Gérard Lenne

"Il avait la tête du monsieur qu'on croise dans la rue sans se retourner", tel est le leitmotiv de la presse au lendemain de sa mort." Il était un peu notre cousin à tous, précise dans Le Journal du Dimanche le romancier Barjavel. Le cousin marrant chez qui nous avions passé nos vacances à la campagne." Seulement, il pousse ce mimétisme à l'extrême, mine de rien. "Simple comme Bourvil" titre le Figaro, et même "Le génie de la simplicité". Et si cette facilité est si sympathique au grand public, c'est qu'il en perçoit la formidable sincérité, à l'instar d'un Marcel Aymé qui, longtemps réticent, sera conquis : "Sa force provient d'une lacune, il n'a pas appris à tricher."

Deux ans après sa sortie sur les Champs-Elysées, ils vont enfin découvrir le film de Roger Vadim, Et Dieu créa la femme... Un spectacle si sulfureux que le cardinal de New-York (Francis Spellman -- NDLA) interdit à ses paroissiens de le voir et les menacent d'excommunication s'ils désobéissent!

Et Dieu créa la femme, Roger Vadim, 1956.

D'autres films achèvent de distinguer l'homosexualité de la monstruosité à laquelle on l'assimilait jadis. Dans "Je t'aime, moi non plus", de Serge Gainsbourg, c'est une passion amoureuse entre deux éboueurs (Joe Dalessandro et Hugues Quester) qui se séparent pour une jeune barmaid androgyne (Jane Birkin), avant de se réconcilier aux dernières images. Plus tard, on aboutit à la fureur de vivre néoromantique des années 90, celle des "Nuits fauves" de Cyril Collard (1992), dont le discours douteux repose sur la bisexualité assumée du héros. Vivant avec une fille et amoureux d'un fils d'émigrés espagnols, Jean ne peut s'empêcher d'aller draguer sur les quais pour des accouplements sauvages avec des garçons...

Aucun risque ici de tomber sur une affiche agressive comme celles du métro parisien, avec ces filles à demi nues qui vendent des cuisinières et des shampooings. Quand il en voit une, Monsieur Hulot tourne la tête prestement. Il vérifie que personne ne le regarde avant d'y revenir en douce, pour mieux apprécier les rondeurs féminines.

Les vacances de M. Hulot, Jacques Tati, 1953.

Elle se retourne et éclate d'un rire sardonique, avant de lâcher une bordée d'obscénités telles qu'on ne saurait les reproduire ici. Le sacrilège le plus odieux se mêle à la provocation sexuelle la plus crue. Elle s'offre à eux, leur propose une parie à trois, arrache son soutien-gorge, et tente de se jeter sur eux... Karras s'enfuit le premier, bouleversé par cette folie érotique. Regan tente alors d'enlacer le vieux Lankester, qui se dégage brutalement malgré les supplications de l'adolescente hurlant sa frustration.

L'Exorciste, William Friedkin, 1973.

Mais non, Tchang, tous les blancs ne sont pas mauvais, mais les peuples se connaissent mal. Ainsi, beaucoup d' Européens s'imaginent que tous les Chinois sont des hommes fourbes et cruels, qui portent une natte et qui passent leur temps à inventer des supplices et à manger des oeufs pourris et des nids d'hirondelle ...

Les deux garnements se glissent prestement pour entrer par la sortie, tels Jean-Pierre Léaud et son copain dans Les 400 coups, dans leur bonne vieille salle de quartier. Depuis le temps qu'on en parle en cours de récré! depuis le temps qu'on se refile en douce des photos de Bardot découpées dans des magazines!

Et Dieu créa la femme, Roger Vadim, 1956.

Le cardinal contemple sa séide, moulée dans une robe de velours noir qui lui descend jusqu'aux pieds, mais qui laisse ses épaules nues, ainsi que le haut de sa gorge proéminente. suspendu à un collier, un diamant étincelant se balance entre ses seins.

Les Trois Mousquetaires, Bernard Borderie, 1961.

C'est qu'elle est belle jane, et d'autant plus tentante qu'elle se promène elle aussi toute nue, sans le moindre string, et qu'elle a une silhouette ravageuse, et qu'elle n'a aucun sens du péché puisque les missionnaires blancs n'ont pas encore évangélisé la région!

