Hasard ou non, peu après la découverte des photographies de Campañà, l'Institut international d'histoire sociale d'Amsterdam (IIHS) a retrouvé une série de ses clichés. L'histoire de ce fonds d'archives d'obédience anarchiste est tout à fait symbolique de cette récupération lente et complexe de la mémoire photographique de la guerre d'Espagne. En 1939, quand Barcelone tombe aux mains des franquistes, les archives de la CNT (Confédération nationale du travail) et des différentes organisations anarchistes passent la frontière dans plus de quarante caisses de documents et de photographies. Après un périple rendu compliqué par la Seconde Guerre mondiale, elles sont confiées par la CNT aux Archives d'Amsterdam en attendant d'être renvoyées en Espagne à la fin du franquisme. Mais malgré le retour de la démocratie, l'IIHS se refuse à restituer ces précieux documents. Heureusement, des chercheurs ont pu progressivement exhumer et identifier le travail de plusieurs photographes ayant oeuvré pour les services de propagande anarchistes dont celui de la hongroise Kati Horna. Une exposition, début 2020 à Barcelone, a présenté leurs travaux -Campañà compris- sous le titre “Gráfica anarquista. Fotografía y Revolución social 1936-1939 (Graphisme anarchiste, photographie et révolution sociale 1936-1939). Il ne faut ni criminaliser ni magnifier l'anarchisme espagnol et singulièrement l'anarchisme catalan, mais le replacer dans son contexte comme une aventure politique unique de l'histoire du XXè siècle, le travail d'Antonio Campañà en fait partie.
"Campana a confié à ses enfants qu'il n'avait pas aimé photographier la pauvreté, mais que la réalité de Barcelone en guerre l'avait conduit à représenter des situations et des personnes contraintes par la misère, à la façon de la Grande Dépression américaine ou de la crise allemande."