« Jeux de dames à Monte-Carlo » de Bernard Spindler
Anna était immobile, parfaite, tel un modèle arraché aux pages du Moniteur de la mode. J'ai abusé d'elle, à toute allure, à grands traits de fusain, de crayon gras et d'estompe manuelle, inquiet de la voir surgir de son sommeil. Je l'ai inventée nue, alanguie sur ce même coussin de velours gris, je lui ai laissé son chapeau, ses bottines et un gant, celui de la main gauche avec laquelle elle relève sa cuisse droite, écrasée sur la fraise d'un sein. J'étais Dieu et je réinventais Anna pour moi seul. Dans ce paisible sommeil pouvait-elle imaginer la folie dévorante de cette mine de plomb barbouillant un sexe inconnu, noir, touffu et angoissant, dérangeant comme les outrances du Salon des Refusés, de tout ce qui n'avait pas l'aval des thuriféraires du pouvoir impérial. Mon regard bondissait du croquis à Tante Anna et de Tante Anna au croquis. J'ai vingt ans et je ne connais rien aux femmes ou si peu. "
Ils n'avaient aucune raison de se rencontrer, encore moins de nouer leurs destins dans un amour fou en ce printemps de mai 1870. Lui, le clown équestre du cirque Napoléon, saltimbanque adulé la nuit, anonyme le jour. Elle, l'enfant gâtée d'une famille de grands bourgeois, arrogante et superbe charmeuse.
Je m'appelle Bertrand, je suis un enfant de la guerre. Maman m'écrit et raconte à l'encre bleue ce dimanche de plein soleil sur la route de Poitiers à Bordeaux. Elle me serre dans ses bras, très fort, et se jette dans un fossé d'herbes sèches, sous la mitraille d'un bombardier italien. Lui, c'est Lucchino d'Arrezzo, capitaine de l'aviation italienne. (...) Cinquante ans plus tard, quelle main mystérieuse nous a poussés l'un vert l'autre ? Lui, le portier d'un petit hôtel, moi, le critique de la musique des autres... au bal masqué du hasard, dans cette Venise figée dans la glace, frémissante sous les giboulées d'un hiver de carnaval.
sous la tente une trentaine de martyrs agonisait, par terre, sur une botte de paille. Un parfum sans nom, fétide, douceâtre, tournait le cœur. (...)tout semblait sortir d'un coup de grisou. Le sang se caillait sous les uniformes en loques... Ces uniformes n'offraient plus ni teinte, ni contour, on ne pouvait comprendre qui étaient les Allemands et qui les nôtres. une grande stupeur les mariait.
mes nuits, je dormais d'une traite, maintenant je m'éveille. Je me mets au travail, c'est le seul moyen qui me rende possible d'oublier mes laideurs, d'être beau sur ma table . vite que je construise mes traits d'encre pour remplacer ceux qui s'en vont.
Jean Marais, en dépit de destins amoureux compliqués et ingrats, ne lachera jamais le fil d'Ariane qui, dans le labyrinthe de leurs choix, Unis l'un à l'autre les grands enfants terribles.
j'ai une grande nouvelle à t'annoncer, je suis mort . les vivants et les morts sont près les uns des autres comme le côté pile et face d'un sou.
faites semblant de pleurer mes amis, puisque vous savez bien que les poètes font semblant d'être mort s
moraliser l'opiumane, c'est dire à Tristan il faut tuer Yseut, vous irez beaucoup mieux après.
l'académicien, le seul homme qui, à sa mort, se change en fauteuil