Tarzan, l'homme-singe, W.S. Van Dyke, 1932

Contrairement à l'imagerie hollywoodienne classique, il ne porte ni pagne ni slip en peau de léopard. Nous sommes en effet dans une version non expurgée du classique d'Edgar Rice Burroughs. Tarzan caresse silencieusement ses testicules et on imagine bien ce qu'il pense : qu'il aurait pu se les cogner contre un tronc de baobab, ou se les prendre dans une boucle de liane, auquel cas c'eût été une raison de plus de pousser son fameux "Yo-hi-yo-hi-yooooh!".

Tarzan, l'homme-singe, W.S. Van Dyke, 1932

Enfin, le voici, comblant d'un coup tous ses fantasmes, le "puissant gorille" qui, comme clame Brassens "au jeu de l'amour vaut son prix". Il aperçoit le frêle créature et paraît plus étonné qu'elle. Il l'emporte...

B. Schoedsack et Merian C. Cooper, 1933.

Divine surprise! Elle ne portait rien dessous, et c'est le corps absolument nu d'Anita Ekberg, qui apparaît, éblouissant.

La Dolce Vita, Federico Fellini, 1962.

Rome, au coeur de la nuit. Sylvia, la plantureuse star nordique, plonge un pied,puis l'autre, dans l'eau clapotante de la fontaine de Trevi. Elle s'offre aux jets qui l'arrosent. Très vite, la légère robe noire qu'elle porte est entièrement imbibée, moulant outrageusement les formes de la sculpturale actrice.

La Dolce Vita, Federico Fellini, 1962.

Le commandant est en extase. jamais il n'aurait cru que cette petite bourgeoise fût capable d'une telle science en cette caresse intime. Il ferme les yeux. Il est en train de perdre le contrôle du Titanic... Et c'est le choc, celui qui ne pardonne pas...

Titanic, James Cameron, 1997.

Alice prend son temps, son strip-tease se décompose en plusieurs phases. D'abord, elle abandonne pull et chemisier, et se promène comme ça un bon quart d'heure, en soutien-gorge. Monsieur Hire raffole particulièrement des seins d'Alice : cette attente est pour lui délicieuse et douloureuse.

Monsieur Hire, Patrice Leconte, 1989.

Sa barbe mal taillée et sa moustache drue semblèrent à Lady Constance le comble de l'érotisme.

Lady Chatterley, Pascale Ferran, 2006.

Coiffée d'un gibus, sanglée dans une guêpière, la chanteuse prend des poses sexy en exhibant de longues jambes gainées de bas aux jarretelles assassines.

L'Ange bleu, Josef Von Sternberg, 1929.

Profitons de l'occasion pour en finir avec une légende tenace : dans ce film signé Josef Von Sternberg (Allemagne, 1929), "L'Ange bleu" ne désigne pas la vedette féminine, Marlène Dietrich, mais le cabaret -- le "Beuglan" -- où elle se produit chaque soir. Marlène s'appelle Lola-Lola, c'est une artiste de music-hall pour le moins légère, mais qui n'a rien de bleu, et encore moins d'angélique.

L'Ange bleu, Josef Von Sternberg, 1929.

Les nuits de Galilée sont chaudes, irrespirables pendant l'été. Marie-Madeleine est étendue sur sa couche, morte de fatigue. Son dernier client vient de sortir, elle est encore nue, exposant une croupe majestueuse. L'actrice Barbara Hershey ne semble pas doublée pour cette scène cruciale. Entre les longues tresses frisottées, de légers tatouages marquent sa peau cuivrée.

La Dernière Tentation du Christ, Martin Sorcese, 1988.

Dès qu'il l'a quittée, elle ne traîne pas. Le léger sweater atterrit sur le couvre-lit.
Elle traîne encore un peu en soutien-gorge, ce fameux soutien-gorge qui va si bien à l'actrice Janet Leigh, et qui évoque pour tout connaisseur le poète monégasque Apollinaire ("Tes seins sont les obus que je préfère" -- en français dans le texte!), avant de le dégrafer avec un soupir de soulagement... Ses seins libérés évoluent gracieusement au gré de ce strip-tease impromptu.

Psychose, Alfred Hitchcock, 1960.