Elle n’avait pas la moindre intention de se marier par dépit. Les coups de tête, ce n’était pas son genre. Elle tirerait un grand trait sur les années passées, sur les espoirs déçus, elle saurait ne pas s’attarder aux regrets. Le moyen le plus rapide d’oublier était le départ bien préférable à un mariage avec cet inconnu inflammable.
Elle jeta un bref regard à la robe brillante de la veille. Elle venait de décider que l’ère des sacrifices était close pour elle. Sauf pour sa mère, elle ne renoncerait plus à rien. Son cœur s’était durci, son âme s’était figée.
Je ne déteste pas les contes de fées,encore qu’à mon âge, ils aient un peu perdu de leur charme. Les métamorphoses spectaculaires des princesses ruinées, condamnées à gagner leur vie, me laissent sceptique.
Quand je vous ai vue pour la première fois tout à l'heure, dans ce costume qui fait pendant au mien, dans les portraits de deux êtres dont je ne connais pas l'histoire, mais qui se sont aimés, j'ai ressenti un choc. Lorsque vous avez enlevé votre masque, j'en ai éprouvé un second. Ce doit être ce qu'on appelle dans les romans le coup de foudre. Seulement, cela ne s'avoue pas, du moins pas tout de suite. Que dois-je faire à present ? J'ai grande envie de vous revoir : mais, si je me suis si mal conduit, peut-être allez-vous me renvoyer.
J'ai peine à croire à mon bonheur. Ce bonheur, je ne le laisserai pas fuir. Nous devons le sentir nôtre et nous ne donnerons rien, ni à personne le droit de l'attaquer.
A maintes reprises, elle avait lu des articles, des livres traitant de ce peuple singulier qui va de par le monde, que l’on désigne sous des vocables multiples : tziganes, bohémiens, romanichels, gitans, gipsies, selon les pays vers lesquels ils reviennent plus volontiers, qui s’assimilent peu ou mal, éternels errants, êtres mystérieux qui, même lorsqu’ils deviennent sédentaires, sont toujours en retrait des autres. Mélange d’orgueil et de crasse, d’astuce et d’ignorance, ils n’ont de leurs origines, de leur histoire, qu’une tradition orale. Ils ne possèdent rien, que les hardes ou les bijoux qu’ils portent et les roulottes misérables qui les abritent, les chevaux étiques qui les tirent. Les temps modernes les font parfois possesseurs de roulottes automobiles aux moteurs poussifs, qui bringuebalent au long des routes une marmaille chapardeuse, des femmes insolentes, diseuses de bonne aventure et prestes à cueillir une volaille, à lui tordre le cou, des hommes agressifs tressant des corbeilles ou martelant du fer. Ils sont cinq millions à travers le monde, épris de liberté, de musique, de danse, dont personne, pas même eux, ne sait où les conduira leur perpétuelle migration.
Il y a des silences et des regards qui sont bien plus éloquents que les plus brûlantes déclarations et il n'y eut entre eux aucune équivoque.
La carrière cinématographique semble d’un accès facile, mais elle est grande mangeuse d’hommes, de talents; les possibilités d’imposer son génie sont minces. Qui donnera sa chance à un débutant, même s’il fourmille de projets, alors qu’il faut investir des sommes énormes pour les réaliser ?
Quand la jeune fille devint-elle amoureuse ? Elle aurait été incapable de le dire : Jean-Paul ne faisait rien pour se montrer séduisant. Avec un égoïsme ingénu, il parlait de lui, de lui seul. Elle écoutait avidement ce grand garçon maigre au regard rêveur, aux souples mains qui esquissaient dans l’air des gestes, des attitudes, créait des images qu’il aurait voulu fixer.
Cynique parfois quand il retombait dans la réalité, il avait un sens poétique bouleversant, une voix qui caressait les mots avant de les grouper en phrases harmonieuses. Elle ne voyait plus alors le visage creux, la bouche trop mince, les dents irrégulières, la chevelure indisciplinée, le costume élimé sur un chandail à col roulé, pas très propre.
«J'aime tout de vous et même, je crois, vos défauts... si vous en avez !
Il voulait connaître ses pensées, ce qui avait fait son mince passé de jeune fille, le moindre de ses flirts. D'un mot incisif ou spirituel, il avait anéanti jusqu'au souvenir de ses camaraderies d'un été ou d'un soir de bal.
Rien ne vaut un cadre différent pour chasser la tristesse et l’amertume d’un échec. Ce qu’à petites étapes cette flânerie lui offrait chaque jour, au gré de sa fantaisie, de sa curiosité, de l’intérêt artistique qui la sollicitait, était sans cesse changeant.
Qu'importe ce qu'il y a eu avant nous !... D'ailleurs, avant vous, il ne pouvait rien y avoir.