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Critiques de Christian Prigent (14)
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Pages rosses : craductions

J'espérais beaucoup m'amuser à la lecture de ce tout petit ouvrage mais ma déception a été à la hauteur de mes attentes. Moi qui adore le jeux de mots, calembours et autres kakemphatons, j'ai trouvé ces craductions bien trop alambiquées pour me plaire. L'ensemble est carrément tiré par les cheveux !

Voici quelques exemples significatifs:

Fama volati Madame conduit

Tu quoque mi fili ! Tout coquet, le fiston !

Desinit in piscem Daisy sniffe dans la piscine

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Lettres à Sade

L'idée de cet ouvrage est excellente, étrange voire fantastique :A l'occasion des 200 ans de la mort de Sade (+18.12.1814), 17 écrivains (mais aussi philosophes, universitaires, peintre, scénographe ou cinéastes) ont été conviés à lui adresser une lettre à leur convenance,à la première personne ou non.

Si presque tous ouvrent leurs missives par de respectueux ou de polis Cher Marquis, Cher Marquis de Sade, Cher Sade, Cher Monsieur de Sade, Comte, Cher Donatien-Alphonse-Francois, un ose un Votre Énormité et une autre un Mon cher amour.

Classées en trois thèmes (Libertés, Modernités et Éternités), ces lettres d'amour, de reproche, d'adieu ou de remerciement saluent toutefois presque unanimement l'homme acharné à vivre libre malgré l'emprisonnement, l'embastillement, l'internement.

Un de nos contemporains tient à le remercier pour nous avoir appris le caractère obsessionnel du désir, un autre salue le véritable écrivain, le provocateur ultime, un autre encore relate le choc ressenti à la découverte de son oeuvre et son emprise sur sa vie personnelle et ses rencontres. Une cinéaste, femme d'images, l'imagine sur un plateau télé interviewé par un journaliste avide de scoops bien scabreux.....

La grande intelligence de cet ouvrage est de n'être pas tombé dans l'écueil qui aurait été d'empiler des louanges et rien que des louanges afin de lui tresser une couronne mortuaire faite de lauriers alors que l'épine sied mieux à ce cher Sade !

Ainsi, reçoit-il une lettre d'adieu de celle qui, fatiguée du chaos et des cahots de l'existence, lui annonce qu'elle ne le lira plus, qu'il sera désormais le fantôme de sa bibliothèque mais qui, ultime fidélité, le remercie de l'avoir peut-être aidée à se libérer de ses chaînes.Une autre lettre d'adieu lui parvient d'une autre lectrice qui avoue vouloir jeter l'éponge afin de sauvegarder son âme et son esprit.

Ainsi Sade reçoit-il aussi une missive s'interrogeant sur la récupération faite de son personnage et sur la reconnaissance qui en dit long sur la misère des temps que nous traversons....

.. pauvre Monsieur de Sade ! Finalement reçoit-il une longue lettre d'amour enflammée !

Merci à Babelio (via la Masse Critique) et à la maison d'édition Thierry Marchaisse pour m'avoir fait découvrir cet ouvrage fin, intelligent (belle couverture ) que je recommande vivement!
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Lettres à Sade

Dans cet ouvrage, des hommes et femmes qui sont universitaires, écrivains, juristes ou philosophes écrivent une lettre à Sade. Le fond diffère à chaque missive et l'orientation choisie varie selon le rédacteur. Il n'est pas question pour les écrivains de lui dire de but en blanc s'ils l'aiment ou le détestent mais plutôt de choisir un aspect de Sade (sa personnalité, ses écrits, sa fin de vie, ses pensées) et de s'en servir comme trame pour s'adresser au marquis.



J'ai beaucoup aimé ces lettres qui traitent d'un point de vue différent la pensée, les écrits de Sade, son enfermement, sa mort. Tandis qu'une lettre me fait réfléchir pour savoir si je suis d'accord ou non avec son rédacteur, d'autres se projètent contemporains de Sade et me re-situent à ses côtés à la Bastille. Certains font des parallèles avec la façon dont est traité le corps de nos jours : piercings, corps morcelés (dons d'organes), mères porteuses, l'enfant à tout prix. Un des auteurs a un parti pris plus poétique tandis qu'une autre me semble invectiver l'écrivain lequel n'a pas voix au chapitre bien évidemment puisqu'il ne s'agit pas d'un dialogue.

