Citations de Fadéla M`Rabet (46)
Kateb Yacine nous disait que la condition de la femme est due à la jalousie de l’homme, mais beaucoup de femmes prennent la jalousie pour une preuve d’amour. Erreur funeste. Le désir de posséder la femme n’est pas le fait d’un amoureux, mais d’un prédateur.
Un jour on s'aperçoit que demain, ce n'est pas l'infini. Que l'infini se trouvait dans le regard de ceux qu'on a aimés. Dans le timbre de leurs voix quand ils prononçaient notre nom, quand il devenait une note de musique dans leur chant, un parfum, une fleur de leur colline, un souvenir de leurs batailles.
L'infini, c'étaient les vastes destins qu'ils rêvaient pour nous, quand les soirs de lune nous étions les invités des étoiles.
Toute littérature prend naissance dans une souffrance et l’on écrit pour s’en délivrer, la sublimer, lui donner une expression universelle, éventuellement en faire une arme.
Quand la réalité est insupportable, elle devient celle de nos cauchemars et c'est nos rêves que nous nous mettons à vivre.
Plus que les mains, c'est la voix qui touche, c'est le regard qui caresse.
La caresse est entière dans le timbre de la voix.
J'étais rivée au visage des adultes comme à mes livres. Mais ces livres-là étaient écrits dans des langues anciennes. Je les contemplais comme des hiéroglyphes aussi mystérieux que les tatouages sur le front de Djedda, ses armoiries. J'essayais de déchiffrer cette lueur au fond des yeux, avec le sentiment qu'elle savait tout, mais ne voulait pas tout révéler pour nous préserver.
Je regardais les paysages avec la même intensité que les êtres qui m'entouraient.
Ce sont ces êtres-là qui peuplent mes paysages, qui sont mes racines. Mais ceux, nombreux, qui sont partis au firmament de leur vie ont gardé intacte cette image d'aigles de l'Atlas, pour eux-même et pour les autres. On ne les verra pas en vieillards affaiblis, déçus. En détresse devant les promesses non tenues de leurs enfants.
Ce désir d'élévation, que beaucoup confondent avec un désir d'ascension sociale, était déjà pathétiquement présent dans la nuit coloniale.
Plus encore que de liberté sexuelle, les jeunes ont soif de connaissance, parce qu'ils ont besoin de reconnaissance et de respectabilité.
Toute littérature prend naissance dans une souffrance et l’on écrit pour s’en délivrer, la sublimer, lui donner une expression universelle, éventuellement en faire une arme
Chaque maison semblait un monastère où des nonnes, cloîtrées depuis l’âge de la puberté, servaient les hommes d’aujourd’hui et célébraient ceux d’hier
Il faut vraiment qu’ils nous haïssent pour qu’un père livre une petite fille confiante et pleine de rêves, élevée dans la pudeur et mysticisme, à un inconnu qui la forcera, l’utilisera, puis, usée et vieillie prématurément par des grossesses successives, la rejettera
Les requins ne sont pas seulement sur nos côtes, les vautours dans nos montagnes. Même dans les salons du livre, on les rencontre «(p 101)
Priver un enfant d'imaginaire, pour Djedda qui nous réinventait tous les soirs les Mille et une nuits, était aussi criminel que le priver de nourriture.
Tels une colombe et un Flamand rose elles ont été toutes les deux ciblées et assassinées.
«C'est cette caste qui doit demander pardon aux Algériens de les avoir trahis. Elle a fait d'eux un peuple pauvre, alors que l'Algérie est riche. Elle bloque leur esprit d'entreprise, paralyse leur créativité, empêche leur épanouissement dans leur propre pays»
et, la meilleure à mon avis, «A la maison comme à l'école, on n'apprend plus comment vivre, mais comment se préparer à la mort» (p.96).
Ainsi, il y a de l'Orient et de l'Occident en nous mais il n'y a pas de fusion. Parce que nous sommes exposés à trois sources d'aliénation: celle du pouvoir patriarcal, celle du pouvoir colonial, celle du pouvoir postcolonial. Le pouvoir colonial a tenté de désintégrer notre société, de nous dépersonnaliser, de nous refuser même la qualité d'êtres humains, de nous inculquer la honte de soi. Le pouvoir patriarcal nous refuse le statut d'individu et fait de chacun un simple maillon de la communauté. Le pouvoir postcolonial a renforcé le pouvoir patriarcal, qui refuse à l'homme la citoyenneté et maintient la femme dans une sous-humanité.
La société musulmane, terrorisée par la pulsion sexuelle, ne l’a pas maîtrisée mais entravée. Ainsi elle l’a exacerbé au point que la femme toute entière est devenue un sexe qu’on ne saurait voir, parce qu’il rend les hommes fous.
C'est parce que l'islam du VIIe siècle a proclamé que tous les hommes sont égaux devant Dieu qu'il s'est propagé aussi vite et aussi loin. Ce qu'on se garde bien de souligner, c'est qu'il a affirmé la liberté de conscience. Que personne ne peut nous obliger à croire.
Les colonialistes nous ont refusé le savoir pour qu'on ne demande pas le pouvoir. Le pouvoir algérien nous a refusé le savoir humaniste, universaliste du siècle d'or du génie arabe et du siècle des Lumières pour qu'on ne demande pas la démocratie.