Vidéo de Frédéric Joignot
Pour le bouddhisme zen - venu de Chine, implanté au Japon, découvert au XIXe siècle en Occident, où il est très étudié depuis les années 1960 -, un "kôan" est une énigme philosophique destinée à troubler de façon durable les pensées toutes faites, les a priori et les préjugés des jeunes initiés au zen. Paradoxal, illogique, parfois absurde, il cherche à les plonger dans une situation intellectuelle impossible, d'où ils ne peuvent pas sortir qu'en renouvelant leur pensée - en reconsidérant l'opinion commune, la "doxa", et les tics de leur ego. Pour ce faire, le maître en bouddhisme leur pose des questions dérangeantes, les confronte à des paradoxes ou leur recommande des actions inattendues.

Pour Théophraste, qui succéda à Aristote à la tête du "Lycée" d'Athènes, le problème vient de ce que ces caractériels ne sont pas assez "philosophes". Ils manquent de contrôle sur leurs passions et leurs lubies. Ils ne savent pas se contenir, comme s'y exercent les stoïciens et les épicuriens - leurs contemporains. Ils obéissent sans retenue à leurs réactions maniaques. Ils ignorent les conseils "éthiques" d'Aristote, qui prône une conduite évitant d'agresser et blesser les autres, cherche le consensus, cultive la civilité. Théophraste brosse leurs travers, pour que les "jeunes générations" apprennent à les reconnaître - et, partant, à bien se tenir civilement. A se méfier des esprits compulsifs, envahissants et bornés. Car le caractériel est l'antiphilosophe. Il ne fait aucun travail d'introspection sur ses ergotages. Il est dans le déni. Le pulsionnel intellectuel. L'orgueil aveuglé. Il refuse de se regarder en face. D'écouter ceux qui se plaignent de sa pénibilité. Il ne s'interroge pas sur ses emportements et ses ombres, comme le préconisent Héraclite d'Ephèse et Socrate. Bientôt, il échoue à trouver le chemin de la "sagesse".

Il a fait distribuer à neuf "compères" prévenus et un "naïf" - le sujet de l'expérience - des dessins de lignes longues et courtes. Chacun doit dire comment il les voit : sont-elles petites ou allongées ? Tous les "compères" répondent de façon erronée, démentant l'évidence : une ligne est beaucoup plus courte que les autres de plusieurs centimètres, mais ils déclarent qu'elle est plus longue. Quand le "naïf" répond à son tour, après eux, une fois sur trois il répète ce que dit la majorité : oui, cette ligne, avec ses cinq centimètres en moins a la même taille que les autres. Il préfère trahir sa propre certitude et l'évidence géométrique pour se conformer aux autres. Il ne veut pas détonner. Cette expérience a été menée des centaines de fois par Solomon Asch. À chaque fois, un tiers de participants se range d'avis commun. Pourtant faux. C'est ce que Solomon Asch appelle "l'intériorisation du conformisme" : un individu sur trois adopte l'avis de la majorité, même quand il contredit l'expérience vécue. Il préfère respecter la norme que la vérité, répéter la "doxa", l'opinion, plutôt que la contredire.
Au nom d'une métaphysique de l'Être et de l'Immuable, le savoir conjectural et la connaissance oblique des habiles et des prudents furent rejetés du côté du non-savoir. Cette méfiance s'est perpétuée dans l'Europe chrétienne, où la philosophie de la vérité "toujours bonne à dire", fondée sur le respect d'une moralité faite de règles toutes faites et de péchés capitaux, en vue de conduire un Être moral constant, dogmatique et strict, la ruse a été amalgamée à l'astuce, la feinte et la fourberie - voir une forme de trahison. C'est une importante lacune intellectuelle de notre tradition, même si certains auteurs l'ont cultivée....
L'infantilisation des adultes est en marche dans un monde...où, pendant 20 ans, politiques et économistes nous ont fait croire que le capitalisme financier, le banquier enchaînant le pauvre à crédit et le trader de Wall Street représentaient le summum de l'humain...où on glorifie le corps teenager pour tous à tout âge...où la consommation est devenue le seul mode de vie, la superficialité l'idéal, la révolte une folie...
Enfin les étudiantes parlaient haut et fort des problèmes qui leur tenaient à cœur , elles qui avaient été , proclamaient-elles,les perdantes des révolutions. Certaines, pour la première fois, protestataient quand les hommes accaparaient la parole. Et pour la première fois, tout un amphi discutait de sujets jusque-là tabous, méprisés, jugés secondaires par les marxistes et les gauchistes : l'oppression des femmes, l'avortement, la pilule, le mari " chefs de famille " , l'égalité, les différences de salaire, la révolution sexuelle, l'homosexualité, l'orgasme. Une assemblée historique, oui...
Le street-art naît à ce moment là, accompagnant les graffitis. Il ne s'arrêtera plus .
Ils extraient de la rue éventrée des lourdes pierres, se les passent de mains en mains, et cette chaîne humaine les jette sur un grand tas pyramidal qui obstrué la chaussée. La barricade...
Ces récits nous glaçaient, mes frères, mes sœurs, mes cousins- notre génération d'adolescents d'après-guerre. Ils ont constitué en moi, le lycéen ensursis du service militaire, un bloc compact d'idées pacifiques, un front du refus du militantisme, une profonde méfiance envers les patriotes, les racismes, l'extrême-droite, le chauvinisme. Je crois qu'elles constituaient un socle commun à bien des jeunes qui se sont soulevés en 68, gousses enfants de parents marqués par la guerre et le fascisme.
Nous n'avions plus peur du racisme vaincu, la guerre nous semblait lointaine, nous goùùgilns la paix des chaumières depuis l'enfance, et nous étions bien décidés à l'explorer plus avant encore, ce bonheur, à en profiter jusqu'à plus soif, en pleine liberté, sans nous laisser. Contenir par les filles contraintes, et cela pour des raisons plus existentielles, plus musicales, poétiques, lyriques.... Impossible de co?prendre mai 1968 sans voir cela !