Flora Aurima-Devatine répond aux 5 Questions pour Île en île. Entretien réalisé à Paris le 25 mars 2013 par Estelle Castro et Dominique Masson.
Et j'écris
Par gourmandise d'écrire,
De ces gourmandises salées-sucrées,
Aigres douces, agréables et insatiables !
Extrait du poème Écrire
L’ODEUR DE LA MER
Contre l’étrave de la pirogue clapotent des vagues
Dont l’odeur se mêle à celles de la terre
Toutes assiègent mon esprit et mon corps oublieux
Sensations d’eau en vallées sur le corps sous la pluie
La pluie
Encore elle
Toujours elle
Partout elle
La pluie jouissive sur les flaques alentour
On aurait dit un vol d’oiseaux bruissant des ailes
S’abattant de toutes parts
Pluie de mots
Pluie de sons
Que je ne peux retenir
Dont je ne sais que faire
Sous le double toit éventré
De ma maison délabrée
En sécurité je suis
L’orage que je redoute
Ne m’y atteindra pas.
L’ordinateur impassible attend son poème
Un poème qui tarde
Du poète qui désespère
Du rythme qui hésite
Et la pluie qui s’est tue.
OÙ EST-IL LE CHEMIN ?
Où est-il le chemin
Que chacun de nous suit ?
Il me faut y passer
Y pousser ma pirogue.
D’autres avant toi
En effet sont passés
Mais la mer
Derrière eux
A effacé leurs traces.
Je n’ai plus de repères
Je n’ai plus les Anciens
Pour me guider en mer.
Je n’ai plus qu’à passer
Qu’à pousser ma pirogue
En faisant mon chemin.
Par l’écriture, je m’octroie des mots d’écrits des pays que j’habite
La poésie me permet des audaces, dont celle d’écrire à sec et à vide.
L’écriture est ma ciselure d’inscription ou à défaut de plume, je taille et j’aligne
Des bâtonnets porte-plume sans fin.
ADRESSE
En-deçà et au-delà
De nos identités originales
De nos appartenances communautaires,
En-deçà et au-delà
De nos langues détournées, transgressées,
De nos noms reconnus, ressourcés,
De nos terres de nos îles morcelées, archipélagées, dispersées,
En-deçà et au-delà
De nos ruptures, brisures, cassures,
Des clans guerriers, clans paroles, clans écritures,
Clan mémoire, clan histoire,
En-deçà et au-delà
Des mélopées funèbres, désespérances de nos béances,
Manques dans nos corps, de l'âme et de l'esprit en nos sociétés multiples,
En-deçà et au-delà
De tout ça qui fonde et nourrit nos interventions et écritures particulières,
Nous gardons et emporterons dans nos bagages quelque essence qui est :
Sur nos chemins de partage,
L'apport par chacun de son brin de conscience,
De réflexion, d'humanité,
Pour commencer à dire ensemble,
Avec nos mots, nos sonorités, nos musiques intérieures,
La chose à transmettre,
L'esprit de juste mémoire :
Tailler, ajouter, renouer, rénover,
Aplanir, étendre et retresser la natte humaine.
Sur nos chemins de partage
L'apport par chacun de son brin de conscience,
De réflexion, d'humanité ,
Pour commencer à dire ensemble
Avec nos mots, nos sonorités, nos musiques intérieures ,
La chose à transmettre
L'esprit de juste mémoire:
Tailler, ajouter,renouer, rénover ,
Aplanir, étendre ,et retresser la natte humaine.
"Au vent de la piroguière"
Plus que l’écriture,
C’est l’impression, le tatouage.
L’impression,
C’est une idée qui prime,
Une idée qui naît et qui s’impose.
Je ressasse, me répète,
Une sorte de compulsion,
Je n’écris qu’à partir de moi sur moi.
Quant à écrire sur les autres,
Le plus sûr moyen est de passer par soi.
Extrait du poème Écrire - Poèmes du quotidien
Qu'est-ce que l'écriture,
Pour un peuple sans écriture?
Qu'est-ce que la parole,
Pour une société de l'écriture?
La vie m'a gâtée.
J'ai reçu d'elle,
Au-delà de ce que j'en attendais,
Et j'en reçois encore et toujours.
Paroles (p.124)
Les beaux jours,
Les mauvais jours,
Tout est relatif.
Cela n’empêche pas
De profiter du temps qu’il fait,
Et du moment qui passe.