Nous sommes des sang-mêlés, François Crouzet et Lucien Fevre
Ce qui compte, à la limite, dans un livre d'histoire, ce n'est pas ce qu'il relate avec plus ou moins d'érudition, d'objectivité (prétendue) et de technicité scientifique, ce qu'il dit avec plus ou moins de pertinence et d'exhaustivité; de toute façon, le temps a raison de tout et a raison de l'écriture de l'histoire et des historiens qui sont bien vite oubliés, même les plus importants. Le temps est cruel, et les historiens sont cruels. Ce qui compte dans un livre d'histoire et qui est très fortement présent dans l'entreprise oubliée de Febvre-Crouzet, c'est le « plus haut sens ›› qui y repose, disponible à l'appréhension du lecteur : la pédagogie d'un devoir de ne jamais se soumettre à l'empire des stéréotypes, de leur résister, de les combattre, l'exercice de mise en action d'une liberté critique qui se doit d'être civique et, par là même, ouverte à la figure de l'universel qu'est l'autre, dans toutes ses configurations et toutes ses virtualités individuelles ou collectives. La partie n'est alors pas finie; elle ne sera jamais finie. Elle ne doit pas s'achever, telle serait la leçon qui pourrait être tirée de la lecture de "Nous sommes des sang-mêlés". Ne cherchons donc pas à lire et à comprendre ce
Le propre de René Char, c’est la verbigération. C’est-à-dire la production systématique et pathologique de textes dénués de sens. Le mot, comme celui de logorrhée, est emprunté à la psychiatrie. Il n’est pas dans Littré. Mais dans Littré on trouve, qui n’est pas loin : verbiage, abondance de paroles et absence d’idées. Abondance, vous dites abondance ? Mais est-ce que les admirateurs de Char ne vantent pas sa concision, son art lapidaire, la force de son laconisme ? C’est oublier qu’à force de hacher menu il a fini par entasser des stères entiers de brindilles. Il a la brièveté interminable et la constriction fluviale. Mais quoi derrière ces mots, quoi sous ces pierres, ces graviers plutôt, ces gravillons à proprement parler ?
Rien. Ou tout ce qu’on veut. C’est la même chose.
[…]
Verbeux, verbosité, verbiage, verbigération, un seul mot : words, words, words. C’est le pur verbalisme qui fait la marque de cette poésie. Elle prend la paille des termes pour le grain des choses : elle se paie de mots.
Paris cette nuit-là au bras de ce garçon
Tout au long des trottoirs où chantonnaient les filles
On entendait l’amour marcher sur la Bastille
Je me rappellerai toujours cette chanson
Il paraît qu’ils l’ont pris tout près de Vaucresson
Et qu‘il chantait encor cet air de la Courtille
Les rosiers n’auront plus tant de roses qui brillent
Je me rappellerai toujours cette chanson
Ces messieurs de Paris la guillotineront
Ils me parlent toujours en pleurant de leurs filles
Avant de commander que je me déshabille
Je me rappellerai toujours cette chanson
Madame Emilia me demande au salon
Le corps selon la loi revient à la famille
Lui me disait toujours de garder ma résille
Je me rappellerai toujours cette chanson