Les paroles passent tous les actes. Je n’avais jamais imaginé qu’une fille, même dressée aux vices, pût dire de pareils mots à sa propre mère. Elle articulait au hasard, d’une voix sans suite, sans raison, pour la joie de lancer les injures dans le désordre et l’incohérence où elle les avait mâchées :
« Ne me touche pas ! je t’emmerde ! je t’emmerde ! et je foutrai le camp cette nuit ! Je t’emmerde, sale vache ! sale grue ! sale gousse ! sale enculée ! sale maquerelle ! sale putain ! Tu ne veux pas qu’on t’appelle comme ça ? Putain ! Putain ! Putain ! Putain ! Putain ! Putain ! Putain ! Putain ! Putain ! Putain ! Fille de putain ! Mère de putains, gousse de putains, branleuse de putains. Je ne suis pas une putain, moi, je suis une pucelle ! Tu as laissé vendre ton pucelage par ta putain de mère, mais moi je ne suis pas une andouille comme toi ! je ne te laisse pas vendre mon pucelage, je le donne ! Tiens, regarde-le, sale maquerelle ! regarde-le, ma garce ! tu en voulais cent louis, tu n’en auras pas cent sous ! tu n’en auras que du foutre et du sang dans la gueule ! »
Trouve-moi un faiseur de fagots qui sache, comme moi, raisonner des choses, qui ait servi six ans un fameux médecin, et qui ait su dans son jeune âge son rudiment par cœur.
Le souci de la vérité historique m’oblige à employer un langage qui n’est pas précisément celui des cours ni des salons. Je n’éprouve aucune honte ni aucun scrupule à le restituer, l’exemple de Rabelais, mon maître, m’y autorisant. Toutefois, MM. Fallières ou Bérenger ne pouvant être comparés à François Ier, ni moi à mon illustre modèle, les temps d’ailleurs étant changés, je conseille aux oreilles délicates et aux âmes sensibles de sauter cinq ou six pages.
Ces gens n’ont point votre langage. N’apprenez point le leur. Un ignoble courroux Justifie un ignoble outrage.
La jeune fille des éditeurs.
La jeune fille des rédacteurs en chef.
La jeune fille épouvantail, monstre, assassin de l’art.
La jeune fille, ce qu’elle est en réalité.
Une petite sotte et une petite salope ; la plus grande imbécillité unie à la plus grande dépravation.
Il y a dans la jeune fille toute l’abjection du voyou et du collégien.
"Le pavillon des cancéreux portait... le numéro treize."
Alexandre Soljenitsyne , Le Pavillon des cancéreux