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EAN : 9782818021477
320 pages
P.O.L. (14/11/2014)
4.33/5   6 notes
Résumé :
Premier grand essai de Christian Prigent (avant même le Ceux qui meRdrent - P.O.L 1991), La Langue et ses monstres (Cadex, 1989) était épuisé depuis longtemps. Cette réédition est assortie de révisions qui actualisent cette réflexion sur l’écriture et les « grandes irrégularités du langage ». Ici, l’auteur débusque les enjeux d’une pensée de la langue à travers les œuvres des grands écrivains du XXe siècle. La précision de la réflexion de Christian Prigent, sa radic... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
À travers dix-neuf autrices et auteurs, un parcours inventif, lucide et joyeux au coeur de la langue littéraire et de ses défilés obscurs et productifs.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/07/22/note-de-lecture-la-langue-et-ses-monstres-christian-prigent/

Il a déjà été évoqué sur ce même blog, à propos du « le Théâtre des Paroles » de Valère Novarina, du « le Roi vient quand il veut » de Pierre Michon, du « Cannibale lecteur » de Claro, ou peut-être du « La littérature inquiète » de Benoît Vincent, la manière dont certaines autrices, certains auteurs, relativement rares, tout en faisant oeuvre de critique littéraire pointu, argumenté et souvent décisif, font simultanément de la mise en pratique, de la littérature en action, déployée sous nos yeux. Avec son « La Langue et ses monstres » publié en 1989, et réédité en 2014 chez P.O.L., Christian Prigent s'inscrit sans aucun doute au coeur de ce cercle restreint et salutaire, à toujours identifier de visu comme de facto.

En décortiquant finement la langue – en jouant lorsque nécessaire à l'intérieur de l'espace ouvert entre la version originale et sa traduction -, et les dispositifs mis en oeuvre à travers elle, de Gertrude Stein, de Lucette Finas, de e.e. cummings, de Vladimir Maïakovski, de Vélimir Khlebnikov, de W.S. Burroughs, de Marcelin Pleynet, de Jean-Pierre Verheggen, de Claude Minière, de Hubert Lucot, de Valère Novarina, de Pierre Jean Jouve, d'Antonin Artaud, de Francis Ponge (en osant l'incision qui mesure son écriture aussi au fil de son évolution politique), de Pier Paolo Pasolini, de Jude Stéfan (occasion aussi d'une magnifique fausse digression à propos du véritable préjugé que peut fort bien secréter alors, pour telle ou telle écriture, le fait d'être publiée par telle ou telle maison d'édition), de Bernard Noël, d'Éric Clemens, ou enfin de Christophe Tarkos, Christian Prigent ne se contente pas de provoquer – au sens le plus fort du terme – une féroce envie de lecture à son tour, ni de montrer dans l'intimité du mot et de ses agencements les projets volontaires – et moins volontaires le cas échéant – qui s'y agitent avec force, il élabore sous nos yeux une poétique à facettes, où le disjoint et le cohérent s'affrontent de manière pas toujours si feutrée, et constitue quasiment en direct une forme de guide de l'expérimentation, de l'absence de résignation littéraire, et de la volonté d'aller de l'avant, de ne jamais abandonner la tension qui doit habiter la langue.

Et la saveur de certains titres ou intertitres (Nous ne savons pas lire, de l'anthropophagie communautaire, le signe du singe, du corps intenable, Zorro arrive, La scène dans les oreilles, Péter la forme, Rien ne va plus, le réel nous les brise [menu], de quoi c'est fait,…) est là aussi qui nous rappelle, pour notre délectation, à quel point le lecteur pointilleux et le théoricien ici en action ne sont jamais très éloignés de l'auteur de « La Vie moderne » ou des « Enfances Chino ».
Lien : https://charybde2.wordpress...
