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Citations de Emmanuel Hirsch (16)


Comprenons-nous enfin que ce refus du soin tient pour beaucoup à nos refus d’accompagner nos malades dans leur parcours jusqu’au terme de leur existence ? Ne convient-il pas en fait d’envisager l’expression d’un refus comme, dans la plupart des circonstances, un appel à nos solidarités ?
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Les soins palliatifs font référence, nostalgique, au modèle
ancien de l’annonce au malade, par le prêtre le plus souvent –
nuntius mortis – de sa fin prochaine. Mais ce qui était annoncé
au chrétien n’était pas une information pronostique, ou pas
seulement.

L’annonce prenait place dans toute une construction
de représentations concernant l’immortalité de l’âme, le
jugement, la vie dans l’au-delà, les différents lieux où vont et où
sont les morts que l’on va rejoindre, les prières et intercessions
des vivants… ; s’insérait dans un ensemble de fictions, au sens
positif du mot, qui mettaient en représentations, en gestes rituels,
en cérémonies, l’indicible de la mort, qui offraient à chacun un
canevas, une structure permettant de donner sens à « la mort de
soi » comme à « la mort de toi » dans une construction collective.

Nous n’en sommes plus là. L’annonce aujourd’hui n’est plus
que celle d’une information médicale, scientifique, qui, comme
telle, devrait être accueillie avec « la froideur et l’objectivité » qui
conviennent mais qui, là encore, risque de ne convier le mourant
qu’à un face-à-face à nu avec l’indicible.
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Comment se fait-il que nos propres congénères demandent à mourir
dans les sociétés de nos temps modernes ? Ce souhait n’est-il pas un aveu d’échec quant à l’accueil que nous faisons à celui qui va mourir, et qui ne trouve plus sa place d’être humain parmi les autres ? Avons-nous appris à nous accueillir et à nous accompagner les uns les autres, au-delà des distinctions de nos vulnérabilités ?
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Pendant des millénaires la mort de l’homme a été reconnue sur ce que nous appellerions aujourd’hui l’arrêt permanent de sa respiration. Cette notion de respiration étant alors encore mal comprise, on parlait plus de la notion de souffle. Ainsi celui qui rendait son dernier souffle rendait son âme. C’est ce qu’on appelait expirer comme le fit le Christ sur la croix. Avec les avancées de la science, notamment à partir du xviie siècle nous avons progressivement mieux compris le rôle du cœur, l’intérêt de la recherche du pouls et pourquoi l’arrêt de la respiration impactait directement l’état de conscience ou d’inconscience de l’individu. Toutefois, au xixe siècle encore, c’était avant tout sur la constatation de l’absence ou d’arrêt de la respiration que l’on affirmait la mort en attachant une importance particulière à sa permanence. Jusqu’au milieu du xxe siècle on avait encore recours au miroir ou à la bougie pour détecter la présence ou non d’une respiration ou d’un souffle pour affirmer ou non la mort.
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Dans la souffrance, nous sommes englués dans notre être, et même la mort peut faussement apparaître comme une délivrance car nous nous sentons sans possibilité d’évasion.

Dans la souffrance, le futur est aussi effrayant que le présent car nous sommes soumis à une entière passivité au sens où notre volonté n’est plus opérante. Mais si notre volonté n’agit plus, notre conscience est toujours présente.
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La fin de vie, parce que c’est encore la vie, est faite de
contrastes. Si la mort peut être « attendue », les modalités de la
fin ne nous appartiennent pas. La mort est rupture. Sa proximité
conditionne fortement la rencontre avec l’autre.
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Comme nous le verrons, la décision de LATAS dans un service de réanimation engage toute l’équipe médicale et paramédicale.
Cet engagement fait partie du projet de service. Il est même un indicateur de qualité des soins. Il faut donc que ce projet soit écrit, validé par l’ensemble du service et régulièrement évalué.

