Nous sentons bien, qu'au-delà de la transformation du livre, [...] , transparaît un dessein d'une tout autre portée qui devrait alerter beaucoup de gens s'ils en prenaient conscience. Nous voulons parler du contrôle des populations. [...] En ne permettant qu'à quelques productions promues par la publicité d'être visibles et en démantelant les réseaux à travers lesquels celles qui ne s'adressaient pas au plus grand nombre parvenaient à exister, on aboutit, forcément, à une raréfaction et à une uniformisation de l'offre. En d'autres termes, ce qui n'est pas destiné à "tout le monde" n'aura plus qu'une survivance clandestine, sans danger pour la suprématie des quelques groupes qui détiendront le marché et téléguideront le choix des lecteurs.
Le processus (promouvoir et vendre des fichiers numériques consultables sur livre électronique) est en marche, s'installe déjà dans le monde anglo-saxon, sans qu'on évoque le coût de cette apparente économie. Bonjour aux déchets des livres électroniques obsolètes car on ne cessera de nous proposer de nouvelles versions qui délivreront son, images, films, version juxtalinéaire, ou que sais-je encore, moyennant finance s'entend, à moins que nous n'acceptions des publicités ciblées sur nos goûts et nos intérêts.
Chacun doit porter sa croix sans nuire à son prochain.
N'oublions jamais que tous les mouvements importants, tant littéraires qu'artistiques, ont été forgés par une poignée d'individus dans les arrière-salles de bistrots ou dans les pissotières et qu'il est dérisoire de s'imaginer que ce qui est signifiant ne croît pas d'abord dans l'ombre avant d'accéder à la lumière. La grande illusion de notre époque est de faire croire que la performance des outils comblera l'indigence de la pensée. Je reste intimement convaincue que trois ou quatre personnes, qui mènent un combat pour faire connaître un livre dont elles pensent avec force qu'il est un chef-d'œuvre, parviendront à leurs fins.