On ne saurait mésestimer, pour progresser dans la connaissance de la constellation manuscrite, soeur négligée de la Galaxie Gutenberg, les recherches relativement récentes portant sur la littérature clandestine, les correspondances littéraires ou les nouvelles à la main. (...) Faisons un peu d'histoire. L'imprimerie n'est pas né contre le manuscrit: elle en fut d'abord la continuation par d'autres moyens. L'incunable sert à multiplier le manuscrit dans sa forme primitive; il représente un progrès essentiellement économique sur le produit des "scriptoria" en permettant d'abaisser le prix de revient de l'objet manufacturé. Mais, très rapidement, le livre fut soumis à des effets économiques pervers.
Quand les libraires parisiens décidèrent de traduire le «Chambers», quand Diderot se mit à la tâche avec d'Alembert, ils ne songeaient certainement pas à changer le monde avec un dictionnaire, même s'ils en attendaient autre chose qu'une simple compilation du connu. Ils ne soupçonnaient sans doute pas que cette gigantesque masse de papier inerte allait être le symbole d'un siècle où jamais l'homme ne fut plus près de mériter son nom.