Les réunions de morbi-mortalité, qui sont obligatoires dans un service de réanimation, sont le lieu privilégié pour en débattre.

La charge émotionnelle des fins de vie en réanimation pour le personnel médical et paramédical mérite d’être soulignée. Contrairement à une idée reçue, le personnel ne s’endurcit jamais face à ces situations au fil de son expérience. C’est souligner l’importance de la cohésion des équipes prenant en charge les enfants en fin de vie, leur soutien psychologique et la verbalisation de leur vécu.

(page 188) (Les décisions de limitation ou d'arrêt des thérapeutiques actives = LATA)
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S’il est une liberté à reconquérir, elle ne saurait se limiter
à la revendication de l’autodétermination de la mort. Le droit
de bénéficier d’une position maintenue dans la préoccupation
des vivants, de conditions d’accompagnement dignes de l’idée
d’humanité, constitue un enjeu que j’estime plus déterminant que
l’organisation du dispositif favorisant l’octroi d’une euthanasie.

Il s’agit là d’une responsabilité qui saisit notre société dans sa
capacité d’affirmer le sens ultime du lien et de la fraternité. C’est dire
à quel point ses réponses s’avèrent essentielles et relèvent d’une
obligation morale forte, d’engagements cohérents qui ne sauraient se
satisfaire du registre compassionnel ou des formules incantatoires
indifférentes à la vérité et à la singularité des circonstances.
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L’heure est désormais au recueillement. Ces temps d’errance médico-légale s’achèvent sur une déroute éthique et politique qu’aucun argument censé n’aura permis d’éviter. Avec un profond sentiment d’accablement, d’impuissance, d’incapacité à donner droit à des obligations morales dont nous pensions partager les principes.

