Claudine Candat au micro de Greg Lamazères sur Télétoulouse
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Avancer à quatre pattes pour des bipèdes en âge de marcher sur leurs deux pieds était une torture pour le corps et pour l’âme.
Contraindre la deuxième en brisant le premier, tel était le but des nagusis. Si les muscles et les os avaient fini par s’adapter, les esprits souffraient et se révoltaient en silence. Mais à cet instant précis, c’est la soif qui prenait le pas sur toutes les douleurs.
Sagar fut le seul à ne pas s’étendre. Il s’assit contre un tronc d’arbre. Le tronc tenait davantage de la tige et l’arbre du buisson car, sous l’air sec, la terre rougeâtre ne pouvait produire produire que du maigre et du terne. Pourtant, le dos à moitié calé, Sagar rentra sa tête dans les genoux et chercha à s’assoupir. C’est ainsi qu’il dormait, jadis, contre le duvet tiède de son frère. Tout petit, sa mère ou son père le prenait sous l’aile et il éprouvait alors un sentiment de bien-être et de sécurité absolus.
Ma mère m'a rejeté jusqu'à son dernier souffle. A ma naissance, elle a catégoriquement refusé de me choisir un prénom. Nommer un enfant, c'est lui confier la clef du langage, c'est son baptême d'être humain. Donner un nom à un animal domestique, n'est-ce pas en quelque sorte 'humaniser ? Eh bien ma mère ne m'a pas accordé ce qu'on accorde à un chien.
- Un vieillard comme moi a plus de souvenirs que d'avenir, c'est pourquoi il a tendance à négliger le présent pour se réfugier dans le passé.
Le troupeau se traînait dans l’infâme poussière rouge qui bouchait les yeux et les narines. Soudain, l’avant-garde s’écroula sous les assauts d’un vent tourbillonnant et ceux qui suivaient trébuchèrent. L’instant d’après ils gisaient tous, front contre terre, les muscles agités de spasmes de souffrance.
— A quatre pattes, gogorkis ! hurla le nagusi de tête.
Un sifflement lacéra les murmures et les halètements. La lanière du fouet se frayait un chemin à travers l’air roussâtre. Des cris et des plaintes jaillirent du troupeau. Pourtant le cuir se gardait bien de mordre les chairs mais le souvenir cuisant des premiers châtiments demeurait si vivace qu’à lui seul il ravivait les douleurs et faisait lever l’odeur fade des pelages poissés de sang.
Je n’aurai pour compter
Que mes dix doigts
Mais on ne compte pas les boutons de rose
Ni les perles de rosée
Ni le sable des plages.
D’ailleurs, d’ici que j’arrive,
J’aurai désappris à compter
Mais appris tant d’autres choses
Prête-moi ta plume, vent de l’aventure,
Ta plume qui trempe dans l’eau des torrents,
Prête-moi ta plume pour graver ton nom
Sur tous les bétons des villes sans arbres,
Sur tous les goudrons des routes sans âme.
Prête-moi ta plume, vent de l’aventure,
Avant que torrent ne soit plus qu’égout,
Avant que la terre ne soit que poussière.
Cette rêverie me fait mal.
Je rêve,
Mon opium est dans mon cœur,
Je rêve,
Le bonheur vient et s’efface…
Toi qui me cries sois heureuse,
Mon cœur qui ne peut pas l’être,
Printemps, tu as perdu la partie,
Je suis un éternel automne.
Et l’horizon tremblant,
Un fil de fer que les mouettes font vibrer
Quand elles le frôlent de leurs ailes,
Un fil de fer où la brume se suspend comme un linge mouillé,
Une frontière, une fenêtre sur le ciel et la mer.
Certains se lèvent tôt pour aller au bureau,
À l’usine, à l’école ou bien sur un chantier.
Toi qui n’as jamais sué à l’ombre d’un métier
Tu te lèves pourtant à l’heure du travail
Car le premier rayon est l’aube d’un tableau
Qui ne te laissera jamais plus en repos.
Tu affûtes tes pinceaux sur les pierres des songes,
Tes univers s’enroulent aux crinières des rêves,
Mais que c’est dur parfois d’être trop à l’avance
Ou d’être demeuré au plus pur de l’enfance !