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Citations de Damien Personnaz (19)


Voyager c'est voir le monde tel qu'il est et non pas comme on voudrait qu'il soit. Pourtant, je n'ai fait que passer. D'abord en touriste, en voyageur, en dilettante curieux et las d'une Europe flapie, continent sur lequel j'avais vécu une trentaine d'années routinières faites de réussites et d'échecs, et dont je ne savais plus grand-chose à force de trop la connaître. Ensuite en humanitaire, pour des institutions internationales. Là, les termes de référence étaient toujours les mêmes : témoigner des résultats de la folie meurtrière des hommes, de leurs souffrances, mettre un corps, un visage et une âme sur des chiffres abscons totalisant des victimes pas toujours innocentes. La réalité est complexe. Ce constat alimente la confusion. Les écrits et les images trompent facilement.
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C'est une maison. Enfin, une maisonnette que je partage avec personne. Le matelas suinte de crasse, les toilettes vrombissent de mouches, la pièce unique en terre battue sent le graillon. Elle est à proximité de mon cher torrent que l'on entend mugir. Ca me va, marché conclu.
J'ai faim. Le seul restaurant n'a de restaurant que le fait qu'on y sert exclusivement de la chèvre rôtie qui a du crapahuter dans le Karakorum pendant des mois. Et du riz fade aussi, que je m'enfourne avec les doigts moyennant quelques roupies. Le tchaï (thé) est offert par la maison. En fait de maison, c'est une planche abritée par quelques tôles où se tapissent des chats affamés. Des chiens s'agglutinent à distance des convives - encore des hommes - qui les chassent régulièrement en faisant mine de leur lancer des cailloux. Le repas se prend en silence, les yeux d'aigle se taisent et me toisent, les chats miaulent, les chiens guettent la miette perdue.
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Vivant à cheval sur quatre pays - Turquie, Iran, Irak, Syrie - et peu connus pour leur politique de la dentelle, les Kurdes ont morflé tout en faisant morfler les autres. Je suis un Occidental vivant dans un pays neutre et j'ai honte. Face aux journalistes, j'élude les questions du style "qui a tort? qui a raison?" et me borne à ânonner les messages humanitaires défraîchis : populations civiles qui tombent comme des mouches sous les rigueurs d'une fin d'hiver particulièrement mordante surtout lorsqu'on dort sans abri par - 10°C à deux mille mètres d'altitude, sans nourriture, coincés à la frontière de deux pays qui ne veulent pas de vous. Je suis payé pour ça. Mais j'ai honte quand même.
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La journée se déroule dans les camps. J'aurais voulu rencontrer en personne la Présidente ad interim de la Croix-Rouge du Libéria pour lui refourguer le fric. Pas disponible, m'indique ma guide. Demain alors? Réponse évasive. Elle ne sait pas, peut-être. Je continue ma tâche en interviewant des personnes déplacées et en prenant des photos. Les gamins, hilares, s'agglutinent autour de moi. Dans les camps de réfugiés à travers le monde, il y a toujours des enfants joyeux qui s'agglutinent autour du photographe, lequel essaie de leur faire prendre des mines sombres pour mieux illustrer le propos de l'urgence humanitaire. Peine perdue, les enfants s'esclaffent, se poussent entre eux, prennent des poses en se dandinant comme des clowns, hurlent et rient de plus belle. Cela prend du temps de fixer sur la pellicule une réalité paradoxale dont le but est de susciter la compassion, la décision et l'action. Ils me suivent partout même quand je veux pisser. Les femmes n'aiment pas que je les prenne en photo. Elles ne se trouvent jamais assez bien habillées; il n'est donc pas question d'afficher leur désarroi devant l'étranger.
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Des carcasses de chars abandonnés parsèment la route du retour vers Asmara. Comme dans "Un taxi pour Tobrouk", on pourrait faire cuire un oeuf sur le capot chauffé à blanc par le soleil du désert. Une charogne de dromadaire sèche dans un coin, encerclée par des vautours à l'oeil torve et des millions de mouches vrombissantes. La fournaise s'est infiltrée dans la voiture.
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Partir, en ces temps-là, signifiait l'isolement. Pas d'internet, pas de mails, pas de réseaux sociaux et un téléphone hors de prix dès que l'on quittait son indicatif interurbain. Mais comme le pèlerin qui revient de Compostelle, j'ai trouvé ma voie. Cent soixante jours à côtoyer l'injustice, plus cent soixante jours à me colleter avec moi-même, le pouce levé dans la solitude des carrefours, ont engendré la décision de toute une vie : celle de voyager et d'aider. Dorénavant, mon existence allait s'articuler autour de ces deux verbes du premier groupe.
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Le Libéria est en pleine guerre civile depuis trois ans. Le conflit a provoqué la mort de 150 000 personnes et a poussé la quasi-totalité des habitants à fuir dans les pays voisins ou à errer à l'intérieur des frontières. Les troupes de Charles Taylor piétinent aux portes de Monrovia. La situation s'enlise devant la multiplication des affrontements sanglants entre chefs rivaux et la désintégration totale de l'appareil d'Etat.
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Franchement, je voulais dénicher un pays insolite, voilà tout, et remplacer une existence en dents de lait par de l'aventure et de l'adrénaline. (P. 20)
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Le type en face de moi concentre en lui le parfait cliché du Blanc sud-africain : short beige, chemise beige, chaussettes beiges, visage gras et rougeaud, oeil bovin. Le plouc du bush, mais parfaitement au courant de son rôle de défenseur de la loi et de champion d'un système parfaitement huilé.
