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Citations de Augustin Buzura (13)


[Un samedi soir, le comité syndical organise pour les jeunes travailleurs une soirée ayant pour thème l'élection de « Miss Usine ». Mais pour les vigilants activistes, aucun divertissement ne peut avoir lieu sans une finalité éducative, voire idéologique.]

Devant les trognes de tartuffe d'un jury pesamment sérieux, rafraîchi par quelques jeunes qui, au milieu de petites vieilles et de vieux gâteux, avaient l'impression de se trouver comme des gamins au premier jour de maternelle, se succédèrent, à tour de rôle, lentement, avec une certaine grâce, d'authentiques beautés, des jambes sculpturales et les seins d'albâtre, des rousses minces, frêles, aux regards innocents comme ceux des veaux nouveau-nées, des hanches solides, prolétaires, et des jambes charnues, des regards simulant le désarroi ou l'innocence et des salopes à l'air monacal, accompagnées d'un délire d'applaudissements, sifflées et encouragées par leurs connaissances, venues nombreuses, des blondes évaporées et des brunes pécheresses, toutes invitées en chœur à venir dans divers bistrots à la réputation douteuse : « la rousse numéro dix à La Grenouille verte ! ; la rouquine numéro cinq à La Mégère magnifique ! ; la deux au Canonnier ! ; la trois au Porte-Jarretelle rouge ! ;nous fournissons la bière, toi, viens avec ce que tu as de mieux ! », ce qui énervait de plus en plus le jury. À la fin, sur le grand nombre de candidates, quatre remportèrent à peu près autant de points. Le jury s'était retiré dans une pièce attenante pour formuler des questions de manière à les départager, les goûts étant tellement divers, la simple beauté n'était pas suffisante pour devenir Miss. Et tandis que Jomo incontournable et insouciant comme toujours installait sa chaise au milieu de la scène, pour pleurer de nouveaux avec son chant et sa guitare les chevaux innocents en si grand nombre sacrifiés en l'honneur de l'apparition des tracteurs, les candidates passaient au second plan, se tenaient grelottantes et malheureuses derrière lui, abandonnées provisoirement même de leurs admirateurs ; la voix de Jomo, claire, puissante dominait la salle, réveillant dans le public des souffrances sans nom, une étrange envie de pleurer, à telle enseigne que la réapparition du jury fut accueillie par des sifflets et des huées ; c'est Jomo qu'ils voulaient, mais celui-ci quitta la scène l'air soumis et absent, laissant aux belles, tirées brusquement de leur torpeur, les applaudissements qui n'en finissaient plus.

(traduit du roumain par Guy Hoedts)
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Ces types sont très bons pour disserter sur l'homme, mais pour eux tu ne vaux pas un clou. Comme si l'homme était du genre, disons, d'une créature extraterrestre, qui viendrait à apparaître dans cette vallée de larmes.

(traduit du roumain par Guy Hoedts)
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Ni vainqueur ni vaincu, je laissai tomber les éditoriaux, les enquêtes, les interminables scandales quotidiens, le gouvernement toujours à la veille d'une chute constamment ajournée, et je restai cloîtré chez moi, plusieurs jours de suite, près de ma feuille blanche, en proie à une incompréhensible sensation d'attente.