Il est souvent question de la nature de l'homme (homme naturellement bon ou a contrario meurtrier, incestueux, violent) ?



J'ai un avis très positif sur ce livre pour plusieurs raisons :



- ceux qui ont rédigé les lettres m'étaient complètement inconnus à l'exception de Noëlle CHâtelet et Catherine Cusset. Je n'ai donc pas été parasitée par ce que j'aurais pu avoir lu de l'auteur ni même "parasitée" par le physique de la personne. Je n'avais pas la vision du visage de l'écrivain mais uniquement son écrit.

-Les lettres sont de qualité, bien écrites voire dfficiles pour deux d'entre elles : j'ai dû les relire lentement pour m'en imprégner et les comprendre.

-J'ai bien aimé le procédé, les points de vue différents.

-Je me suis demandé ce que j'aurais pu lui écrire.



-La couverture est très jolie et j'aime le toucher différent entre le bandeau glacé, lisse et brillant et le reste de la couverture (et j'attache une grande importance aux titres et couvertures des livres).

- J'ai même laissé passer du temps entre la lecture des premières lettres et la lecture de la dernière lettre. Je n'avais pas envie de la lire parce que je n'avais pas envie de n'avoir plus de lettres à lire.



Un grand merci à Babelio et aux éditions Thierry Marchaisse pour cette opération Masse Critique.



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Chino au jardin

Christian Prigent en formidable poinçonneur des camélias, mobilisant les jardins de la mémoire pour y percer ses trous de première classe, dans une langue française toujours réinventée.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/08/17/note-de-lecture-chino-au-jardin-christian-prigent/



Depuis 2013 et l’apparition de l’enfant Chino, version autobiographique hautement travaillée du gamin de Saint-Brieuc que fut jadis Christian Prigent, dans le titre de certains de ses ouvrages, à commencer par le fort essentiel « Les enfances Chino », les rendez-vous plus ou moins occasionnels avec le galapiat des Côtes d’Armor (qui ne s’appelaient pas encore ainsi à l’époque de là où il nous cause) sont devenus des moments fort attendus et extrêmement privilégiés pour déguster la saveur bien particulière de l’écriture de celui qui sait trou(v)er sa langue comme personne, pour reprendre cet heureux intitulé du colloque de Cerisy qui lui était consacré en 2014 – et des superbes actes dudit colloque, supervisés par Bénédicte Gorrillot et Fabrice Thumerel (à voir ici sur ce même blog).



La chronologie de l’enfance telle qu’elle fut importe peu chez Christian Prigent. Que ce soient le fondateur « Les enfances Chino » (avec sa formidable réécriture de la buée chère aussi à Françoise Morvan) ou les deux romans en vers qui l’ont suivi, « Les amours Chino » en 2016 et « Chino aime le sport » en 2017, les mémoires d’enfance et leurs reconstructions ex post, leurs enchevêtrements et leurs télescopages peuvent évoluer librement en fonction de la thématique plus ou moins secrète qui guide chaque volume proposé jusqu’à présent. Dans ce « Chino au jardin », publié chez P.O.L. en 2021, on trouvera ainsi huit moments différents, mettant en scène huit jardins différents (bien réels ou davantage métaphoriques) de l’enfance de Chino – ou de tout autre chose que son enfance, comme désormais à l’accoutumée, bien sûr : jardin de son père (1963), jardin des postiers (1954), où une magnifique innocence de garçonnet imaginatif est confrontée à une méfiance rationalisée d’adultes bien-pensants, tandis que tout peut se retourner d’un instant à l’autre en chantant un gwerz de l’enfant mangé, jardin Courtay (1956), où Diên Biên Phu se rejoue en trois actes, trois versions ma foi bien différentes et un épilogue (avec une pensée émue pour certaine interprétation d’un combat dans le djebel par le grand Jean-Christophe Bouvet dans un film pourtant peu soucieux de qualité littéraire par ailleurs), jardin de Côte-aux-Maris (1957), et son si troublant « pays des maraîchers » (« Le maraîcher est une extension pro du jardinier »), jardin des muses (1965-1993), où le « jardin de Guillaume » en bord de falaise, retoqué par la loi littorale, devient progressivement support et catalyseur de tout autre chose (la puissance de la digression y appellera d’ailleurs, une fois n’est pas tant coutume, un cinglant : « Mais mollo la spécule. Retour au motif »), puisqu’on y croise sous prétexte de drone aussi bien Buck Danny qu’André Breton, et qu’un vent de poésie (« Et on s’accorda à l’unanimité sur ce point crucial que faire poésie c’est pas que moucher son nez de larmois et dire en montrant le mouchoir mouillé : voici mon poème ») s’y lève résolument, jardin délicieux (2005), avec son singulier moment de beauté et d’érotisme, jardins ouvriers (1955), où les usages multiples des parcelles en formes de droits sociaux informels sont à la lutte avec la propension juvénile au saccage plus ou moins ordonné, et jardins massacrés (2005-2019), en forme déjà de presque-épilogue (« Long temps a passé. Tout le monde est mort. Jardiniers, postiers, même la maisonnée »).



