Au Pari
Au « pari* », battu par les vagues,
Et baignant
Dans les embruns du large,
Les amours comme les rêves
Ont le goût salé
Des amours païennes.
Le vent qui y souffle
Et vous frappe à la face,
Vous ouvre le regard
Sur d’autres horizons :
Horizon sans limite
Du présent à venir,
Horizon sans retour
Du passé toujours présent.
Vers la pointe d’Atiti’i*,
Entre une mer libérée,
Et ensevelis, les « ti’i* »
Des « marae* »,
Plane encore des Anciens
Le « mana* »,
Et suscite en celui qui y flâne
Un sentiment d’effroi.
Respect atavique
Des mystères d’autrefois !
Et les « u’a* »
À grosses pinces violacées
Débordant
De leurs coquilles lépreuses
De « ma’oa* » d’autre temps,
Et les « u’a* »,
Nourriture idéale
Pour imagination d’enfant,
Dès la nuit sortent
Des « tamanu* » centenaires,
Des pierres effondrées
Du « marae* » de Ravea*.
Sont-ils quelques dieux
Hantant encore ces lieux ?
* Atiti’i : lieu-dit du « Pari »
* mana : le pouvoir surnaturel
* ma’oa : coquillage : turbot
* marae : lieu de culte et de célébration de certaines fêtes chez les anciens polynésiens
* Pari : côte sauvage et de la presqu’île entre Tautira et Teahupo’o
* Ravea : nom d’un des « marae » au « Pari »
* tamanu : arbre : callophyllum inophyllum
* ti’i : pierre ou bois taillé représentant des dieux anciens
* u’a : bernard-l’hermite
Loin d’ici
Loin d’ici, loin du temps,
À Atiti’i*, à Hihitera*,
Rôdent mes souvenirs,
Souvenirs sacrés
Que tous les titres
De noblesse
Ou de propriété
Ne pourront chasser.
Les vallées qui souvent
Deux par deux sont creusées
Retiennent des oiseaux de rêve
Et cachent mes rêves d’oiseau.
Des « ua’ao* » perchés sur les balises,
N’ayant pas encore appris
À se méfier de l’homme,
Les yeux mi-clos,
Me regardent passer.
Des « itata’e* », deux par deux,
Se poursuivent plein ciel,
Et glissent, glissent dans le vent,
Tous mes rêves d’enfant.
Vent du large,
Vent de la terre,
Vent de la piroguière
Solitaire.
* Hihitera : lieu-dit du « Pari »
* itata’e : oiseau : sterne blanche
ET RESSORTENT LES RACINES
ET RESSORTENT
LES RACINES
DE L'ARBRE MURISSANT…
ET SOUFFLE
LE VENT
QUI RETOURNE LA TERRE
RETOURNE MON BALANCIER…
ET FRAPPENT
LE FLUX
CONTER LE « PARI » ;
ET LE REFLUX,
CONTRE MA PIROGUE…
Flora Aurima-Devatine répond aux 5 Questions pour Île en île. Entretien réalisé à Paris le 25 mars 2013 par Estelle Castro et Dominique Masson.