Citations de Françoise Colley (45)
Pourquoi tant d'acharnement à faire durer les choses ? La résistance au changement. La peur du vide. La lâcheté. Le sens du devoir. L'orgueil. La loyauté. La promesse. L'engagement. Autant de mots pour nous maintenir. Nous contenir, nous empêcher.
Il était désinvolte et détaché, comme ceux qui grandissent tranquilles avec beaucoup d'amour et tout ce qu'il faut.
Les souvenirs, je m’en balance. Les regrets, je n’en ai pas. Ou alors, des tout petits. Je suis une amoureuse. « J’aime celui qui m’aime / Est-ce ma faute à moi / Si ce n’est pas le même / Que j’aime chaque fois ? » J’écoute la Gréco. Comme elle, j’suis toute nue sous mon pull, j’ai mon cœur à mon cou et le bonheur par en-dessous. À qui le tour ? Pourquoi pas lui ? Non, pas lui, mais l’autre, là, avec ses yeux verts, pourquoi pas ? Côté plumard, c’est pareil. On va innover. C’est ce qui me plaît dans ce grand bouleversement. L’idée de pouvoir enfiler une nouvelle peau, devenir une autre.
Je n’ai ni rage ni rancœur. Je ne suis pas aigrie, blasée, cynique. Je n’ai rien contre les hommes et rien contre l’amour. J’ai été aimée. J’ai besoin d’aimer. C’est le seul truc que je fais avec constance. Mon vrai boulot, c’est ça. Depuis toujours. Personne ne m'empêchera d'aimer.
On pleure beaucoup, quand on est jeune. Et ça dure, la jeunesse, quand on est mariée à un type qui pourrait être son père.
Il avait bien vécu et avait profité de tout cet amour aussi longtemps qu’il avait pu. Un vrai fils à papa, d’après Maman. Ses parents étaient riches, ils avaient une usine de chaussures à Graz, en Autriche. Cela aurait dû durer toujours, mais la chance a tourné quand le Führer a décidé de les exterminer.
Oui, on va récolter ce qu’on a semé. Pas grand-chose. C’est Ferré qui le dit, le bonheur c’est pas grand-chose, c’est du chagrin qui se repose. Maintenant, il a foutu le camp et la terre se dérobe sous mes pieds. C’est étrange, ces mots qui m’assaillent. Les mots des autres. De Lou Reed, de Ferré, de Barbara. Ils me parlent, je les écoute.
Je laisse faire, je suis trop douce, silencieuse et, pour finir, je deviens froide et indifférente. Mais avant de devenir sèche, j’aime, j’aime comme une dingue, je ne demande rien, j’attends tout, je m’accroche, je me cramponne et un jour, ça lâche… L’amour, c’est pas un truc qui s’arrête du jour au lendemain, ça prend son temps, c’est un travail de fourmi, long, insidieux. C’est comme les fuites dans le plafond, ça commence doucement, une petite goutte par-ci par-là. Et puis patatras, un jour, ça vous tombe sur la gueule.
Tout était laid, dégoûtant, magnifique.
J’étais l’objet de tous leurs phantasmes. De toutes les jalousies. Les garçons de terminale voulaient coucher avec moi. Je devais être trop bonne. Ça les excitait de me savoir avec ce type de trente-trois ans. Je devais savoir faire des choses inimaginables au lit. Ils étaient plus d’un à se chatouiller en pensant à moi. Mais macache, rien. Je me l’étais promis. Jamais je ne coucherais avec un mec de cette ville, de ce trou à rats. Jamais. Ce n’était pas dans le plan. Surtout pas. C’était une question de survie.
Elle m’a demandé d’aller voir ailleurs si elle y était. Ce n’était pas le moment de la contrarier. Je suis allée dans ma chambre. C’était une discussion entre adultes. Avec mes quinze ans à peine, je ne faisais pas le poids.
J’avais quelque chose à lui dire. On s’est retrouvées dans son lit toutes les deux. Elle dormait toujours du même côté. Elle nous tournait le dos et on pouvait se coller à elle. Accrochés comme des morpions.
Ça permettait aussi de lui parler plus facilement et de ne pas avoir à affronter son regard. Valait mieux, même dans le noir.
Il avait son âge. Elle aimait sa peau, son corps mais elle savait dans quel merdier elle s’était foutue. Il était sanguin, buvait déjà trop et n’était même pas capable d’être auprès d’elle pour la naissance de sa fille.
C’était comme ça, les camps d’ados, un vrai lieu de mixité sociale, il y avait les très pauvres et les très riches. Ça faisait des étincelles ! Ceux du milieu ne pouvaient pas se les payer.
Je pense au pouvoir des mots. À la manière dont on les travestit, les manipule en entreprise pour nous rendre flexibles, adaptables, agiles, jetables. Comment tout cela transpire au-dehors pour nous faire admettre l'inadmissible.
Réparer : faire disparaître un mal ou en atténuer les conséquences. C’est dans le Larousse. J’atténue.
Un divorce, c’est du chagrin. Une famille terrassée. Je sais. Je connais la chanson. Pardonnez mon enthousiasme, mais l’horloge fait tic-tac. J’ai tout fait comme il fallait. J’y ai cru dur comme fer. J’ai été patiente, ça a duré longtemps.
Ne pas se laisser aller, devenir grosse et informe. Jamais. Être toujours belle, bien habillée. Prendre le fric là où il est. Prendre les hommes pour ce qu’ils sont. Ne pas leur faire confiance. Ne pas leur faire à manger. Ne jamais les attendre. Ne pas les aimer, ou alors juste ce qu’il faut. Mais toujours beaucoup, beaucoup moins qu’ils ne vous aiment. Rester vigilante avec ce putain d’amour qui vous tue comme un poison.
Elle savait lire les gens autant que les figures éparpillées sur la table. Elle avait compris qu’il ne fallait pas retirer les mauvaises cartes des jeux, que cela n’empêchait pas les bus de vous déquiller au coin d’une rue.
Les sorcières, c’est autre chose. Elles ont de vraies ambitions pour nous. Elles se rebellent, elles revendiquent, elles résistent. Elles risquent le bûcher, la noyade, la pendaison, et se bagarrent à grands coups de fourche et d’éclairs pour rester libres.
Elles ne se contentent pas des miettes. Elles ne sont pas oisives, comme ces fées imbéciles qui nous carottent en nous faisant croire que notre seule échappatoire est de choper un mec blindé et de le coincer en lui faisant plein d’enfants.