Citations de Daniel Bensaïd (55)
Le droit au blasphème est un droit imprescriptible.
Dans "Qu'est-ce que la France" d'Alain Finkielkraut
... il nous reste la force irréductible de l'indignation, qui est l'exacte contraire de l'habitude et de la résignation. Même lorsqu'on ignore encore ce que pourrait être la justice du juste, il reste la dignité de l'indignation et l'inconditionnel refus de l'injustice.
L'indignation est un commencement. Une manière de se lever et de se mettre en route. On s'indigne, on s'insurge, et puis on voit. On s'indigne passionnément, avant même de trouver les raisons de cette passion. On pose les principes avant de connaître la règle à calculer les intérêts et les opportunités : "Puisses-tu être froid ou chaud, mais puisque tu es tiède, et ni froid, ni chaud, je te vomirai de ma bouche".
La dialectique des forces productives et des rapports de production éclaire le développement historique. Mais les concepts n'epuisent pas la réalité. Marx rappelle fortement les "limites" de cette dialectique qui "ne supprime pas les différences réelles". Car la nécessité explicative n'abolit pas le hasard, et le "comment" de l'histoire renvoie "nécessairement" à l'aléatoire des luttes.
Le présent se joue toujours sous ces travestissement et ces défroques d'un autre âge, sous des noms d'emprunt, avec des mots puisés à la langue maternelle, jusqu'à maîtriser enfin la nouvelle langue au point de pouvoir oublier la langue originelle. Loin de s'effacer dans sons sillage, la passe continue à hanter le présent. La politique est très exactement le point de rencontre entre ces temps désaccordés.
Pas plus que la République, les victimes ne forment une entité "une et indivisible". Elles ont leurs différences, leurs contradictions et leurs conflits intimes.
A défaut de droits sociaux, de légitimité démocratique, de consistance politique, l'Europe charnelle aurait donc une âme chrétienne, juste un supplément d'âme, un zeste, une lichette de moutarde divine pour relever un fade ectoplasme financier et monétaire.
Le voile islamique montre plus qu'il ne cache. Révélateur de frustrations nationales, il cristallise l'hystérie collective d'une puissance déclinante cramponnée à ses rêves et ses splendeurs défuntes.
Lorsque la désintégration sociale et la division du travail réduisent l'individu à cet "homme entre mille" , dont parlait Bataille, on peut être tenté de chercher le réconfort de communautés fusionnelles, et préfèrer la prière à la pensée. Les fondamentalismes ne sont que la forme exacerbée de ces refuges identitaires.
Les lendemains, chantants ou non, ne sont pas prévisibles avec exactitude, mais les tendances du présent déchiré, lacéré de contradictions et blessé de sourdes menaces, ne sont pas pour autant inintelligibles et indéchiffrables. Renoncer aux prédictions hasardeuses n’annule pas l’impératif de changer l’ordre existant. Là où persiste le conflit, demeure aussi le choix, la décision, le risque raisonné entre plusieurs issues, et l’obligation inéluctable d’agir.
La politique… conserve une fonction d’orientation dans un jeu de possibles actualisables. Elle a pour tâche d’inventer un futur sans fin prédéterminée, '' à portée de présent''
Dans la crise révolutionnaire, plusieurs temps se mêlent et se combinent (..). L’art du mot d’ordre est un art de la conjoncture. Telle consigne, valable hier, ne l’est plus aujourd’hui, mais le redeviendra demain(…). Mais qu’en est-il au juste de la crise ? Lénine n’en donne pas une définition précise. Il énumère plutôt ses conditions algébriques générales : quand ceux d’en haut ne peuvent plus …; quand ceux d’en bas ne veulent plus… ; quand ceux du milieu hésitent et peuvent basculer.. . Les trois conditions sont indissociables et combinées. Il s’agit alors, non d’un mouvement social qui s’approfondit, mais spécifiquement d’une crise de la domination, une crise d’ensemble des rapports sociaux…
La ''révolution permanente'' rassemble en une seule formule algébrique trois registres temporels : celui du passage brusque de la révolution démocratique à la révolution sociale ; celui du passage prolongé de la révolution politique (changement du pouvoir) à la révolution culturelle (transformation des mœurs) ; celui du passage de la révolution nationale à la révolution mondiale.
…la politique n’est pas la traduction d’un récit historique écrit à l’avance, elle est un moment de décision entre différentes possibilités présentes dans une situation donnée.
D’ailleurs, lorsqu’on s’interroge sur l’actualité de la lutte des classes, on met essentiellement en doute l’existence du « prolétariat » ou d’une classe ouvrière. On ne semble guère se demander, en revanche, si la bourgeoisie a disparu !
Dans l’ordre de l’engagement, la seule question qui vaille d’être posée est de savoir si l’ordre établi est humainement tolérable ou s’il est nécessaire de le changer. ''Même si tu n’es pas sûr d’y parvenir, agis en sorte que le nécessaire devienne possible'', telle pourrait être la maxime laïque de la politique révolutionnaire.
A l'automne 1989, le mur de Berlin est tombé dans un grand fracas historique. Champagne et Alka-Seltzer ! Champagne, pour célébrer la mort d'un cadavre dont la décomposition corrompait depuis longtemps l'atmosphère. Alka-Seltzer, parce que les gravats du mur ne nous épargneraient pas. Bien qu'ayant combattu dès la première heure le stalinisme et ses avatars, nous ne sortirions pas indemnes d'une défaite historique du mouvement ouvrier et de ses grandes espérances. Qui peut encore croire que l'Histoire , tel Saint Louis sous son chêne, finira par rendre justice ?
Dans la rencontre amoureuse des regards, dans la fulgurance de l’événement, l’infiniment petit domine l’infiniment grand.
L’éphémère capture l’éternité.
Dans le travail pour l’incertain la seule règle consiste à prendre le parti de l’opprimé.
Les classes n’étant pas des choses mais des rapports, elles se manifestent dans le conflit qui les façonne
L’époque n’est pas aux effusions sans frontières du cosmopolitisme humanitaire. Elle n’est pas à l’homogénéisation spatiale du marché mondial mais à une production hiérarchisée des espaces et des territoires au profit des plus forts et des mieux armés