M. Vincent Lambert serait-il effectivement « mort pour l’exemple », devait-il ainsi aller, sans qu’on n’y puisse rien, sur ce sentier escarpé le menant à sa mort, celle qu’un médecin avait décrétée le 10 avril 2013 à la suite d’une procédure collégiale dont on a compris toute la rigueur !
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Le sujet du tri, découvert en France à l'occasion du pic épidémique de mars 2020, va nous accompagner durablement : après les masques et les tests, nous aurons encore à distribuer des vaccins, au fur et à mesure de leur disponibilité. Dans quel ordre ? Qui protéger d'abord, qui laisser exposé ? L'initiation au tri aura changé la perception de ces sujets de rationnement et de priorisation, qui ne se laisseront pas uniquement ramener à une question d'expertise. Si les places en réanimation et les respirateurs sont la pointe de l'iceberg, la dramatique et soudaine visibilité qu'a prise le tri au cours des premières semaines de l'épidémie aura permis de s'apercevoir, quel que soit le redimensionnement de notre système de santé, qu'il y a tout le temps du rationnement en santé publique : de ses critères et de ses modalités, la démocratie devrait se mêler davantage. Il importe que les pratiques de priorisation en santé publique, et combien plus encore, les protocoles de triage de catastrophe qui tiennent l'extrémité de ce continuum du tri, reflètent les valeurs de la population à l'échelle de la nation tout entière, les représentations qu'elle se fait d'elle-même et ce à quoi elle tient : l'acceptabilité morale des modalités de priorisation est la condition de leur acceptabilité sociale. Sur ces sujets de tri, il n'y a pas de délibération sur le juste qui soit moralement neutre : on ne peut pas faire l'économie d'un débat sur les valeurs.
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Les services de réanimation ont été mis sur le devant de la scène médiatique comme jamais auparavant durant la pandémie de Covid-19. Applaudis en héros, ce n'est pourtant pas une aventure héroïque que les soignants ont eu l'impression de vivre, mais un défi plus intime, celui de lutter contre leur propre lassitude face à une maladie uniformisante, accumulant les obstacles au travail narratif nécessaire à un soin personnalisé et à la création du sens du soin.
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[L]e paternalisme médical et scientifique, qui avait été remis en cause par les associations de malades lors de l'épidémie du sida dans les années 1990, fait son retour en force à la faveur de l'épidémie du Covid-19 et s'insinue dans les médias, dans les discours moralisateurs des citoyens. Doit-on se contenter d'être obéissants et respectueux des règles ? Le Covid-19 rend-il donc dérisoire, inopportun, illusoire tout effort pour agir en citoyens autonomes ? Doit-on laisser le pouvoir aux « autorités sanitaires » ? Bien au contraire. Chaque épidémie est un moment éminemment politique qui rejoue les cartes des hiérarchies fondamentales et des légitimités, et pose des questions fondamentales de justice sociale : accès aux traitements, inclusion dans les essais thérapeutiques, représentativité des personnes malades, ou encore fonctionnement du système de santé.
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[L]e confinement [en établissements de santé], comme l'éloignement familial, a été une mesure de police sanitaire au sens le plus strict et aussi parfois le plus discrétionnaire. Les responsables administratifs et les soignants chargés de faire respecter les normes prescrites par les pouvoirs publics ont pu décider de manière arbitraire (comme pour certains représentants des forces de l'ordre dans leurs verbalisations) de « tout fermer », de « punir », d'interdire, sans empathie. Cela pouvait en outre s'accompagner du prétexte que les familles seraient les premières à porter plainte si la contamination se faisait en raison de souplesse ou de compassion qui étaient alors présentées comme des faiblesses.
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L'infantilisation des citoyens dans les représentations qu'en ont livrées les gouvernants et des médias grand public depuis le début de la crise du Covid-19 pose un problème éthique de premier plan. Car l'exercice du pouvoir en démocratie suppose que les citoyens soient considérés comme des législateurs, donc des locuteurs dignes de considération et d'attention, et ce quelles que soient leurs origines, leur culture, leurs compétences, leur situation sociale et économique. Quand les gouvernants infantilisent leurs concitoyens, ils s'avilissent eux-mêmes en retour, et à la crise sanitaire provoquées par la pandémie du Covid-19 s'est ajoutée une crise politique, qui n'a pas commencé avec elle, mais qui pourrait bien avoir fait entrer les démocraties occidentales dans une zone de turbulences dont l'issue demeure incertaine.
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L'effacement du politique a davantage consisté en un effort de mobilisation de tous qu'en une confiance résolue dans la compétence des scientifiques. Le souhait de mise en œuvre d'une union nationale et sacrée, d'une guerre à mener, justifiait la mise en avant de personnes et de fonctions incarnant l'objectivité et la rigueur scientifiques incontestables. Cette union permet en outre de ne pas avoir à justifier des choix politiques antérieurs qui ont favorisé la diffusion de l'épidémie ou, pire, qui pourraient expliquer la difficulté des choix devant lesquels lesdits scientifiques et les soignants ont été placés. Refuser l'incarnation de la parole décisionnaire permet de ne pas avoir à justifier l'état du système de santé, insuffisamment doté en personnel, dépourvu des outils basiques de protection pour les soignants et de lits de réanimation pour les patients par exemple. C'est ne plus être responsable, au sens éthique, des décisions antérieurement prises et de celles à prendre aujourd'hui. Une telle confusion des genres opère une perte de tout repère, de toute base décisionnelle efficace. Alors que le scientifique exprime ce qui vrai, le politique doit pour sa part trancher entre ce qui est juste et ce qui ne l'est pas.
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Et puis, d'une manière quelque peu inattendue, nous nous sommes mis à parler le langage des droits de l'homme et de la dignité humaine.
A travers les évolutions du passé, il est malgré tout concevable d'envisager avec une certaine confiance un futur aux contours certes encore difficilement définissables, mais qui favoriserait une intelligence collective, une ouverture créative. Il s'agit en fait d'appréhender un processus davantage que des solutions.

Jonathan Mann
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