Quelle immense réussite ! Cette BD est une belle pépite qui mérite le détour, que l’on connaisse ou non l’œuvre originale revisitée : « La ferme des animaux » de George Orwell. Le récit met en scène Miss B., une jolie minette à la frimousse très expressive et délicate. La pauvre chatte n’a pas un quotidien facile, car son conjoint est mort et elle peine à entretenir ses deux chatons. Or, dans ce monde où les animaux règnent et où les humains ne sont plus là, il n’y a plus de chats… Miss B. est donc contrainte de vivre seule… Mais elle est surtout obligée de travailler dur tous les jours pour permettre à ses petits d’avoir de quoi manger. En effet, chaque animal a sa place dans la société : les petits êtres inoffensifs, notamment les animaux de la ferme, travaillent d’arrache-pied. Ils sont en bas de l’échelle sociale. Les chiens appartiennent à la milice. À la tête du gouvernement, on distingue le puissant taureau Silvio, une bête imposante, massive, fière, cruelle et sadique. Avec sa cour, il fait généralement bombance et prive ses sujets de nourriture. Pire : il impose sa dictature en tuant ceux qui s’opposent à lui. La pyramide sociale et la tension de ce monde rappellent notre passé, à l’époque où le seigneur dirigeait les paysans… Or, quand le peuple est opprimé, il y a un moment où il craque. Et c’est ce qui va arriver avec l’oie Marguerite, qui va se révolter avec une dizaine d’esclaves…
Bien que les ficelles soient visibles et les personnages soient manichéens, l’univers m’a beaucoup plu. On comprend rapidement où les auteurs veulent en venir et on prend alors plaisir à suivre cette résistance se mettre progressivement en marche. Hélas, les choses seront loin d’être simples ! La violence et la mort seront omniprésentes. Avis aux âmes sensibles : certains passages sont vraiment très sanglants, crus et bouleversants. Je pense notamment à la première scène où l’on assiste à une mise à mort ou à celle de la porte. Dans celle-ci, on y on découvre des animaux éventrés, le sang recouvrant le sol et, surtout, une victime montrée en exemple, clouée à la porte, boyaux pendants, avec un visage marqué par l’horreur. On a beau être face à des animaux, les traits sont très expressifs et humanisés. On ressent énormément d’émotions… Le coup de crayon est réellement beau ! Que les passages soient durs, doux, drôles ou poétiques, on se régale en décortiquant chaque planche. Cela dit, ma préférence va tout de même aux scènes nocturnes qui offrent souvent des ambiances bien particulières…
Il me tarde de lire la suite des aventures de Miss Bengalore, de son drôle d’acolyte M. César (un lapin séducteur et gigolo) et d’Azélar (un vieux rat plein de sagesse qui sait maîtriser le théâtre d’ombres)… Une très belle découverte que je recommande de toute urgence ! La révolution, bien que très pacifiste et lente pour le moment, est en marche !
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