"Soyez de bonne humeur" nous enjoint Shakespeare ; celle qui, plus que la joie, renverse et donne la force de retourner la mauvaise humeur. La richesse puisée dans les musées, c'est de la résistance. Elle permet de ne jamais être seul, de trouver des réponses aux obstacles de l'existence et de retendre le ressort du "métier de vivre".
Si vous pensez que l'art n'est pas la réalité, que le musée est en dehors de la vie, que la culture est vaine face aux vicissitudes du monde, pensez que les musées souvent réconcilient avec l'humanité.
La visite d'un musée n'a de valeur que dans les traces intimes qu'elles laissent en nous, dans les remarques et les regards des gens qui nous accompagnent et, partant, transforment notre propre regard. Comme l'écrivait John Keats, "Rien ne devient jamais réel tant qu'on ne l'a pas ressenti".
En quête de liberté, je veille pour ma part à ne pas subir la pression du bon ou du mauvais goût. Ma culture vient du refus d'un rapport formaté à la culture.
Loin de l'esprit de salon, le goût des musées sert à aimer mieux pour aimer plus, à agrandir le spectre de ce qui est appréciable, toujours au-delà. Poussé par l'appétit, on peut associer culture et nourriture. Si on consacre beaucoup de temps aux musées, on n'a jamais l'impression d'en perdre. C'est comme se retrouver au cœur d'un monde dont la richesse n'a de limites que l'infini qui le compose.
Aller dans, c'est aussi aller vers : déterminé à ne pas craindre son ignorance, on se laisse porter par l'envie et, un beau jour, on ressent le désir de sortir des livres sur les impressionnistes pour aller se confronter directement à leurs œuvres au musée d'Orsay. Une fois sur place, il suffit de regarder, de trouver cela beau - ou non, l'important étant de réagir. L'objet s'impose à celui qui est réceptif, même s'il est sans culture héritée.
J'aime me dire que les couloirs des musées sont des mains que les objets inanimés nous tendent pour mieux nous saluer, nous attirer. A chaque lieu son histoire, un dialogue ouvert sur la sensibilité.
Les choses sont les gardiennes de la mémoire ; tangibles manifestations de la réalité, témoignages matériels du passé, elles ont le pouvoir de nous transporter en se racontant.
Dispersant mes centres d’intérêt, je suis une nomade de regards et de goûts, qui considère le Louvre comme sa maison. De la Grande Galerie au couloir des Poules, j’y traîne comme dans mon jardin.