(incipit)
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Puisque nous sommes aussi ce que sont nos actes, je pourrais fort bien, pour commencer, citer tout simplement un article :
L'accélération du rythme des constructions et, tout particulièrement, de celui des montages sur les nouveaux chantiers ouverts par l'actuel plan quinquennal dépend étroitement d'une meilleure organisation des travaux, du renforcement de l'ordre et de la discipline dans le travail, mais aussi de l'établissement d'une étroite et fructueuse collaboration entre les constructeurs et les installateurs d'une part, les bénéficiaires et les fournisseurs d'équipements technologiques d'autre part.
Comme chacun sait, les travailleurs qui opèrent dans ces secteurs importants, avec l'enthousiasme et le dévouement qui les caractérisent, pénétrés d'un esprit révolutionnaire intense, se sont engagés à mener à bien les tâches qu'on leur a confiées. Pour nous, nous a déclaré l'ingénieur Ion Ciulu directeur de la future entreprise industrielle, chaque jour est décisif. Nous avons fait tous les efforts qui étaient en notre pouvoir pour livrer le travail trois mois avant la date fixée. D'ailleurs, après réception des travaux de construction et de montage, le premier banc de construction a déjà été mis en service. Profitant de cette occasion, vous pouvez être sûrs que nous disposons de tout ce qui est nécessaire pour que le deuxième banc soit terminé conformément aux engagements que nous avons pris. Nous ferons tout pour être à la hauteur de la confiance dont on nous a investis, pour que notre département monte encore plus haut sur la voie toujours ascendante vers le meilleur, le bonheur et la prospérité des travailleurs, ces formidables constructeurs du socialisme…
Ou bien celui-ci :
Je m'appelle Adrian Coman, je suis, depuis une quinzaine d'années journalistes – une sorte de journaliste… plutôt – et, après une année qui a été plus long qu'une vie, je suis revenu me jeter dans la gueule du loup, c'est-à-dire dans ce village de montagne où l'on m'a frappé et humilié, mais où je me suis aussi réalisé comme je n'aurais jamais cru pouvoir le faire.
(p.7-8)
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La peur, la solitude, la mort. Des étapes obligatoires, mais pour aller où ? Aucune certitude si ce n'est que pour le moment les mots sont insuffisants, ils se retirent hâtivement, vaincus, laissant la place aux sens… Les seuls à savoir se diriger, telles des amibes attirées par la lumière…
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Les Roumains sont des braves gens, doux et pacifiques. La mămăliga [polenta], ça n'explose pas !
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Până una-alta, noi, cu "România europeană”, ei, cu banii.
p. 76
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C'est peut-être une étape normale, un pas nécessaire : ils ont été les plus forts, les plus résistants, et nous serons contraints de supporter leur mépris et leur grossièreté jusqu'à ce que parviennent au premier plan ceux qui n'ont pas été esclaves au pays d'Égypte ! Mais viendront-ils ? Les meilleures s'en vont et restent là où ils trouvent les conditions de vie les plus favorables, les meilleures chances de promotion. On n'a qu'une vie, on ne peut pas la perdre à attendre…
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Seule la couleur des uniformes a changé, les hommes sont restés les mêmes… Ceux qui ont percé, ce sont les hommes dépourvus de morale, d'idéologie, de foi, ceux qui n'ont jamais eu et n'ont, aujourd'hui encore, que des intérêts… […]
De toute évidence, ils ne souhaitaient pas le pouvoir pour opérer des changements, mais pour le singer, pour être son double…
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Mon Dieu, qu’est-ce qui nous arrive ? Si tu veux vraiment tout reprendre à zéro, dépêche-toi, ne perd plus ton temps ! Car il y a une limite au-delà de laquelle l’homme n’est plus coupable de ses propres actes !
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[Fraîchement débarqué dans l'usine, Ștefan Pintea n'est pas vu d'un bon œil par ses nouveaux collègues du foyer des salariés et devient même l'objet d'une bagarre, dont il sort, heureusement, victorieux. Une fois son prestige assuré, il se lie d'amitié avec une bande de jeunes sympathiques, effrontés et tire-au-flanc qui pratiquent le persiflage et la dérision pour mieux résister au climat délétère instauré par la direction de l'usine.]

On sortit de la tsuica et de la nourriture, le blond, Goran, décida de laver, en mon honneur, les deux verres à eau, mais quelqu'effort que je fis pour détourner le cours de la conversation, je n'y parvins pas : tous revenaient sur la bagarre. Je les aurais déçus si j'avais reconnu que me battre n'était pas mon sport préféré et qu'en réalité je n'étais qu'un simple théoricien. Pariant que le prestige que j'en retirerai, me préserverait d'autres confrontations, je me suis retrouvé à mentir sans vergogne, proférant des mensonges raisonnables, plausibles, du genre de ceux auxquels je croyais, à l'âge où je ne voyais malices à rien. On eût dit que la pièce m'y incitait elle aussi : des actrices de cinéma, des filles nues découpées dans je ne sais quelles obscures revues, des photos de famille, disséminées entre divers inscriptions réalisées avec des lettres découpées dans les journaux ou peintes directement sur le mur : MÊME LES MOUCHES NE QUITTENT PAS CES LIEUX SANS AVOIR ÉTÉ… AIMÉES ! ICI ON NE PRÊTE NI VESTE NI CRAVATE ! CHEZ NOUS, MÊME SI VOUS ÊTES FRIGIDE, VOUS NOUS DIREZ MERCI ! NOUS N'AVONS NI CIGARETTES NI TSUICA ! POUR TOUT PROBLÈME, PRIÈRE DE S'ADRESSER AU SYNDICAT ! ON VIENT, ON RESTE, MAIS APRÈS ON PART ! LES GROSSES LÉGUMES SONT AUSSI DES HOMMES ! Face au lits, entre le lavabo et la porte, sur une grande affiche, on pouvait voir le lion de la Metro-Goldwyn-Mayer, soigneusement dessiné, y compris la devise ARS GRATIA ARTIS, mais à l'emplacement du nom des studios, quelqu'un avait écrit en grosses lettres rouges : ENDROIT POUR HURLER.

(traduit du roumain par Guy Hoedts)
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Que je perde, cela ne se peut, cher Temistocle. Même si je reste seul, cela ne se peut… Il faut que j'anesthésie ma douleur, ma crainte, puisque c'est seul qu'on se présente à tous les jugements et qu'il faut, seul, te vaincre pour les vaincre[…].
(Nu există să pierd, dragă Temistocle. Chiar dacă voi rămâne singur, nu se poate...Trebuie să-mi anesteziez durerea, spaima, pentru că singur te prezinți la toate judecățile și singur trebuie să te învingi pentru a învinge.)
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[…] Je regarde autour de moi et je vois un pays humilié, abaissé, des gens désorientés, certains retournés carrément à l'état sauvage, de mauvaises habitudes partout, de la brutalité, de la vulgarité, de la souffrance est une effarante absence de dignité.
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