"Il nous faut réapprendre à vivre" de Flora Delalande, lu par l'autrice. Danse : Tinuviele Parmentier. Octobre 2018.
Leurs bras, leurs doigts, se frôlent et frémissent comme l'écume tout juste déposée. La mer les électrise. Ils ont tous les deux envie de s'aimer.
ÉTOILE ENSOMMEILLÉE
J'étais vive
J'étais belle
J'avais dans les yeux
Plus de mille et un soleils
Quand je regardais une flaque
Je ne voyais qu'un sourire
Celui de la vie derrière mes rires
Mais les jours ont passé, l'eau s'est évaporée, la boue seule est restée
J'ai voulu sculpter la terre, faire de mes mains des sentiments, graver ma vie et mes tourments
Mais la terre s'est craquelée, effritée, émiettée sous mes mains affolées
J'étais vive
J'étais belle
J'avais dans les yeux
Plus de mille et un soleils
Quand je courais dans l'herbe
Le vent peignait de l'or sur mes cheveux
Mes pieds buvaient les gouttes de rosée
Les herbes étaient des arbres
Les arbres étaient des dieux
Je collais mon oreille au creux de leur écorce
Je buvais la sève et croquais les aiguilles
Mais les années m'ont dépassée
Emportant avec elles un tour de liberté
Et la sève a pris la saveur du papier mâché...
J'ai été vive
J'ai été belle
J'ai tout au fond des yeux
Une étoile qui sommeille.
Je serai à la sortie des voyageurs dans le haut des escaliers. J'aurai robe et chaussures blanches.
Sur la boussole qui te guide
Dans la poche de ta poitrine
Sommeille un pays oublié
Celui de cet homme aux yeux bleus
Qui avait une voix d'océan
Quand il te racontait le monde
Toi, tu avais six ans
Tu ne savais pas qu'il partirait
Mais
Il l'a fait
Partir
Mot qui revient,
Disparaît et revient
Mot incapable de s'en aller
Lui-même
Elle aime les oiseaux, ceux avec des pépiements cousus de boutons d'or et de tout petits battements d'ailes. Dans sa maison, il y a vingt cages à oiseaux. Une dans chaque coin de chaque pièce. Il y en a des vertes, des bleues, des jaunes, des pleines de courbes et des carrées. Il y en a faites de paille, faites de terre, de papier et de fleurs. Il y a bien plus de vingt cages à oiseaux, chez elle, mais ce qui est important, c'est que ces cages soient toujours ouvertes afin que les oiseaux puissent passer de l'une à l'autre. Et ses oiseaux passent de l'une à l'autre. Parfois, certains viennent même nicher dans son cœur.
Et après tout, tu as raison : les histoires n'ont pas besoin qu'on leur pose toutes ces questions pour exister. Il suffit de leur prêter une voix.
Cette chapelle,
on en tombe immédiatement amoureux.
Ce n'est pas une question de religion,
c'est une question de présence.