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« Faire poète » ou révo­lu­tion­naire reste trop sou­vent pour Prigent une pos­ture donc une impos­ture de ceux qu'il nomme les « péto­manes ». C'est pour­quoi il en appelle aux auteurs qui n'écrivent que “dans un souffle” et qui refusent la flui­dité facile des éjaculations faciales. C'est pour­quoi aussi l'auteur refuse les auteurs “d'inspiration”. Il pré­fère ceux qui expirent, qui soufflent dans une résis­tance à la coa­gu­la­tion de la forme et du sens, en un bégaie­ment sys­té­ma­tique, en une suite de glis­se­ments d'ondes et de mou­ve­ments syl­la­biques cor­pus­cu­laires. A lire absolument.
Lien : http://www.lelitteraire.com/..
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Dans sa version publiée en 1989, La Langue et ses monstres rassemblait des études composées entre 1975 et 1988. Dans ces années-là, quelques-uns (fort peu, à vrai dire) tentaient de sortir de l’avant-gardisme du début des années 1970 sans renoncer pour autant au désir d’expérimentation littéraire. Le livre aujourd’hui réédité porte la marque de cet effort. J’en ai éliminé le plus crispé par les polémiques d’époque. J’ai souvent réécrit le reste, tentant de l’alléger, et espérant, autant que faire se peut, le clarifier.
Revoici donc ceux que j’appelais alors les « modernes » : les tutélaires Burroughs, Cummings, Khlebnikov, Maïakovski, Gertrude Stein ; et quelques vivants remarquables : Lucette Finas, Hubert Lucot, Claude Minière, Valère Novarina, Marcelin Pleynet, Jean-Pierre Verheggen.
Et revoici les « grandes irrégularités de langage », le style comme « anamorphose », la « violangue », le « babil des classes dangereuses », le « jeu de la voix hors des mots », les « glossolalies », le « zaoum », le « cut up », etc.
Vieilles lunes ? Peut-être. Au clair desquelles il ne semble pas qu’on lise encore beaucoup. Qu’on écrive, encore moins. Formidables clartés, pourtant. Elles n’ont pas fini de solliciter ceux pour qui la littérature n’est pas que fable distrayante, confession en style académique, sociologie romancée ou supplément « poétique » à la rudesse des vies. Mais une expérience qui touche au fond de ce qui nous parle et nous assujettit. Et qui n’a d’intérêt que si ses voix excentriques traversent les représentations couramment admises pour composer de nouveaux accords avec le désir des hommes, leur angoisse, leur sensation d’un monde vivant.
Chacun de nous l’éprouve tous les jours : l’outillage verbal dont nous disposons pour communiquer (savoirs pragmatiques, idéologie, morale, etc.) est inadéquat aux façons sensorielles singulières dont le monde nous affecte. Ne pouvoir vivre sans représenter notre vie mais ne trouver dans aucun discours constitué l’exacte résonance de l’expérience que nous faisons du « réel » de cette vie : voilà la contradiction qui nous écartèle. Le besoin de littérature naît de cette épreuve. Le but que la littérature poursuit est d’en traiter la cruauté en refusant le donné nommé pour former en langue quelque chose qui à la fois désigne l’inadéquation, à la fois la résorbe dans l’utopie d’une possible représentation – une représentation stricto sensu inouïe : à même de faire défaillir toutes les représentations déjà stabilisées.
Les auteurs dont je parle sont de ceux qui ont relevé le défi. Ils l’ont fait en tout cas à mes yeux. Bien sûr, je ne les ai lus qu’à partir de mes préoccupations d’écrivain. Elles en valent d’autres, ni plus ni moins. J’ai tenté de me rendre plus clairs les effets que les écrits de ces auteurs me faisaient. Cet effort a fait lever des questions : de quoi parlent ces oeuvres qui nous mènent « au bord de limites où toute compréhension se décompose » ? quel « réel » représentent-elles dans leurs étranges portées ? de quelle nature est la jouissance sidérée qu’elles provoquent en nous ? de quels outils disposons-nous, et quels autres devons-nous forger pour en déchiffrer les intentions ? en quoi ce déchiffrement peut-il nous aider à mieux évaluer ce dont on parle en fait quand on parle de littérature (l’ancienne comme la moderne et aussi bien la plus contemporaine) ? Publier une nouvelle version de La Langue et ses monstres, c’est supposer que ces questions restent pertinentes. Et qu’il n’est pas sans intérêt d’aller voir comment une Gertrude Stein, un Pasolini, un Khlebnikov, un Artaud, un Tarkos, les ont reconfigurées et nous ont proposé d’y répondre.
