(Conclusion)
Je le vois comme un enfant, tantôt sensible et charmeur, volubile, séduisant avec ses théories impossibles, ses lectures érudites et ses utopies, tantôt comme un homme meurtri, isolé, replié sur sa solitude, ses cauchemars et ses fièvres. Il reste pour moi « l’Inconsolé », qu’il a mis en scène dans « El Desdichado ». Pourtant cet homme au sourire triste, qui n’a jamais trouvé le repos, voire le Salut, cet enfant que l’on voudrait bercer, est pareillement celui qui invente des berceuses magiques pour apaiser les angoisses, celui qui console, quand la nuit est trop noire à traverser. Si bien que la figure de style qui réunit deux termes antithétiques, l’oxymore, est l’emblème des contradictions de la personne privée et de l’œuvre publique. Le « Soleil noir de la Mélancolie » du même sonnet des Chimères rend compte de cette dualité toute romantique : ces antinomies ne sont pas dépassées, mais maintenues vives. Le soleil est lumineux et pourtant sombre, la mélancolie est déréliction, maladie mentale, et par un retournement volontaire, elle déclenche l’écriture, elle en est la source. Le soleil refuse la nuit et l’intègre, la folie rebute la raison et lui donne valeur. Ce qui égare dans le noir est aussi ce qui permet de se retrouver, ce qui inflige la blessure est aussi ce qui guérit.
Hantée par les déchirures, l’œuvre nervalienne se présente telle une rhapsodie de souvenirs et de lectures en écho. La voix du poète se nourrit d’une culture qui emprunte autant aux mythes de l’humanité qu’à des écrivains perçus comme frères, à des œuvres tenues pour jumelles. La quête d’une histoire intime trouée devient réflexion sur l’homme romantique, évocation de l’enfance des peuples, dont le miroir oblique sert de cadre à une autobiographie rêvée. Nerval rencontre dans la parole de l’autre (philosophe, penseur, idéologue, romancier, dramaturge, poète) les mots de son intériorité, reconfigurant des scènes ou des images primitives, en des réécritures qui réinventent la vie d’un artiste « brodé sur toutes les coutures ». (4ème de couverture)
Chaque nuit, je suis réveillée par le souvenir qui toujours plus vivement m'appelle hors de ce monde.
Sanctuaire nocturne, la poésie est Nuit, nous confrontant à l'inconnu, pour mieux ouvrir les yeux sur le réel...
J'écris dans le silence de la nuit qui m'a bien des fois enseigné que la réalité superficielle ne saurait combler l'esprit et qu'il existe une sorte de réalité secrète dans l'univers, plus profonde et plus précieuse que tout ce qui fait du bruit dans l'Histoire.
12 janvier 1796
Par son art de la fugue, Douve se donne comme interrogation orphique de la destinée humaine. La traversée de la mort magnifie la poésie comme chant élégiaque de voix envoûtantes — vive avancée au noir de la nuit intérieure.
(4ème de couverture par l'auteur de l'essai)