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EAN : 9782818017913
576 pages
P.O.L. (14/03/2013)
4.25/5   6 notes
Résumé :
Le jeune Chino descend dans un tableau de Goya. Les figures s'animent. Entre des lavandières au fond et deux jeunes filles sur la colline en face : 2 km, une demi-journée. Rencontres : copains, fillettes, saints guérisseurs, âmes en peines, vieilles tordues, chiens qui parlent, jardiniers ivrognes, champions idolâtrés. Formes : aquarelles de sites, blasons météo, chansons paillardes, dialogues socratiques, opérettes en kit, livrets de ballet, fabliaux, lais et mirli... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Un chef d'oeuvre, de langue, de ruse, d'inventivité et de joie complexe : une enfance à Saint-Brieuc transfigurée par Goya et bien d'autres facteurs.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2018/07/01/note-de-lecture-les-enfances-chino-christian-prigent/
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Mais sur les murs (slogans, citations) et dans les feuilles qu’imprime sur des ronéos nocturnes l’insurrection, un peu de poésie pointe aussi son nez (dès la fin du mois, la presse dite « bourgeoise » en publiera des anthologies, dithyrambiquement préfacées). Dépit, désolation, colère : c’est pour l’essentiel de la resucée de surréalisme libertaire, des aragonades tambourineuses, des niaiseries chansonnières, des poncifs humanistes, des refrains de patronage gauchiste. Vieilles images, rythmes usés, vers mollement « libre », zéro invention formelle. Le moins que l’on puisse dire, c’est que « l’imagination » n’y est pas « au pouvoir ». Chino s’énerve. Ça donne une chronique (elle paraîtra quelques mois plus tard dans la revue La Tour de Feu) finement intitulée : Lard poétique. Et ça affermit la conviction qu’il faut, en poésie, faire décidément autre chose, une fois ces tentations paresseuses (qu’on porte en soi) passées définitivement aux poubelles. Ça aboutira au programme théorique austère et aux essais d’écriture brutale de la revue TXT, lancée dans l’hiver qui va suivre et poursuivie 25 ans : « soyez réalistes, demandez l’impossible ! »



Entretemps, c’est fini, 30 juin, retour à l’ordre, croix de Lorraine, la parade des épouvantails gaullistes, Malraux et Debré bras dessus bras dessous en tête, sur les Champs Elysées. Plus de pavés : tous à la plage ! On cuve en slip des déboires, rumine des vengeances. Dans le rétro, un bon goût de défilés joyeux, de meetings tonitruants, d’intelligences ressuscitées, de promiscuités chaleureuses : la vision d’un autre monde possible. Parmi les mouettes, à l’horizon, rêveries d’actions. Bientôt l’orient re-rougira : quelques mois chez les « maoïstes ». Mais adieu le mouvement, l’effervescence mal nommable, sans guère de cadre ni but : revoici le sens, les noms (encartages, stratégies, programmes), fini le pur débordement insensé et fort de sa fragilité. Côté littérature, on pressent que les actions ne seront jamais plus que « restreintes ». Mais on calcule déjà, affûté par l’effort de lecture et de pensée, bardé d’Artaud, Bataille, Ponge, lesté de linguistique, de psychanalyse, de sémiotique, enfin désarrimé des fils à la patte post-surréalistes ou déclarativement « engagés », un nouveau type d’impact politico-littéraire.



Dans l’intervalle, Stein et Chino, début juin, « montent » à la capitale, comme en pèlerinage sur les vrais lieux (cf vraie croix) de l’action soixante-huitarde. Place Saint-Michel, des marrants ont déversé des paquets de lessive dans la fontaine. Ça déborde sur le pavement en paquets d’écume nébuleuse. C’est beau, ça vole, retient des irisations d’arc-en-ciel, se résout en flaques sur les dalles. De quoi re-virer poète paysagiste, locataire du sublime. Mais approche un flic orné des attributs de mai (casque et bidule à la ceinture), l’air non baisant, l’index comminatoire : « vous avez vu assez de mousse comme ça, circulez ! ». On circule. Adieu à la mousse, aux légèretés : rugueuse réalité, faut toujours l’étreindre, et filer doux.



PS : son beauf en juin
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vision 2 : papa en homme des bois
Premier tableau. La bouche a dit plop comme celle du poisson qui s’exprime en bulles. Le plop a figé en rond de cul de poule. Ce trou sent la fiente. Il s’ouvre entre crottes et plumes. Cette sertissure d’étrange apparence cerne une miniature métal et fourrure à plat silhouettée comme en Riches Heures et le regard file vers des ondes azur après les plumeaux fins plantés au contour du coteau. Un château filigrané tout juste esquissé pousse au loin des poivrières faites en fil de fer. Le gai laboureur, en bas, trace son sillon en collant sinople sous la barboteuse : c’est gai, c’est seyant. Ceux qui vivent là parlent en ancien. Ne t’étonne pas, toi qui tends l’oreille pour ouïr le conteur de ces fantaisies : dans la circulation du temps, les racines repoussent. Les langues dites mortes vivent à demeure au creux de chascun parler sous les souches. Et elles ressuscitent quand le lourd sommeil aux yeux sablonneux fait déribouler en ses basses-fosses le rêveur loquace.
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22/02 /2018

Bientôt mai.

