Citations de Francesco Dimitri (49)
Nous étions persuadés que Tony deviendrait boxeur professionnel, ou homme de main de la Sacra Corona Unita, la Couronne sacrée unie, la mafia locale. Il a fini chirurgien, et pas n’importe lequel. Il y a quelques mois, il a réussi une greffe du cœur particulièrement délicate qui lui a valu son quart d’heure de gloire. Nous nous trompions souvent, à l’époque. Prenez Art, par exemple. Tous les espoirs que nous avions.
Tony est petit, mais il est si musclé et compact, dans son T-shirt, qu’un seul regard suffit à vous décourager de lui chercher des noises. Il a toujours eu un physique imposant, en même temps qu’un côté bouffon. C’est grâce à lui que les durs de l’école fichaient la paix à Art après quelques tentatives hésitantes – même si Art lui aussi pouvait être effrayant à sa manière.
Tu restes un enfant, me dit cette chambre, tu restes originaire de Casalfranco et tu ne peux rien y faire. La personne que tu étais ne mourra jamais, cette personne mal dans sa peux qui passait son temps à s’excuse, parce que le temps n’est pas une rivière, c’est une montagne – elle est immobile, éternelle et tu n’es pas au sommet, tu es enterré son pied.
On ne devient pas puissant par la douceur, mais en tuant, violant, mentant et volant. Ce n'est pas le pouvoir qui corrompt mais le chemin qui y mène.
A cinq ans tout est possible, mais qu’est ce qui nous reste à quarante? Dès qu’on fait un choix, on renonce à tout ceux qu’on aurait pou faire à la place, et on devient de plus en plus petits, chaque choix nous dévore un peu, brûle nos possibles, et à la fin, il ne reste plus rien de nous. La mort est un rétrécissement progressif qui nous fait passer de l’infini au néant.
Ce n'est pas le pouvoir qui corrompt, mais le chemin qui y mène.
Le monde qui nous entoure n’existe que durant le court instant où nos phares le touchent, et il est aussi plat que la mer un jour de tramontane. D’abord ce sont des vignes, aux pieds courbés, puis des oliviers touffus, courbés eux aussi, noueux. Ce qui pousse ici doit composer avec le manque d’eau et l’excès de soleil, de même qu’avec le vent, la grêle et les orages. C’est la loi du plus fort, et même les plus forts en sortent rabougris et esquintés. C’est un paysage hors du temps, mais pas d’une manière qui me plaît. Face à lui, je me sens très vulnérable.
C'est la première fois que je vois ça. Les gens qui vivent seuls disparaissent facilement des radars. Et puis, un jour, un parent éloigné vient toquer à ma porte parce qu'il se demande si son cousin n'avait pas de liasses de billets planqués sous le matelas, et si je voulais bien me charger de les retrouver. ART n'a personne, on perd facilement la trace des gens comme lui.
Il nous a nous, dis-je en regardant MAURO dans les yeux.
Un jour je lui ai demandé pourquoi il ne croyait pas en dieu. Il m’a répondu, j’aime pas l’idée qu’il existe un être plus puissant que moi.
Plus il fait longtemps une chose, plus la chose lui paraît importante, et moins il croit pouvoir arrêter. Ça s’appelle une dissonance cognitive. Asseyez-vous à un bureau tous les jours et vous finirez par vous persuader que votre boulot n’est pas du vent, voire par l’aimer.
Le monde qui nous entoure n’existe que durant le court instant où nos phares le touchent, et il est aussi plat que la mer un jour de tramontane. D’abord ce sont des vignes, aux pieds courbés, puis des oliviers touffus, courbés eux aussi, noueux. Ce qui pousse ici doit composer avec le manque d’eau et l’excès de soleil, de même qu’avec le vent, la grêle et les orages. C’est la loi du plus fort, et même les plus forts en sortent rabougris et esquintés. C’est un paysage hors du temps, mais pas d’une manière qui me plaît. Face à lui, je me sens très vulnérable.
Tu restes un enfant, me dit cette chambre, tu restes originaire de Casalfranco et tu ne peux rien y faire. La personne que tu étais ne mourra jamais, cette personne mal dans sa peux qui passait son temps à s’excuse, parce que le temps n’est pas une rivière, c’est une montagne – elle est immobile, éternelle et tu n’es pas au sommet, tu es enterré son pied.
On est tous en train de mourir ! Depuis l’instant de notre naissance. Les enfants parlent de devenir grands, ils n’attendent que ça, mais en réalité on ne devient pas grands, on devient petits. Quand on est jeunes, on est immenses, et ensuite on rétrécit. A cinq ans, tout est possible, mais qu’est-ce qu’il nous reste à quarante ? Dès qu’on fait un choix, on renonce à tous ceux qu’on aurait pu faire à la place, et on devient de plus en plus petits, chaque choix nous dévore un peu, brûle nos possibles, et à la fin il ne reste plus rien de nous. La mort est un rétrécissement progressif qui nous fait passer de l’infini au néant.
Plante un ver au bout d’un hameçon puis laisse l’hameçon se balancer dans l’eau. Si un poisson mord, est-ce que tu peux dire, honnêtement, que le poisson voulait finir dans ton assiette?
Mais les lois sont l’œuvre des puissants et de leur dieu jaloux; or je n’ai pour eux et pour lui ni amour, ni respect.
Je ne sais pas pour quelle raison nous avions peur mais jusqu’au jour de ma mort je jurerai que c’était une bonne raison.
Un historien de la région a découvert que tous les gens de la ville sont parents. La consanguinité explique deux ou trois aspects de ce patelin.
Mais en cette ère d'information, de navigation GPS et de connectivité infinie, les secrets, loin de disparaître, se portent mieux que jamais. On traverse la campagne, on n'y erre plus, et le paysage est un décor, non plus un contexte. On perd le lien avec la terre et, par conséquent, de nouvelles formes de vie sauvage surviennent. Avec le départ des humains, d'autres récupèrent l'espace. A l'abri des regards, les vipères prennent le pouvoir. Les choses secrètes et cachées prospèrent
J'ai grandi. Et j'ai appris que les démons, les goules et tout ce qui nous fait peur la nuit, ce sont des excuses qu'on se fabrique pour se raconter qu'il y a pire que nous, plus malfaisant que l'être humain
-Tu trouves pas ça nul, des fois? D'être adulte. Trouver un boulot, puis un autre, payer des impôts, et encore des impôts, toujours la même routine. Y a que le week-end qu'on est vivant; le reste du temps on est des hamsters dans une roue. Et on peut pas s'arrêter de courir, parce qu'il y a toujours une facture, un prêt, un truc...un mioche qui nous oblige à courir dans la roue.