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Tout écrivain affronte une double exigence : celle de garder à la langue son pouvoir d’intervention (d’intervention “sociale”) et celle de faire résonner, comme “style”, l’excentricité absolue d’un être-en-proie-aux-signes. Une « écriture » est toujours peu ou prou une volonté de dialectiser cette contradiction entre langue « publique » et langue « privée ». L’effort littéraire de Pier-Paolo Pasolini m’apparaît tendu par un effort pathétique pour donner forme à cette dialectisation. C’est là sa force et son intérêt.
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La force de l’écriture de Gertrude Stein, c’est d’opérer ce détachement, de forcer à ce dédoublement schizoïde : le lecteur se lit lisant. Et, du coup, c’est une question de fond au fait de lire, au comment de la lecture. Stein force à se demander : qu’est-ce que lire ? Et qu’est-ce qui fait que lire, ici, ne marche pas, patine sur une surface, s’essouffle ? Quel spécifique effet de style, quelle propriété inouïe de « lalangue » force ici à ralentir, à s’affaisser ? De quel handicap souffre la lecture devant ce type de textes ? Et, plus direct : la lecture handicapée, qu’enseigne-t-elle à toute lecture ?
Les textes de Gertrude Stein ne répondent pas à de telles questions. Ils les rendent seulement perceptibles. Ils leur donnent une sorte de poids concret. Parce qu’ils serrent la vis à la lecture. Le serrage épaissit les jets, gèle le jeu. Lire ne dévore plus, mais mastique. […] C’est une sorte de glossolalie intellectuelle, les vocalises de la sophistique, une gymnastique syntaxique pour lecteur handicapé. Mais ce que ça force à remâcher, c’est la compétence anatomico-intellectuelle (la gestion du souffle et de l’intelligence) dont la lecture fait d’ordinaire sa règle non dite. Si ça bute, si ça perd sa vitesse, ça expose ce non-dit, ça dénude la relativité de la règle. Avec Stein, ce qui est joué, c’est le coup du débit asséché, le poissement des vitesses, l’obstruction aux logiques désincarnées, l’incorporation aux corps de la lecture, par enkystement fibreux, de la conscience de ses propres limites.
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Vidéo de Christian Prigent
Lecture de Arlette Farge : une création originale inspirée d'un livre sur les châtiments donnés aux enfants dans les collèges de Jésuites*.
Une série de créations littéraires originales inspirées par les collections de la BIS. Ce cycle est proposé par la Maison des écrivains et de la littérature (Mel) en partenariat avec la BIS. Un mois avant la restitution, l'écrivain est invité à choisir un élément dans les fonds de la BIS. Lors de la rencontre publique, « le livre en question » est dévoilé.
Saison 1 : Pierre Bergounioux (21 février 2017), Marianne Alphant (14 mars 2017), Arlette Farge (25 avril 2017), Eugène Durif (9 mai 2017).
Chaque saison donne lieu à la publication d'un livre aux éditions de la Sorbonne "Des écrivains à la bibliothèque de la Sorbonne": * saison 1 : Pierre Bergounioux, Marianne Alphant, Arlette Farge et Eugène Durif paru en septembre 2018. * saison 2 : Jacques Rebotier, Marie Cosnay, Claudine Galea et Fanny Taillandier, paru en septembre 2019. * saison 3 : Hubert Haddad, Line Amselem, Christian Prigent, Mona Ozouf, Laure Murat, publication prévue en septembre 2020
* Mémoires historiques sur l'orbilianisme et les correcteurs des Jésuites, avec la relation d'un meurtre tout à fait singulier, commis depuis peu dans un des collèges de Paris et quelques autres anecdotes etc.
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>Littérature des langues romanes. Littéraure française>Littératures des langues romanes. Littérature française>Littérature française : 1900- (214)
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