1968/2018 : 50 !

Ça va commémorer.

Chino en mai : guère de faits d’arme. Surpris, comme tous. Embarqué par le flot, sans plus.

Juste avant : militantisme aux « Comités Viet Nam de base », actions contre l’interdiction de La Religieuse, le film de Jacques Rivette d’après Diderot, débats bistrotiers avec les Situationnistes rennais : savoir si le prochain tract s’intitulera « Toute la merde ! » ou « Rien que la merde ! » ou les deux.



Après un tour de piste en hypokhâgne (vite écœuré par l’insupportable esprit dit « de concours »), Chino est étudiant à la fac de lettres de Rennes, assoupie, putride. Peu présent aux amphis, abasourdi par la nullité obsolète des cours de littérature. Plutôt pilier de bars, assidu aux cinémas (westerns, burlesques américains) et graphomane nocturne (longs métrages de poèmes exaltés et furieux, façon beat generation). Pour la croûte : maître-auxiliaire à Fougères, collège cool. A des filles et fils de paysans ou d’employés aux derniers ateliers de la chaussure fougeraise, Chino « explique » (in situ, donc) Les Chouans.



A Fougères, nombreuses manifestation ouvrières depuis le début de l’année 68, suite à des fermetures d’usines. Le 10 mai : on défile à 5000 (appel CGT, CFDT, syndicats paysans et enseignants) contre la répression de la manifestation parisienne du 6. Au collège : grève, parlotes, électricité sur-jouée. Le collègue PCF râle contre l’anarchiste du 22 mars, le sieur Ben Condit (sic : l’inconscient antisémite dicte). Encaisse en salle des profs un « crapule stalinienne » très air du temps gaucho. « Vieux con », plus classique, va à un hispanisant cravaté qui a osé, avant le Général, « chienlit ». On manque de se boxer. Le corps professoral sermonne le « jeune collègue » malpoli. Bagarre pour que n’ait pas lieu l’annuelle Fête de la Jeunesse (« car la jeunesse, camarade, ces jours-ci, elle n’est pas à la fête : on la matraque »).



Le collège fougerais ferme. Suite de mai : Rennes. La jeune garde descend sur le goudron qui cache le pavé. Il fait beau, le flic est posé pas trop près dans un flou discrètement fumigène, c’est sympa : vive la révolution joyeuse et rapide ! L’action, on la vit surtout par procuration, via les crachotis radiophoniques : elle barricade, crame et saigne du front surtout à Paris.



