Máhtto fronce les sourcils. Pourtant ce n’est pas la première fois que ce monde perd la boule, pense Sophie, se balançant d’un pied sur l’autre. Et puis, il est déjà au courant, non ?
— Une bombe, en pleine rue... un jour de fête... avec des rires d’enfants...
Les mots de Máhtto s’éteignent doucement.
Averse qui chahute un toit de tôle, s’en va mourir goutte à goutte jusqu’au silence dans la ruelle.
Il s’éclipse un instant, le temps d’un battement de paupières, troublé par cette vision, cette violence d’un monde écarlate qui n’en finit pas d’éclabousser la Vie. Puis il revient à quelques pas de là.
D’un frisson d’épaules, il reprend de l’éclat. Une vague d’aurore boréale ondule sur sa cape.
— Hum… Excuse-moi Sophie, reprenons. Je pense que tu ne leur souffles pas assez fort dans les oreilles.
— Si pourtant, « j’éole » leurs rêves, « marguerite » leurs idées. Les algues comprennent, elles. Même les galets, il me semble. Mais les Hommes, c’est simple, je crois qu’ils ne croient plus en la magie.
— Ce n’est pas étonnant, avec le progrès elle s’efface.
Alors que la plume de Máhtto cherche désespérément la définition des verbes « éoler » et « margueriter », il se concentre :
— Voyons...
Il faudrait toujours observer ceux qui ne se pressent pas mais arrivent toujours à bon port, sans casse.
La pensée, c’est le début de l’idée, et l’idée mène à l’expérience, et l’expérience à une vérité, jusqu’à ce qu’on trouve une meilleure pensée, etc.
Ils sont un peu longs à la détente. Intelligents, mais… lents. Lentement intelligents en fait.
Adama, sa chemise blanche flottant sur ses bras minces, comme les ailes d’un goéland, erre dans les rayons de la bibliothèque d’Addis-Abeba, en Éthiopie. Que de chemin parcouru depuis son enfance au village de Kidam, parsemé de petites maisons rondes au toit de chaume et de ruelles de poussière ocre. Son grand-père serait fier de lui. Il s’appelait Selam.
Hélas, quelque temps après, en l’an 1312 du calendrier tri-lunaire de Cancer, les Crokors, Crabes colorés géants, ont commencé à faire pencher la balance. À la saison bleue, particulièrement glaciale, Greg le leader de cette tribu a jeté son ombre mégalomane sur la Liberté, rasant sur son passage la terre et la mer de sa beauté innée.
Kautokeino en Norvège. La petite ville vibre sous les sons électro acoustiques d’un passé chamanique. Les rubans multicolores flottent sur les costumes traditionnels et fleurissent l’hiver. Le printemps approche tout doucement sur ses mocassins en peau de phoque. Plus loin la course de rennes s’élance brinquebalant les skieurs trop légers accrochés à leur corde. Les moufles de laine applaudissent les chutes et les prouesses. Les bottes en fourrure grises ou brunes tapent la neige. Les chapkas colorées laissent fondre les voix et les cris des enfants dans la chaleur de la fête.
Pichaud, Françoise. Imagine-erre (French Edition) . Édition du Kindle.
Le thon juvénile piégé par le gras thonier ; l’océan, mis en boîte, se meurt. Il perd son bon goût du large.
Alors, les humains, je vais en sélectionner quelques-uns, de doux-rêveurs, un peu fous, un peu aventuriers, un peu scientifiques aussi, car il faut un minimum de rigueur pour mener à bien cette mission. Il ne faudrait pas que l’expérience fasse naufrage !... Des petits gars doués qui seraient prêts à tout pour décrocher la Lune, sauf que là, il ne s’agit pas de visiter l’Univers, ce sera pour plus tard... Bon, c’est vrai que l’Univers est passionnant. Moi-même... j’imagine-erre... dans l’Univers... Ah ! Mince, les mots de mon roman s’échappent...
Pichaud, Françoise. Imagine-erre (French Edition) . Édition du Kindle.
Gabriel dessine-moi ce poème avec tes crayons de couleurs.
Fais-le voyager par-dessus les ruelles pour colorer les murs des Triste-villes.