Le fameux débarquement, celui que j’ai lu à travers les livres, vu à travers des films. Ce n’est rien, comparé aux personnes qui me font face. Je vois toute la détresse, la vie qui a quitté le visage de la plupart. Ils sont déjà morts et ils le savent. L’espoir d’un retour au pays reste encore dans l’esprit de certains. Je sais que beaucoup pensent qu’ils rentreront pour Noël, célébrer la fin de la guerre, mais il n’en est rien.
La guerre, ce mot ne sonnera plus jamais pareil à mon oreille. Avant de partir, dès qu’on parlait de celle-ci, je pensais directement à bravoure, patrie, courage. Aujourd’hui, ce ne sont plus les premiers mots qui me viennent en tête. Dorénavant, j’assimile la guerre à destruction, mort, tristesse, folie.
Pourquoi se battent-ils ? Si seulement ils savaient que dans mon époque la France est presque la meilleure amie de l’Allemagne. C’était il n’y a même pas cent ans et pourtant je me sens totalement déconnectée.
Rien n’est comparable, les habits, les mentalités, la guerre, la famine. Tout est si dur ici. On ne mesure pas la chance que nous avons. De l’héritage que nous avons eu, au prix de nombreux sacrifices.
Personne ne peut se préparer à une guerre. Je ne me rends pas encore compte de ce que ça implique. Mon cerveau refuse d’enregistrer qu’il y a de faibles chances que Bobby et moi sortions vivants de ce pays. Je devrais me convaincre immédiatement du fait que je suis déjà mort, mais comment avancer avec de telles idées ?
Alors c'est ça, l'amour, le vrai ? Celui que je voyais dans les films à l'eau de rose. Je souhaiterais qu'il vive même si cela implique que je doive disparaître de sa vie.
S’il savait ce que j’ai ressenti pendant chaque seconde loin de lui. S’il pouvait comprendre que je ne pensais qu’à lui, qu’à l’instant où je le retrouverai. Que la seule motivation pour me lever était de tout faire pour lui sauver la vie.
Des soldats qui riaient avec moi ce matin et qui gisent au sol, les yeux ouverts et le corps lacéré. C’est donc ça, la guerre, celle qui ne fait que commencer.
Nos corps entrent en fusion, les obus peuvent bien pleuvoir, la terre peut bien trembler, rien ne m’empêchera d’aimer cette femme. Nous faisons l’amour passionnément dans un trou, recouvert par une simple toile de jute où le froid est bien présent, où les balles fusent dans tous les sens.
On m’avait parlé de la bataille des Ardennes, des difficultés physiques et psychologiques que les soldats avaient endurées. Même dans mes cauchemars les plus sombres, jamais je n’aurais pu imaginer assister à pareille horreur.
Quand on pense que c’est fini, en voilà une autre qui pointe le bout de son nez, comme si l’humain n’était pas capable de comprendre les erreurs du passé. Mon petit doigt me dit que ça ne sera pas non plus la dernière.