Quand même : démangeaisons d’agit-prop. A la fac, avec le camarade Stein (« poète et paysan »), Chino fait à pleine voix son Maïakovski dans des amphis : on lit du Breton, du Césaire, du Péret, du Michaux, même du Sollers, pour des auditoires sceptiques mais polis, venus là, surtout, pour une pause entre deux manifs ou deux engueulades d’A.G. Peu importe : la poésie est allée aux masses, on a fait jouer la petite vis culturelle dans le grand mécanisme politique, le vers « rythme l’action », Rimbaud-Lénine-même-combat ! — etc.
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liste des fautifs
Qui ? Tous, qui ont fauté. Chapardeurs chassés. Déclassés total après le certif. Ex-tireurs de piafs. Jadis voleurs de pommes. Naguère galopins dénicheurs justement égartignés car tombés d’un poirier. Assassins de chats. Terreurs des clébards. Bourreaux du lapin. Tortureurs d’insectes. Arracheurs d’élytres. Trancheurs de lombrics. Écrabouilleurs de limaces. Équeuteurs d’orvets. Scindeurs de lézards. Pileurs d’escargots. Tortionnaires d’abeilles. Déplumeurs de merles. Amputeurs d’araignées. Démembreurs de guêpes. Gonfleurs de grenouilles pour les faire péter. Omeletteurs d’œufs. Enfumeurs de loirs. Essorilleurs de tout qui a des oreilles. Rôtisseurs de poissons rouges. Décapiteurs d’artichauts. Siffleurs de sureau. Artilleurs des pommes de pin. Enculeurs de mouches. Peigneurs de girafes. Fouteurs de rien. Pataugeurs en flaques. Patouilleurs de boues. Tireurs de cheveux de fillettes acides. Fourreurs des culottes des mêmes et ça glousse. Crameurs de meules. Désosseurs de bécanes. Tailleurs de bâtons pour rien faire avec. Saccageurs de jardins. Attilas des parterres. Saboteurs de cabanes à outils. Poilus de la paume. Maculés du museau. Nez sale. En friche de l’épi. Flottants de la liquette. Confiturés du menton. Croûteux du coin d’yeu. Mous de la chaussette. Gras au béret. Marbrés du cuisseau. Merdeux du fondement. Asticotés du gland. Tripoteurs de couilles. Mesureurs de bites. Jaugeurs de jets. Pisseurs sur les potes. Champions des glaviots. Testeurs de foutres. Écorchés toujours. Pustuleux chroniques. La gale aux jointures. Chiffonniers d’eux-mêmes. Traîne-savates. Doigts en éventail. Toujours en retard. Fumeurs dans les chiottes. Négociants en tubes piqués aux chantiers. Revendeurs de plomb de travaux publics. Trafiquants en cuivre. Cuisiniers de soupes à la crotte de bique. Pisseurs sur les tombes. Casseurs de vitres. Balanceurs de cailloux. Croche-patteurs d’ivrognes. Hueurs de bossus. Creveurs de pneus. Chieurs dans tous les coins. Buissonniers partout. Abreuvés toujours au sirop de rue. Chenapans. Sale graine. Malvax fix a putain. Engeance. Tous les rejetons de l’ignominie. Dont lui. Dont lui.
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La ville objective se poursuit hors champ sur le plan des sols. Si elle se propage à la vitesse de rotation du monde entre des glacis de landes, bocages, pâtures, jachères, gadoues, jardins ouvriers et Z.U.P., c’est incognito. On ne la voit pas s’étaler sans débander de ses limites à ses octrois entre son bornage tant topographique qu’administratif car Chino s’en tape comme du torchon qui épongea le sang de ses premières apparitions : il a trop à faire avec son nombril et ce qui se passe à ras de son nez pour s’intéresser à l’objectivité qui ne vit pour l’instant qu’idéalement comme ombres dans la grotte de l’Almanach des Postes.
Que disent ces spectres ? Préf. des C-d-N. Ch. l. d’arr. (17 cant., 121 comm.) [Briochins]. 22 quartiers. Superf. : 21,88 km2. Alt. : 134 m. Popul. : 37 670 hab. Blas. : d’azur au griffon d’or armé et lampassé de gueules. Cath. d’all. massive (XIVe/XVe). Anc. Évêché. Indus. aliment. Fabr. de chauffe-eau. Spéc. de brosserie. Pêche côt. et petit cabotage. L’or. de la v. rem. à un monastère fondé au Ve s. par un moine gallois. Trilingu. résiduel : franç. dom., restes de gallo, traces de breton. Clim. dominé par infl. marit. Tm : 11 °C. Temp. hivern. douces. Zone 9 de rusticité des plantes. Pers. cél. : Villiers de L’Isle-Adam (litt.), Glais-Bizoin (inv. timbre-poste), Rosengart (industr.), le douanier Tass (introd. de la patate av. Parmentier).
En plus Syndicat d’Initiative : cité gentille à perspectives charmantes avec collines molles et plateaux entaillés de gorges pittoresques ; jardin public orné d’allégories entre des célèbres en redingote de pierre ; vue sur mer derrière tour ruinée sur port souvent envasé ; baie horizontale où « Neptune s’en va faire boire ses chevaux aux prairies d’Albion » ; plages à cabanons à portée de foulée via deux viaducs audacieusement lancés. Quartiers z’huppés au centre, quartiers pourris aux bords, quartiers ouvriers derrière saignée SNCF qui coupe en deux l’espace, la société et les idées.
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Vidéo de Christian Prigent
Lecture de Arlette Farge : une création originale inspirée d'un livre sur les châtiments donnés aux enfants dans les collèges de Jésuites*.
Une série de créations littéraires originales inspirées par les collections de la BIS. Ce cycle est proposé par la Maison des écrivains et de la littérature (Mel) en partenariat avec la BIS. Un mois avant la restitution, l'écrivain est invité à choisir un élément dans les fonds de la BIS. Lors de la rencontre publique, « le livre en question » est dévoilé.
Saison 1 : Pierre Bergounioux (21 février 2017), Marianne Alphant (14 mars 2017), Arlette Farge (25 avril 2017), Eugène Durif (9 mai 2017).
Chaque saison donne lieu à la publication d'un livre aux éditions de la Sorbonne "Des écrivains à la bibliothèque de la Sorbonne": * saison 1 : Pierre Bergounioux, Marianne Alphant, Arlette Farge et Eugène Durif paru en septembre 2018. * saison 2 : Jacques Rebotier, Marie Cosnay, Claudine Galea et Fanny Taillandier, paru en septembre 2019. * saison 3 : Hubert Haddad, Line Amselem, Christian Prigent, Mona Ozouf, Laure Murat, publication prévue en septembre 2020
* Mémoires historiques sur l'orbilianisme et les correcteurs des Jésuites, avec la relation d'un meurtre tout à fait singulier, commis depuis peu dans un des collèges de Paris et quelques autres anecdotes etc.
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