Echange entre lancien directeur général de lARS Ile de France et Xavier Fos, président de stratégies françaises. Aurélien Rousseau répond à de nombreuses questions, dans un grand entretien mené à lHôtel Matignon.
Lancien directeur général de lARS Ile de France revient sur le pilotage de la réponse à la pandémie Covid sur son territoire. Le directeur de cabinet de la Première ministre a accepté de répondre à nos questions. Quelles sont les spécificités du territoire francilien en matière dinégalités sociales de santé ? Quel est le rôle de lAgence régionale de santé, entre le niveau national (tutelle) et les acteurs de proximité (hôpitaux et établissements médico-sociaux) ? Pourquoi les ARS doivent se faires les garantes des « coalitions » ? Celui qui a été professeur dhistoire-géographie à Bondy explique comment on passe de lanalyse du temps long à la gestion de crise et limmédiateté. Xavier Fos interroge le directeur de cabinet de la Première ministre Aurélien Rousseau. Lancien directeur de lARS Ile de France revient sur la visite dEmmanuel Macron à lhôpital René-Dubos de Pontoise le 20 octobre 2020. Xavier Fos, président de stratégies françaises fait linterview de lancien directeur général de lARS Ile de France. Aurélien Rousseau partage le constat dAmélie Verdier quavec la crise « les cloisons tombent » entre les acteurs du système. Lancien directeur de cabinet du maire Bertrand Delanoë revient sur lincendie de Notre-Dame et sur les incertitudes liées au plomb dans lair autour de lédifice. Le directeur de cabinet de la Première ministre rencontre le club stratégies françaises. Lancien DG de lARS Ile de France évoque les adaptations de la stratégie de vaccination (vaccinodromes contre stratégie progressive et ciblée). Il évoque les inégalités sociales de santé et la nécessité des politiques du « aller vers ». Aurélien Rousseau rappelle comment il a travaillé avec Martin Hirsch et lAPHP dans la lutte contre la pandémie. Aurélien Rousseau, lancien directeur général de lARS Ile de France évoque un texto cocasse envoyé à Emmanuel Macron.
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La douleur joue comme une excavatrice, pareille à une pelle mécanique retournant une terre lourde et noire. Parfois, elle heurte un câble ou une racine et là, la décharge électrique dans tout le corps vous transperce. On croit toucher le fond mais un sous-sol de plus apparaît puis cède un peu plus tard sous les assauts du godet de fer. On découvre la profondeur des fondations.
La douleur vous fait découvrir votre fond, prendre conscience de vos parois. Sans doute la jouissance physique, le plaisir que peut procurer l'acte sexuel, est-il une de ces autres expériences de la limite et de la fusion. Mais la douleur, elle, dure.
Je n'avais pas été pris en défaut, la médecine acceptait pour la première fois de valider ma souffrance. J'entrais en maladie. J'avais conquis un monde clos, je débarquais brutalement en moi-même.
La réanimation c’est la douleur de vivre avec cette machine qui vous permet de respirer, qui se bouche de sécrétions, qui vous déforme le visage, qui vous tient la gueule ouverte, qu’un jour on vous enlèvera au prix d’heures terrifiantes où vous devez réapprendre à respirer sans elle. La réanimation, c’est l’endroit où la vie et la mort se côtoient du plus près, ce n’est pas l’endroit où l’on est sauvé à coup sûr.
L’État a été, et je crois que c’est le cœur de sa transformation, un garant des coalitions.
[...] quand on parle de lits de réanimation, on n’évoque pas simplement un sommier, un matelas et un respirateur, mais d’abord et avant tout des femmes et des hommes compétents et formés. Certains sont venus quelques jours, d’autres plusieurs semaines, dans des services de pointe ou dans d’autres, pour que nous puissions ouvrir et ouvrir encore des lits. Deux chiffres suffisent sans doute à illustrer tout cela : alors que l’Île-de-France disposait de 1 160 lits de réanimation en janvier 2020, exactement trois mois plus tard, près de 3 000 personnes nécessitant une prise en charge en soins critiques étaient hospitalisées dans la région. (p. 53-54)
[...] L’assurance-maladie qui, en quelques semaines à peine, est montée en puissance pour assurer le traçage quotidien des cas [...], en appelant toutes les personnes déclarées positives et leurs contacts. Près de 25 millions d’appels auront été passés depuis l’armement de ce dispositif. La complexité des questions posées était immense, les enjeux de systèmes d’information et de protection de données comme ceux de ressources humaines ont constitué un défi inédit que l’assurance-maladie a relevé avec une très grande solidité. Était-ce son métier ? Assurément non, mais il fallait répartir la charge, s'adapter [...]. (p. 50)
Le court-circuit produit par certains mots se joue aussi avec celui de « réanimation ». Avec les mois, ces onze lettres se sont comme aseptisées. On parle de lits de réanimation comme on parle de capacités hôtelières d’une ville touristique. Pour ma part, et j’ai toujours eu du mal à l’exprimer en public, dans les médias, j’ai souvent eu envie de crier, de gueuler, que la réanimation, c’est aussi le synonyme de la mort. Simplement de la mort. Lors de la première vague, 45 % des malades en réanimation y sont décédés.
La cartographie des inégalités socio-économiques se superpose, dans le Grand Paris, à la cartographie des inégalités de santé. Derrière ce mot d’inégalités de santé, sachons nommer les choses : l’espérance de vie varie de 10 ans d’une station à l’autre d’une ligne de RER ; le taux de patients admis en affection de longue durée pour diabète, à structure d’âge égale, est trois fois plus élevé dans l’est du Val-d’Oise que dans l’ouest de Paris [...]
Emmanuel Vigneron avait documenté et cartographié ce phénomène [des inégalités de santé] de façon très claire au début des années 2010, [...] : « En moins d’un quart d’heure de trajet, le risque de mourir une année donnée augmente de 82 % entre les arrondissements les plus aisés de Paris et le quartier du Stade de France ! »