Citations de Françoise Grandhomme (53)
Elle pensait attraper un coup de tristesse en l'écoutant et finalement elle repart avec un coup de soleil à l'âme. Larme à l'œil certes, mais sans grain de sable pourtant, la romancière sent vibrer en elle un nouveau chapitre…
- Oyez, oyez, avec le Kator, sans efforts, tu deviens plus fort ! crissent et craquètent les vendeurs dans leurs entonnoirs en bambou.
Il faudrait toujours observer ceux qui ne se pressent pas mais arrivent toujours à bon port, sans casse.
Ils sont un peu longs à la détente. Intelligents, mais… lents. Lentement intelligents en fait.
Le thon juvénile piégé par le gras thonier ; l’océan, mis en boîte, se meurt. Il perd son bon goût du large.
La pensée, c’est le début de l’idée, et l’idée mène à l’expérience, et l’expérience à une vérité, jusqu’à ce qu’on trouve une meilleure pensée, etc.
Gabriel dessine-moi ce poème avec tes crayons de couleurs.
Fais-le voyager par-dessus les ruelles pour colorer les murs des Triste-villes.
16 - UN FIL BLEU TENDU
Aman
Dans un hameau de montagne, près de Rada’a. Un camp isolé. La porte est entrouverte. L’homme à la barbe s’est assoupi, sa kalachnikov repose sur ses genoux. Aman respire à peine. Ses yeux agrandis mangent son visage. Il pose ses pieds nus sur les marches. Le sol en terre éteint ses pas. Il se glisse dans l’ouverture. Contourne le garde. La lune écorche la ruelle d’une lueur blafarde. Un chien aboie. Aman se cache sous un camion, tenaillé par la peur.
À travers le soupirail d’un autre trou dans la roche, il cherche le regard de cet homme étrange. Ses yeux sont bleus. Comme lui, il est prisonnier. Aman lui dépose chaque jour un plat de lentilles ou de fèves et un peu d’eau. Jamais assez. Par ces visites furtives ils s’apprivoisent. Ils se comprennent.
Aman s’approche des barreaux. Il tend sa main. Dans le regard de l’autre, il est un enfant. L’homme au teint clair chuchote. C’est doux comme la neige au soleil. Doux comme son prénom ; Taavi. Pourtant il sait qu’il sera exécuté demain. Aman et les autres garçons ont creusé une fosse.
Máhtto fronce les sourcils. Pourtant ce n’est pas la première fois que ce monde perd la boule, pense Sophie, se balançant d’un pied sur l’autre. Et puis, il est déjà au courant, non ?
— Une bombe, en pleine rue... un jour de fête... avec des rires d’enfants...
Les mots de Máhtto s’éteignent doucement.
Averse qui chahute un toit de tôle, s’en va mourir goutte à goutte jusqu’au silence dans la ruelle.
Il s’éclipse un instant, le temps d’un battement de paupières, troublé par cette vision, cette violence d’un monde écarlate qui n’en finit pas d’éclabousser la Vie. Puis il revient à quelques pas de là.
D’un frisson d’épaules, il reprend de l’éclat. Une vague d’aurore boréale ondule sur sa cape.
— Hum… Excuse-moi Sophie, reprenons. Je pense que tu ne leur souffles pas assez fort dans les oreilles.
— Si pourtant, « j’éole » leurs rêves, « marguerite » leurs idées. Les algues comprennent, elles. Même les galets, il me semble. Mais les Hommes, c’est simple, je crois qu’ils ne croient plus en la magie.
— Ce n’est pas étonnant, avec le progrès elle s’efface.
Alors que la plume de Máhtto cherche désespérément la définition des verbes « éoler » et « margueriter », il se concentre :
— Voyons...
Hélas, quelque temps après, en l’an 1312 du calendrier tri-lunaire de Cancer, les Crokors, Crabes colorés géants, ont commencé à faire pencher la balance. À la saison bleue, particulièrement glaciale, Greg le leader de cette tribu a jeté son ombre mégalomane sur la Liberté, rasant sur son passage la terre et la mer de sa beauté innée.
Adama, sa chemise blanche flottant sur ses bras minces, comme les ailes d’un goéland, erre dans les rayons de la bibliothèque d’Addis-Abeba, en Éthiopie. Que de chemin parcouru depuis son enfance au village de Kidam, parsemé de petites maisons rondes au toit de chaume et de ruelles de poussière ocre. Son grand-père serait fier de lui. Il s’appelait Selam.
Alors, les humains, je vais en sélectionner quelques-uns, de doux-rêveurs, un peu fous, un peu aventuriers, un peu scientifiques aussi, car il faut un minimum de rigueur pour mener à bien cette mission. Il ne faudrait pas que l’expérience fasse naufrage !... Des petits gars doués qui seraient prêts à tout pour décrocher la Lune, sauf que là, il ne s’agit pas de visiter l’Univers, ce sera pour plus tard... Bon, c’est vrai que l’Univers est passionnant. Moi-même... j’imagine-erre... dans l’Univers... Ah ! Mince, les mots de mon roman s’échappent...
Pichaud, Françoise. Imagine-erre (French Edition) . Édition du Kindle.
Kautokeino en Norvège. La petite ville vibre sous les sons électro acoustiques d’un passé chamanique. Les rubans multicolores flottent sur les costumes traditionnels et fleurissent l’hiver. Le printemps approche tout doucement sur ses mocassins en peau de phoque. Plus loin la course de rennes s’élance brinquebalant les skieurs trop légers accrochés à leur corde. Les moufles de laine applaudissent les chutes et les prouesses. Les bottes en fourrure grises ou brunes tapent la neige. Les chapkas colorées laissent fondre les voix et les cris des enfants dans la chaleur de la fête.
Pichaud, Françoise. Imagine-erre (French Edition) . Édition du Kindle.