Encore une lecture ancienne pour moi et une (re)descente dans les abîmes d'un pays exténué par un demi-siècle de dictatures. le romancier suit le destin de Matei Popa, directeur d'un journal indépendant au centre d'une région minière de Transylvanie et journaliste en quête de vérité.
Écrit à la première personne, construit en torsade avec de nombreux retours en arrière, parsemé de dialogues, ce roman se lit en apnée tel un cri de révolte.
J'ai trouvé un article du journal « Le Monde » publié le 14 mars 2002 et où on peut lire ce résumé de l'intrigue fort bien fait : « Voici donc Matei Popa pris comme cible de lettres anonymes et d'appels téléphoniques inquiétants. C'est qu'avec la disparition de la censure et l'effacement de la sinistre Securitate, cet homme, déjà blessé par la dictature qui venait de disparaître, pensait qu'il pouvait désormais donner à son journal l'orientation de la vérité. Comment pouvait-il soupçonner que les agents de l'ancienne police politique, salopards cyniques et désabusés reconvertis en hommes d'affaires prospères, étaient en mesure d'exercer de terrifiantes pressions contre ceux qui contrariaient leurs trafics douteux ? »
Par ailleurs, dans son livre
Sur les pas des écrivains roumains,
Bernard Camboulives, qui trouve également qu'il s'agit d'un roman noir, mais « finalement un livre porteur d'espoir », propose une explication intéressante à la prolixité, maintes fois déplorée par moi sur ce site, des romanciers roumains. Voici ce qu'il écrit (p. 168) à ce propos : « Près de 700 pages denses, parfois sans renvois à la ligne sur de longues durées, et des chapitres de longueurs très inégales. Cette manière de faire est issue, pour une part, d'une tradition roumaine. Les auteurs prolixes sont légion en Roumanie :
Nicolae Iorga,
Camil Petrescu,
Mircea Eliade et, plus récemment
Mircea Cartarescu pour ne citer qu'eux. Mais c'est aussi, par ailleurs, une conséquence des contraintes de que la dictature a fait peser, et fait encore peser plus de dix ans après son renversement sur la littérature. Il fallait alors noyer les éléments partiellement séditieux de la pensée dans une prose bavarde, allusive et parfois même codifiée ».
On retiendra aussi que ce roman, Buzura l'a publié après la révolution de 1989, mais qu'il l'a écrit partiellement avant. C'est en se plongeant dans son passé que Matei Popa décrit le communisme avec sa misère morale, culturelle et matérielle, dans une narration plus linaire que d'habitude qui coule plus de source. La passion du romancier pour les réquisitoires est ici intacte et on pourrait lui reprocher un certain excès dans le sensationnel.
C'est néanmoins du lourd, au propre, comme au figuré.