Chacun de ces jardins, les réels comme les métaphoriques, est naturellement prétexte à de fausses digressions essentielles chez Christian Prigent, dont le gamin Chino, précoce ou déjà grandi, nous rappelle avec sa fougue langagière toujours renouvelée que le récit en prose poétique mis en œuvre ici reste, contre vents, marées et risques d’assagissement, un travail critique, aux sens pleins et multiples du terme, de la résonance hilarante et néanmoins tragique avec « L’art français de la guerre » d’Alexis Jenni dans le jardin Courtay au passage en revue de détail par formules vengeresses et drôlatiques interposées de presque toute la poésie française de 1950-1970, en formidable contrepied au Philippe Jaccottet de « L’entretien des muses », dans le jardin des muses précisément, pour ne citer que deux exemples particulièrement saillants du phénomène toujours induit.



Comme le rappelait si joliment en d’autres termes Bertrand Leclair dans Le Monde (à lire ici), comme le détectait à nouveau avec pénétration Christophe Kantcheff dans AOC (à lire ici), l’autobiographie poétique selon Christian Prigent est et demeure un sport de combat et un art martial, même (surtout) si ses airs joueurs sont omniprésents. Maniant à la perfection les tropes des enfances bretonnes, comme – sur des vecteurs ô combien différents – Patrik Ewen ou Françoise Morvan, et comme eux sans revendication régionaliste prompte à faisander, pour au contraire viser une portée critique et poétique universelle, portant haut et loin la métaphore mémorielle jardinière, là où même le Teodor Cerić de « Jardins en temps de guerre » et son alter ego Marco Martella de « Fleurs » n’avaient osé la conduire, il s’affirme surtout ici plus que jamais comme le plus formidable poinçonneur de la langue française, y perçant ses trous de première classe pour nous permettre d’accéder aux dimensions cachées qui nous y attendent.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Les Enfances Chino

Un chef d’œuvre, de langue, de ruse, d’inventivité et de joie complexe : une enfance à Saint-Brieuc transfigurée par Goya et bien d’autres facteurs.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2018/07/01/note-de-lecture-les-enfances-chino-christian-prigent/
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A quoi bon encore des poètes ?

A quoi bon encore des poètes (P.O.L) de Christian Prigent relance la question jadis posée par Hölderlin : « Wozu Dichter in dürftiger Zeit ? » Pourquoi, encore aujourd’hui, des poètes ? Pourquoi les poètes ne sont-ils plus lus ? A quoi sert aujourd’hui la poésie ? Pourquoi dédaigne-t-on la littérature dite difficile pour lui préférer une prose industrielle ? Il y a quelques brèves pistes de réponses dans ce minuscule opus, qui s’acharne surtout à redonner du sens au mot « poésie », aujourd’hui si dévalué.
Lien : http://www.delitteris.com/in..
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Météo des plages: Roman en vers

« Roman en vers », annonce le sous-titre. Mais drôle de roman et drôles de vers. De sages quatrains en apparence et puis des rimes, certes, mais à l’intérieur ça bouillonne d’inventivité, de fantaisie et d’humour. Les mots, comme l’histoire, sont fragmentés. Dans ce génial délire verbal, on trouve de l’anglais, du latin, des mots inventés, des onomatopées, de jubilatoires enjambements et un usage farfelu de la ponctuation. Et nous voilà en équilibre sur le vers suivant.