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Ces histoires, vécues entre 1979 et 1997, sont-elles obsolètes?
Depuis quelques années, des effluves du passé chatouillent mes narines et ressurgissent comme des odeurs lancinantes de tuyauterie. Est-ce la malédiction de la cinquantaine, cette décennie où l'on s'aperçoit qu'il n'y a plus de temps à perdre à mesure que s'installent les rides, le gras et les amertumes?
Chaque fois, durant dix-huit ans, le départ vers l'aéroport mêlait jubilation et boule au ventre. Partir seul au Libéria, au Rwanda, en Angola - ces pays de l'urgence silencieuse - me tordait les boyaux. Vouloir prouver aux autres, et à soi-même, que l'on vaut quelque chose motivait inconsciemment ces départs. Chaque voyage constituait une petite victoire; il transformait le gars naïf et hardi que j'étais, souple dans ses déplacements mais un peu raide dans ses convictions, en un homme tempéré, plus nuancé dans ses propos.
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Franchement, je voulais dénicher un pays insolite, voilà tout, et remplacer une existence en dents de lait par de l'aventure et de l'adrénaline. (P. 20)
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Voyager, c'est voir le monde tel qu'il est et non pas comme on voudrait qu'il soit.
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Je vois, capte, digère leur désespoir. On attend de moi de le régurgiter aux conférences de presse, à des journalistes de salon installés au siège de l'ONU, de leur donner des mots comme "urgence absolue", "détresse poignante de ceux qui ont tout perdu", "cauchemar humanitaire", etc. Eux voudront des faits, des chiffres, je dispose de quelques faits, je croule sous le poids des phrases essayant en vain de transcrire l'enfer. Il s'agit d'alerter les médias en décrivant l'urgence. Il s'agit également de rassurer les potentiels donateurs : l'organisation sait ce qu'elle fait et leur argent sera correctement utilisé. L'un n'empêche pas l'autre mais la frontière entre l'exclamation et le ton diplomatique reste ténue. Je mesure le poids de mon impuissance et l'inutilité de ma petite personne. (p.126/127)
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... elles sont parfois passées maitres dans l'art de geindre ou de manipuler les bons sentiments ou la mauvaise conscience de ceux qui sont censés leur porter secours. La surenchère joue aussi son rôle : on est moins enclin à aider une victime qui se tait qu'une victime qui se lamente haut et fort. Par ailleurs, un opprimé peut passer rapidement dans le camp des bourreaux. Constat qui dérange mais constat quand même. Il faut aider, bien sûr, mais n'être pas dupe. (p.15)
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Il existe par le monde des noms évocateurs chargés d'arômes qui titillent agréablement les sens de l'intrépide et du rêveur : Zanzibar, Samarkand, Aden, Malacca (plutôt que Rimini, Porrentruy ou Miami). L'Abyssinie tient le haut de son podium : je songe aux caravanes de la reine de Saba, aux fièvres hallucinatoires de Rimbaud, aux contrebandes de Monfreid, aux dromadaires des tribus Afar ou au trafic d'esclaves, ces derniers ayant octroyé des services très domestiques à des quantités d'Abdallah de la péninsule arabique.
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Le Pakistan ne m'est pas sympathique. Base arrière des fanatiques enturbannés qui prêchent Allah une kalachnikov à la main, gouvernement ambigu et corruptible dirigé par une élite frelatée que l'on retrouve dans tous les recoins de l'ONU, femmes brûlées à l'acide pour expier un "crime d'honneur", enfants trimant dans des briqueteries, sans oublier la surpopulation, la saleté endémique et la xénophobie. Non, décidément, le pays est à placer sur la liste des endroits à éviter. En résumé, un territoire malsain rempli de quidams engorgés de testostérone, d'abrutis aux yeux injectés de sperme et de femmes fantômes opprimées sous leur burka.
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En 1980, le Pakistan est déjà un pays pourri et j'en ai ma claque.
Juché sur le toit d'un bus multicolore qui fait halte à la gare routière de Muzzafarabad, cette réflexion amère me paraît sur le moment une vérité absolue. C'est le ramadan et, déshydraté, je bois en catimini une lampée d'eau tiède planquée dans ma besace. On ne boit pas entre le lever et le coucher du soleil sinon c'est la lapidation. Mais le soleil tape dur, la sueur dégouline de partout et les sièges en bois ont transformé mon derrière en pâte de curry. Je meurs de soif, et du haut de mon toit et de mes vingt-deux ans, je les emmerde. Mais c'est sans compter sur un trop-plein-de-testostérone qui me surprend et me lance une pierre qui m'entaille le mollet. Je couine de douleur et étouffe un juron, le bon sens me soufflant que je n'aurai pas le dernier mot. Sale pays.
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Mais oui, j'ai véritablement adoré ma "mission" au milieu de ces jeunes tueurs, ces coupeurs de routes, ces estropiés. Le mythe du Blanc éclairé, hyperactif et l'air soucieux, qui sauve les pauvres du monde, a la vie dure. La vérité, c'est ce que ce bon Blanc prend son pied. Il n'est certes pas insensible à la souffrance des autres mais d'abord, il prend son pied
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Il y a peu, je suis devenu à la fois père et orphelin. En trois ans, mes parents se sont rejoints dans un cimetière de campagne. Dorénavant, ces deux sémaphores n'éclairent plus mon existence. Depuis, mon chagrin semble dérisoire comparé à tous les autres, mais c'est le mien et j'y tiens
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