Jacques Finné

Extrait
"Il serait vain d'aligner les écrivains qui, à coup sûr, se sont vu accusés de picorer dans l'écuelle du voisin : Euripide, Aristophane, Horace, Virgile (qui tirait gloire de ses emprunts), les poètes de la Renaissance, qui prouvaient un peu trop leur amour de l'Antiquité, Rabelais, aspirateur de miettes, voire de quignons, les élisabéthains, club de joyeux drilles qui jonglaient avec les textes comme des échangistes avec les femmes, Corneille (qui aurait, juste retour des choses, écrit quelques pièces de Molière), Racine, Pascal, Molière, La Fontaine (qui n'aurait rédigé que quelque vingt fables de son cru), La Rochefoucauld (mais son style vitriolé n'appartient qu'à lui), Lesage, Beaumarchais, Jean-Jacques Rousseau, Voltaire (...), Dumas père (qui ne se contentait pas d'employer une cargaison de nègres), Baudelaire (dont les "Œuvres complètes", en prime, comportaient des nouvelles de Poe qu'il a traduites), Balzac, Zola, Apollinaire, Alphonse Daudet (il suscita la haine viscérale de Léon Bloy, qui ne mâchait ni ses mots ni ses syllabes : "C'est l'homme-orchestre de la littérature qui s'assimile tous les instruments"). Hors concours avec prix d'excellence : Nodier et Stendhal."


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("Des mystifications littéraires", p. 101-102.)

Rien de plus facile pour moi que de vous raconter une histoire de fantômes : j’en entends depuis mon enfance. On m’a appris à croire en eux. Je ne parle pas des récits de bonnes femmes qui évoquent des spectres en suaires, des crânes ricanants ou d’effroyables gobelins. Je parle des authentiques apparitions, après leur mort, de personnes bien connues en ce monde et revêtues des vêtements qu’elles portaient lorsqu’elles évoluaient parmi nous.

Le cri de mort qu'il entendit n'était pas son cri à lui, car ses dents étaient restées crispées quand il résonna. Il commença par un hurlement de femme puis changea et se termina sur le grognement d'une bête sauvage. Avant que le blanc de la fin ne se fut imposé à ses yeux mourants, il vit la Femme céder la place à la Bête, la Vie devenir Mort - sans que nul pût comprendre quand la métamorphose avec exactement eu lieu. p176. Extrait de Fourrure Blanche de Clemence Housman.

Je suis debout
Ici comme une statue romaine : je resterai debout
Jusqu'à ce que la mort m'ait fait de marbre!

Edgar Allan Poe. Le visionnaire

-- Votre compagnon de chambre a disparu, dit-il. On sait qu'il est rentré assez tôt, hier soir. Avez-vous remarqué quelque chose d'extraordinaire dans sa conduite ?
Comme cette question paraissait souligner les craintes que le docteur avait exprimées une demi-heure plus tôt, je ne pus m'empêcher de tressaillir.
-- Vous ne voulez pas dire qu'il est passé par-dessus bord ?
-- J'en ai peur pourtant.
-- C'est bien la chose la plus extraordinaire que...
-- Pourquoi ?
-- C'est le quatrième alors ? m'exclamai-je.

Francis Marion Crawford. La couchette supérieure

Dans ce pays règne la vie, éternelle et immobile. A une époque immémoriale, grâce à l'énorme avance scientifique, les hommes y cessèrent de mourir et, peut-être pour compenser, de naître aussi. Les cimetières restèrent, comme subsistent les monuments d'âge barbare. Puis, les murs croulèrent, les cyprès furent abattus par la foudre et, comme elle avait englouti les squelettes, la terre dévora les tombes et les croix, jusqu'aux plus fiers monuments. (...)

Alberto Moravia : Le pays sans mort

Les hommes effondrés gisent comme des morts. Leurs corps nus sont desséchés par cet air sec à l'extrême, chargé d'électricité et qui déjà sent la foudre. Le contact d'une étoffe est une souffrance pour ces peaux écarlates et calcinées. Qu'une main frôle une chevelure, c'est un crépitement de feux violets, une gerbe d'étincelles bleues qu'étreignent les doigts.

Alan Haig : Le Blackjoke

La goule laisse assez de traces pour passer d’excellentes journées de lecture et de non moins excellentes nuits d’insomnie.

Selon bien des spécialistes, il ne faut pas craindre les fantômes.