C’est un roman en vers qui se fait tableaux, photographies, mouvements de caméra. On y croise des divinités grecques et autres figures mythologiques en tongs. On se baigne, on prend des coups de soleil, on drague, on mange. La sueur, la pisse, le foutre, le pétrole et la crème solaire se mêlent à la mer.



Une formidable énergie vitale côtoie la mort et le pourrissement. C’est concret, trivial, cru. Ça invite au mouvement : « on met son short et on y va ».
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La Langue et ses monstres

À travers dix-neuf autrices et auteurs, un parcours inventif, lucide et joyeux au cœur de la langue littéraire et de ses défilés obscurs et productifs.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/07/22/note-de-lecture-la-langue-et-ses-monstres-christian-prigent/



Il a déjà été évoqué sur ce même blog, à propos du « Le Théâtre des Paroles » de Valère Novarina, du « Le Roi vient quand il veut » de Pierre Michon, du « Cannibale lecteur » de Claro, ou peut-être du « La littérature inquiète » de Benoît Vincent, la manière dont certaines autrices, certains auteurs, relativement rares, tout en faisant œuvre de critique littéraire pointu, argumenté et souvent décisif, font simultanément de la mise en pratique, de la littérature en action, déployée sous nos yeux. Avec son « La Langue et ses monstres » publié en 1989, et réédité en 2014 chez P.O.L., Christian Prigent s’inscrit sans aucun doute au cœur de ce cercle restreint et salutaire, à toujours identifier de visu comme de facto.



En décortiquant finement la langue – en jouant lorsque nécessaire à l’intérieur de l’espace ouvert entre la version originale et sa traduction -, et les dispositifs mis en œuvre à travers elle, de Gertrude Stein, de Lucette Finas, de e.e. cummings, de Vladimir Maïakovski, de Vélimir Khlebnikov, de W.S. Burroughs, de Marcelin Pleynet, de Jean-Pierre Verheggen, de Claude Minière, de Hubert Lucot, de Valère Novarina, de Pierre Jean Jouve, d’Antonin Artaud, de Francis Ponge (en osant l’incision qui mesure son écriture aussi au fil de son évolution politique), de Pier Paolo Pasolini, de Jude Stéfan (occasion aussi d’une magnifique fausse digression à propos du véritable préjugé que peut fort bien secréter alors, pour telle ou telle écriture, le fait d’être publiée par telle ou telle maison d’édition), de Bernard Noël, d’Éric Clemens, ou enfin de Christophe Tarkos, Christian Prigent ne se contente pas de provoquer – au sens le plus fort du terme – une féroce envie de lecture à son tour, ni de montrer dans l’intimité du mot et de ses agencements les projets volontaires – et moins volontaires le cas échéant – qui s’y agitent avec force, il élabore sous nos yeux une poétique à facettes, où le disjoint et le cohérent s’affrontent de manière pas toujours si feutrée, et constitue quasiment en direct une forme de guide de l’expérimentation, de l’absence de résignation littéraire, et de la volonté d’aller de l’avant, de ne jamais abandonner la tension qui doit habiter la langue.



