Certes, les humains, dans leur unité biologique, sont caractérisés par leur diversité culturelle. Il nous faut bien un concept apte à décrire la multiplicité des langues et des histoires de ces différents groupements. Mais, à l'ère de la globalisation et des flux transnationaux, il est problématique de parler de cultures, au sens d'entités clairement délimitées, d'unités aux contours bien définis et attachées à un territoire et une langue bien spécifiques. L'heure n'est-elle pas aux mouvements des individus, des objets et des idées, à la construction d'ensembles plus vastes, un mélange de populations et d'échanges incessants que cette étroite notion de "culture" est peu à même de présenter? Si le sens d'avoir un moi autobiographique (ainsi que sa nécessaire mise en récit) constitue une donnée psychologique universelle, il est infiniment plus compliqué de distinguer de combien de cultures (deux? trois? dix?) nous serions les héritiers. il faut suivre les lignes de ces identités narratives complexes dans les méandres desquels se lovent de multiples figures de l'altérité, qui s'entrecroisent, se mêlent, et où se donnent surtout à voir contradictions, hésitations, incertitudes. L'un est multiple. "Je" est toujours des autres.
Oui, il faut certainement déstabiliser les catégories de
culture, d’identité et de racine en montrant à quel point elles
sont instables et mobilisées à travers des régimes de pouvoir spécifiques, historiques et culturels. Chemin faisant, l’on peut se livrer à un inventaire de nos attachements viscéraux. Être le Spinoza de nos appartenances.