Témoignage de Samira Bellil, victime de viols en réunion.
Cette expérience me donne une envie grandissante d'écrire ce livre. Chaque mot sera choisi, bien réfléchi, bien mûri. Ce livre aura le poids de ce que j'ai vécu, la valeur de mes réflexions et ma rage de m'en sortir. Ce livre laissera la trace ineffaçable de mon vécu, et je pourrai enfin ranger mon histoire sur l'étagère d'une bibliothèque.
En face de moi, c'est le vide, le silence, un mépris glacial. On fait comme si je n'existais pas, comme si rien ne s'était passé. Tout doucement, je meurs par le regard que l'on ne me donne pas.
Mais le plus fort, c'est que les violeurs se considèrent comme des victimes, ils sont les "héros" à plaindre, ceux qui sont sous les verrous, parce qu'ils ont été "donnés". Pourtant, si on leur demande ce qu'ils feraient si un gars violait leur petite soeur, ils répondent sans hésitation: "Je le flingue !" Elle n'est pas à se taper la tête contre les murs, cette logique ?
Je ne veux pas me venger. Il y a bien longtemps que ce désir m'a quittée. Je veux juste que chacun sache la part qu'il a eue dans mon cauchemar. J'ai été sincère, j'ai été lucide, le plus que j'ai pu. J'ai voulu montrer à quel point la négligence de ma famille, de mon entourage, de l'avocate et des services sociaux m'a déglinguée, en plus des traumatismes des viols. C'est de ma propre vérité qu'il s'agit dans ce livre. Et si je n'ai pas pris en compte la vérité des autres, c'est tout simplement que ça n'était pas mon objectif.
Toutes prêtes et décéidées à relever la tête pour ne plus accepter de vivre avec un soleil noir au-dessus de nous.
L’Alchimiste de Paulo Cœlho est une révélation pour moi. Je comprends que je dois accomplir, moi aussi, ma légende personnelle. Je suis comme le berger qui, pour atteindre son trésor, passe par de multiples galères. Moi aussi, j’ai suivi des chemins tortueux, traversé des mers profondes où j’ai failli me noyer. Le trésor que je veux atteindre, c’est la vie. La vraie vie. C’est mon chemin, mon destin, ma légende personnelle. Merci Paulo !
Voir des gens heureux me fait mal, je me sens en décalage avec tout ce qui m'entoure. Je ne peux pas rire et être insouciante quand tout est encore noir en moi. Je suis encore dans ma bulle de souffrance et elle m'empêche de profiter de ce qui se présente à moi.
je touche le fond. Pendant toutes ces années, j'ai réussi à garder la tête hors de l'eau.
Jai nagé contre bien des courants, certes, mais j'ai surnagé. J'ai essayé de toutes mes forces, avec toute mon âme de ne pas me noyer. Je me suis accrochée aux récifs que comptait cet océan noir qua été ma vie. Aujourd'hui, le naufrage est là. Je n'ai plus envie de me débattre pour survivre. Je n'ai qu'un désir, me laisser couler à pic.
Je me laisse aller à mes larmes. Ma souffrance est omniprésente, je ne parviens plus à la conte-nir. Elle déborde, elle dégouline, elle éclabousse tout ce qui m'entoure.
Je ne sors plus, je ne mange plus, je ne dors plus. Je ne veux plus faire l'effort de sourire, de paraître, de surmonter, je l'ai trop fait. Je ne veux plus faire l'effort de faire des efforts. Je ne veux plus entendre ce mot : avancer. Il m'épuise.
Voir des gens heureux me fait mal, je me sens en décalage avec tout ce qui m’entoure. Je ne peux pas rire et être insouciante quand tout est encore noir en moi. Je suis encore dans ma bulle de souffrance et elle m’empêche de profiter de ce qui se présente à moi.
Ce n’est pas de la pitié que je veux susciter, c’est une prise de conscience.