Et la saveur de certains titres ou intertitres (Nous ne savons pas lire, De l’anthropophagie communautaire, Le signe du singe, Du corps intenable, Zorro arrive, La scène dans les oreilles, Péter la forme, Rien ne va plus, Le réel nous les brise [menu], De quoi c’est fait,…) est là aussi qui nous rappelle, pour notre délectation, à quel point le lecteur pointilleux et le théoricien ici en action ne sont jamais très éloignés de l’auteur de « La Vie moderne » ou des « Enfances Chino ».
Lien : https://charybde2.wordpress...
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La Vie moderne

La relecture en vers satiriques détonants d’un journal quotidien ordinaire.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2018/04/24/note-de-lecture-la-vie-moderne-christian-prigent/
Lien : https://charybde2.wordpress...
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La Langue et ses monstres

« Faire poète » ou révo­lu­tion­naire reste trop sou­vent pour Prigent une pos­ture donc une impos­ture de ceux qu’il nomme les « péto­manes ». C’est pour­quoi il en appelle aux auteurs qui n’écrivent que “dans un souffle” et qui refusent la flui­dité facile des éjaculations faciales. C’est pour­quoi aussi l’auteur refuse les auteurs “d’inspiration”. Il pré­fère ceux qui expirent, qui soufflent dans une résis­tance à la coa­gu­la­tion de la forme et du sens, en un bégaie­ment sys­té­ma­tique, en une suite de glis­se­ments d’ondes et de mou­ve­ments syl­la­biques cor­pus­cu­laires. A lire absolument.
Lien : http://www.lelitteraire.com/..
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Chino fait poète

Si les volumes du cycle des Chino sont souvent sous-titrés « roman », ils peuvent être en prose ou en vers ou mélanger les deux. Ici, Chino « fait poète », donc les pièces sont en vers, et rimés s’il vous plaît.




Lien : https://www.lemonde.fr/livre..
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A quoi bon encore des poètes ?

Ça commence plutôt mal, incipit : « Comme tout monde humain, mais plus qu’aucun autre peut-être, notre monde est un monde en manque de sens. La demande de sens y est donc d’autant plus acharnée. » Par « monde humain » on comprend qu’il s’agit en fait de « vision du monde par une culture particulière » puisqu’il est implicitement admis une pluralité des « mondes humains » (comme tout…). « Notre monde », c’est donc, pour aller vite, la vision du monde de l’Occident capitaliste avec sa libido technophile, sa rage consumériste et sa froideur scientiste. Et ce monde là serait, « plus qu’aucun autre », en quête de sens. Ce « plus » relèverait de la maladie ; la phrase suivante parle de symptômes. Immédiatement la science dite positive (comme pour évoquer le spectre d’Auguste Comte) est mise en accusation. Et de citer Luc Ferry, qui doit s’y connaître « La prétention à fonder la pratique dans l’objectivité d’une science de la nature ou de l’histoire s’est toujours soldée par des catastrophes humaines ». Trois paragraphes plus loin l’écologie est soupçonnée, à juste titre, d’être le nouvel avatar d’un scientisme redonnant « sens » à l’action humaines susceptible de « remobiliser d’intrépides et peu critiques vocations militantes ». Ainsi tout homme occidental serait en quête de sens ; il se sentirait si aliéné au monde qu’il a besoin de lui trouver un sens. Sens: voici un mot qu'on galvaude toujours dans l'angoisse parce qu'il est toujours périlleux de s'intéresser à son sens sans avoir des vertiges. Mettre en relation cette histoire de sens avec l’activité poétique va presque de soit. Le travail poétique peut être conçu comme un travail – au sens de torture - qui mettrait à l’épreuve une langue dans sa capacité ou son incapacité à nous rapprocher du réel c’est-à-dire de sa capacité à faire sens. Les mots changent de sens et les sens changent de mots à écrit quelque part Jean Paulhan ; celui qui lit des textes en français médiéval le sait bien. Pour ma part je suis porté à voir la poésie comme une sorte de gymnastique destinée à assouplir la langue pour lui conserver une capacité d’adaptation à un réel en perpétuelle évolution. Que cela produise parfois du beau, nul ne s’en étonnera ; la gymnastique de haut niveau c’est beau ; les jeux antiques des anciens grecs couronnaient les poètes autant que les athlètes. Mais, de ce point de vue, parler de « quête de sens » est-il bien inadéquat ? Quête de sens et justification de la pratique de la poésie ne me semble pas aller ensemble. D’autant plus que je ne croit vraiment pas qu’il y ait des hommes en quête de sens (sauf pour prendre la pose). Qu’il existe dans la plupart des sociétés humaines une caste de clercs, voués à fonder et à justifier par le truchement de l’art du discours (oral ou écrit) un ordre social généralement aussi pénible à une majorité frustrée qu’elle est confortable à une minorité nantie, et que les poètes furent pendant longtemps de cette caste là, protégée par les puissants (qu’on appelle alors des mécènes) ; de cela je ne doute pas. Mais qu’il faille assimiler ce travail de doreur de pilule à celui de Grand Prêtre du Sens me paraît abusif. Mais reconnaissons d’abord à Christian Prigent qu’il ne commet pas cet abus. Pour lui, ayant prit acte du fait que les poètes d’aujourd’hui ne sont plus du côté du pouvoir, qu’ils ne forment plus qu’un petit cénacle fermé et sans influence, pour lui, le poète aujourd’hui n’est plus un doreur mais un gratteur de pilules. Les technocrates et l’idéologie scientifique ont pris le relais pour appliquer la dorure ; le poète, par sa connaissance affinée du langage gratte la langue de bois qu’on ne dore plus à la feuille mais au Ripolin « façon or ». La Révélation du poète se contente aujourd’hui - très modestement au fond - de mettre tout un chacun en face de la précarité de sa condition.
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A quoi bon encore des poètes ?

