[LIVRE] LA CHRONIQUE DE GÉRARD COLLARD - SCANDALEUSE SARAH
Au milieu des adeptes haute couture s’est infiltrée une jeune femme en jeans et baskets. Un bloc à spirale dépasse de sa besace : c’est incongru. Elle est reporter à Nice-Matin. En deux ans d’exercice sur la commune, elle n’a jamais réussi à interviewer aucun des enfants de Grace : ni Albert, ni Caroline, ni Stéphanie qu’on dit pourtant plus « ouverte » que son frère et sa sœur. « Il faut faire une demande en vingt-quatre exemplaires au service de presse du Palais. Moi, j’ai renoncé, avoue-t-elle. Je me concentre sur les chiens écrasés et les soirées officielles. »
Grace Kelly, héritière d’une des plus riches familles américaines, n’était pas boudée par manque de « sang bleu ». C’est son côté parvenu qui choquait. Au fond, le Monégasque trouve toujours la faute de goût s’il a décidé d’excommunier. De manière parfaitement arbitraire. C’est un sujet autocrate. Faussement servile, c’est lui qui influence le monarque dans ses choix tout en feignant d’être à ses ordres. Vizir à la place du vizir, Iznogoud en tongs.
Sur Google, calculette mondiale, l’image de Grace obtient 60 000 000 entrées, soit la troisième place au podium de tous les temps, après Michael Jackson et Marilyn Monroe. C’est une célébrité vivace, un doux visage et une silhouette magnétique. Mais ses sujets semblent l’assimiler à un lointain souvenir élégiaque. Verrouillée au musée, intouchable. Une cohorte de belles disparues habillées de deuil l’accompagne.
La créature la plus glamour du siècle est donc, en coulisses, une sportive, une fétarde ironique sans masque et sans fard.
Dominer un être, même s’il est de son propre sang, n’est pas une activité dépourvue de piquant.
A Monaco, la crise d’adolescence se manifeste par un accident de bobsleigh à Courchevel, un refus de pratiquer le polo pour s’opposer à papa, rien de plus, rien de grave.
Au club, on se méfie des médias, on filtre, on évite les raseurs, les fouineurs, les étrangers. On aime être entre soi, chez les « Heureux du monde »… C’est si bon.
Ce que l’opinion prenait pour de la froideur n’était que la résultante d’une éducation puritaine à laquelle elle ne savait pas, ne voulait pas déroger.