Depuis que je l’avais rencontré, j’avais côtoyé différentes facettes de Jonathan et mon instinct avait fini par me souffler que Claire était dans le vrai. Quelque chose dans son passé, ou son présent, l’incitait à me prendre pour cible. Il se cachait derrière son business, comme il disait, pour dissimuler ses vraies raisons. J’avais également beaucoup réfléchi et tenté d’analyser mes propres sentiments, pourquoi mes réactions envers lui étaient aussi épidermiques. J’en étais arrivée à la conclusion que, peut-être, avant qu’il ne se transforme en odieux connard au Maroc, je sois en train de tomber amoureuse de lui. Le fait qu’il soit un acteur actif de mon expulsion n’était que la partie visible de mon iceberg émotionnel. Je ne pouvais pas nier que depuis le début, et malgré tout, il me plaisait. Même mon corps trahissait ce que mon cerveau refusait d’admettre. De son côté, j’espérais que le rentre-dedans peu subtil qu’il me faisait traduisait autre chose qu’un profond niveau de masochisme.
- Salut étrangère, lâcha-t-il. Café ?
Il me tendit un gobelet muni d'un couvercle.
- Je me suis permis de prendre les devants, commenta-t-il. Aspartam et nuage de lait végétal ?
J'étais sur le cul. Méfiante, je le saisis.
- Ouais... Comment as-tu deviné ?
Il s'approcha de moi en scrutant partout autour de nous, comme s'il ne voulait pas qu'on l'entende. Il mit sa main devant sa bouche pour la cacher et me chuchota :
- Ne le dis à personne, mais j'ai un sixième sens.
- OK...
Il se redressa et ricana.
- Non, en vrai, j'ai demandé à la serveuse ce que prendrait une fille dans ton genre.
- Précise ta pensée, c'est quoi mon genre ? m'offusquais-je.
- Athlétique, jolie, arborant un petit air pimbêche destiné à camoufler sa véritable personnalité.
- M'insulter n'est pas une excellente entrée en matière, mon pote.
- Je plaisante, elle a assisté à notre percutante rencontre et m'a rattrapé.
Elle voulait s'assurer que nous étions entiers, et je l'ai cuisinée à ta sujet.
Avec lui, j'avançais de surprise en surprise. Je regardais le gobelet et constatai qu'il venait du café où j'avais mes quartiers.
- Tu es flippant, affirmai-je.
- Tu sais quoi, Tango Charlie ?
D'où sortait-il cet étrange surnom ?
- Je pense que ces vacances vont être passionnantes, répondit-il en cognant son verre en carton contre le mien pour trinquer.
- On dirait bien, murmurai-je sans le lâcher des yeux, alors qu'il fixait de nouveau l'océan.
Je devrais me défendre avec mes armes. Je me sentais comme la fronde de David, visant le front de Goliath pour l’abattre. Parfois, un simple grain de sable dans un engrenage bien huilé suffisait à le briser. Je serais ce grain, voire un gros caillou, et le premier à me recevoir entre les yeux serait ce pourri de Jonathan Granger. Je lui ferais bouffer sa cravate en même temps que son arrogance…
Notre étreinte était passionnée, désespérée et sonnait funestement comme un adieu. Nous nous nourrissions l’un de l’autre, pétrissions chaque centimètre carré de nos corps enfiévrés et continuâmes jusqu’à ce que contracter un muscle, respirer ne devienne trop difficile, voire surhumain. Nous nous écroulâmes, blottis l’un contre l’autre.
- Salut ! me dit-il en ouvrant la porte d’entrée, comme s’il était chez lui.
Je ne levai pas les yeux du livre dans lequel j’étais plongée.
- Ça t’arrive de sonner aux portes ?
- Quel accueil ! Bonjour à toi aussi, princesse.
- Et si je n’avais pas été seule, ou à poil. Ou les deux tiens ? Tu te crois chez toi ou quoi ?
- Premièrement, je n’ai senti personne d’autre de présent à part toi. Deuxièmement, je t’ai déjà vue sans vêtements, donc je te rassure, je ne me serais pas offusqué pour si peu, et troisièmement, si tu n’avais pas été seule et de surcroît, sans vêtements, tes charmantes courbes auraient été la dernière chose que ce type aurait vue avant de mourir.
J’étais outrée.
- Tu es un gros pignouf arrogant et prétentieux, lui dis-je calmement.
Considérant l'attitude hautement inflammable de Voisin, j'en conclus qu'il avait entrepris une mission séduction qu'il risquait bien de réussir. Je n'étais pas du genre à craquer facilement pour un homme, mais celui-ci était à part. J'avais le sentiment qu'au-delà de ma volonté, une connexion chimique s'établissait entre nous. Lui, moi, nous, cela me paraissait logique. Normal. Le repas achevé, fourbu, chacun d'entre nous rejoignit sa chambre éphémère. La journée avait été longue, riche en émotions. Une bonne nuit de sommeil ne serait pas du luxe pour reprendre des forces.
Dans le cas contraire, j'avais un mois pour plier bagages et animaux. C'était physiquement, économiquement et émotionnellement impossible. Je m'y refusais. Je devais me défendre avec mes armes. Je me sentais comme la fronde de David, visant le front de Goliath pour l'abattre. Parfois, un simple grain de sable dans un engrenage bien huilé suffisait à le briser. Je serais ce grain, voire un gros caillou, et le premier à me recevoir entre les yeux serait ce ... .... Je lui ferais bouffer sa cravate en même temps que son arrogance...
"Notre étreinte était passionnée, désespérée et sonnait funestement comme un adieu. Nous nous nourrissions l'un de l'autre, pétrissions chaque centimètre carré de nos corps enfiévrés."
— Es-tu certaine que je ne te fais aucun effet ?
Son souffle chaud me caressait le visage et il ne faudrait pas grand-chose pour que nos lèvres se touchent. Il s’avança encore.
— Parce que – il plaça ses paumes sur mes hanches et je me raidis – mon petit doigt me souffle que ce n’est pas le cas.
Je déglutis avec difficulté.
— Ne sois pas si dur. La taille ne compte pas.
Cette fois, ce fut lui qui tressaillit. Il soupira et émit un râle rauque.
À vingt-sept ans, je pouvais fièrement clamer que j’avais réussi. J’avais tout ce que je désirais dans la vie. Cependant, si quelqu’un demandait leur avis à Celia ou à ma mère, elles répondraient probablement qu’il était scandaleux et anormal que je sois encore célibataire. D’ailleurs, je préférai largement le terme « célibattante ». Je me débrouillais très bien sans homme et surtout, je n’avais pas le temps de m’occuper d’un mec. Ou plutôt, je n’en avais pas envie.