Le monde actuel peut se caractériser par une demande de sens, de signification, d'un côté scientifique, rationnel, froid, factuel, et d'un autre côté plutôt spirituel, pour trouver par exemple un sens à sa vie, au monde, à l'univers. Dès lors, on attend des livres qu'ils nous rassurent, en nous livrant sur un beau plateau de la signification prête à consommer, de l'information plutôt que du style ; on attend d'eux également qu'ils nous instruisent plutôt qu'ils nous divertissent (d'autant plus qu'aujourd'hui on a accès à internet, à la télévision, aux jeux vidéos, aux sudokus...). La quête de sens, en terme scientifique et en terme religieux, en amène beaucoup aujourd'hui à faire preuve d'un certain prosélytisme pour un retour à l'écologie très profonde - c'est à dire : à retrouver la nature, à chercher à la comprendre, l'analyser, la décrypter, et donc s'en rapprocher, et de la spiritualité aussi, pour se relier à l'esprit même de la Terre. Ce qui nous ramène donc à la poésie, qui finalement, est probablement la mieux placée pour décrire l'amour de l'homme pour son environnement - ou sa haine, c'est selon.



La poésie, de même que la littérature dite moderne amène cette "modulation individuelle" du langage permettant d'exprimer sa part de subjectivité qui échappe aux textes plus rigoureusement objectifs - ces textes en quête de sens scientifique - et que Bataille, par exemple, appelait "la part maudite". Toutes deux sont parfois le théâtre de l'inhumain qui sommeille dans l'écrivain, car cette forme libre et totalement personnelle d'écriture permet de se révéler, tous masques imposés dehors. Malheureusement, à l'heure actuelle, le Mal commence à être bien règlementé, et on tente de le minimiser - ou de le soigner, au profit de la neutralité et du bonheur factice. Céline serait-il toujours autant adulé s'il écrivait ses livres aujourd'hui ? Pourtant, la poésie peut parfois transformer la noirceur en oeuvre sublime, et l'auteur citera pour illustrer ce propos : Rimbaud, Beckett, Baudelaire, Racine, Artaud...



Quant à ce qu'est devenue la poésie aujourd'hui, c'est, selon lui, "le sombre sentiment d'une déchéance, d'une clochardisation intellectuelle, d'un tournis en rond dans l'échange quasi inaudible des revues à cinquante lecteurs, des opuscules vouées à la nécrophagie bibliophilique et des lectures accablantes d'ennui devant quelques amis venus à charge de revanche".



Bref, on a bien besoin de poésie, parfois juste pour se donner bonne conscience.



(voir la critique intégrale sur le blog)
Lien : http://lecombatoculaire.blog..
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Chino au jardin

Nouveau plant autobiographique poussé dans ce réel que cultive l’écrivain. Fertilité de la langue et de la vie.
Lien : https://www.lemonde.fr/livre..
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