambre où la jeune morte
dort, de toute éternité.
Et la campagne immense
flotte dans ses yeux pâles.
Annette Luciani
En partage
à travers les feuillages
glisse la tiédeur bienfaisante
entre les doigts
passe la vie qui nous sépare
et son bruit doux
de pas retenus
Instant Noailles
instant fugace
elle lui parle
elle lui dit
le bruissement du vent dans les branches
caresses silences souffles
suspendus
au-dessus du gouffre
les dernières fleurs
le frémissement des feuilles
l’ombre
qui la sauve de la chaleur
obsédante chaleur
d’un été qui s’obstine
les sentiers qui fraient un passage
entre les massifs d’hibiscus
les bancs disséminés
à l’abri des grands pins
et là-bas
les Îles d’or
qui grésillent au soleil
elle lui dit le jardin
sa beauté sauvage
elle lui dit les cigales
quelque part en dessous plus bas
le bleu fauve de la mer
et son froissement étale
le soleil joue
entre les branches de l'amandier
et du figuier doux
balancé dans l'air calme
SIXIÈME EXTRAIT
(Notte di Poghju)
C’est très doux comme
main ça mais c’est froid un peu
même à travers la peau du jean
c’est doux comme
cheveux ces boucles et blondes
même si ― comme ne le dit pas le poème ―
Walter va au jardin & bande*
.
― le chien se couche sur le dos
cuisses ouvertes langue haletante ―
qu’a-t-il à dire à faire comprendre
est-ce appel sans détour ?
.
la lumière lance
ses oiseaux-tulipes
reflets de lampes
dans les vitrées
fenêtres ouvertes
sur le ciel
ouvertes ― non ― fermées
les grands panneaux aveugles
absorbent la moire
nuit entière dans le verre
.
le parfum d’herbes
glisse jusqu’aux narines
liseuses blotties dans les laines
et les coussins moelleux
fenouil séché couché
en larges branches
et par brassées
dans le vaste vaisseau
d’osier corbeille du maquis
ombelles et graines
cueillies de main experte
par la signadora
.
le sanglier mijote
odeurs d’agrumes douces
les lumières de l’église
ont disparu
rien de Ginevra Bel Messer
n’arrive jusqu’ici
ni son sourire ni sa plainte
― le chien gratte derrière la porte
derrière la vitre le chat sommeille ―
.
blême de silence d’absence
ouvert sur le plafond d’étoiles
le défunt dort
cercueil d’ébène
gardé par le Christ noir
Christ noir sauvé des eaux
veille dans son miracle
les vivants et les morts
la grotte est loin
qui accueillait sous sa voûte
déferlement de vagues
et vaisseaux naufragés
par quel édit muselée
sous la citadelle
.
les grandes baies de verre
absorbent le village
la nuit boit
― engloutie
l’encre des montagnes ―
plus rien n’existe
ni la rousseur des vignes
ni les chevelures boisées
ni l’effilochement des brumes
la plongée dans l’échancrure
des vallons se réfugie
dans la mémoire
la chaleur du dedans
retient les voix dans sa lumière
.
un point se déplace
dans le vide
zèbre le verre noir
qui avale la nuit
― le filanciu** suspend
son élan silencieux ―
le cavalier de l’orage
rôde plein vent
sous les nuages.
un dytique joyeux
ondoyant acrobate
gesticule pattes en X
Solstice d'hiver [de Marianne Costa]
rien ce soir
rien au couchant
rien à l'aube
rien
ce soir je m'endors en prose
dans cette trépignation de rage
rien qui soit poésie
dans la poussière collante qui s'envole
rien qui soit poésie
dans la danse froide des feuilles qui résistent à l'hiver (...)
rien
dans dix ans il y aura encore juin
dans cent ans et dans mille
solstice après solstice après solstice
ce corps lui ne sera plus
parvenu jusqu'au bout de la falaise
tombé dans l'abîme
et un peu plus tard
dans l'oubli (p. 13)
mes enfances sont éternelles
je les traverse
marelle à ciel ouvert
même invisible
je funambule
sur la ligne
l'eau vive du torrent
me scelle
dans mes silences
avec elle je caracole
de l'éphémère
à l'éternel
sa voix désaltère
mon attente
il suffit d'une libellule
bleue
pour qu'advienne
le chant de l'eau