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Critiques de Gertrud Kolmar (5)
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Mondes

De Gertrud Kolmar (Chodziesner), poétesse allemande née à Berlin en 1894 et tragiquement disparue en mars 1943 à Auschwitz, on sait peu de choses.

Au plus quelques dates marquantes et des éléments de sa vie extraits de la longue correspondance qu'elle entretint avec sa soeur Hilde.



Issue de la bourgeoisie (oncle de Walter Benjamin, son père était avocat. Sa mère était elle originaire d'une famille de commerçants aisés et cultivés), Gertrud Kolmar se passionna jeune pour les langues étrangères. Après de longues années durant lesquelles elle étudia l'anglais, le français et l'hébreu, elle devint préceptrice puis traductrice. Son tempérament secret et dévoué la fera demeurer auprès de ses parents, presque sa vie durant.



Ses premiers écrits datent de 1917. Seuls quelques-uns de ses poèmes sont publiés dans des revues locales. Kolmar qui se tient volontairement à l'écart des milieux littéraires, sait pourtant avec précision ce qu'elle recherche au travers de l'écriture.

C'est entre août et décembre 1937 qu'elle écrit un ensemble de poèmes qu'elle réunira sous le titre de Welten (Mondes). C'est par ce recueil qui va marquer l'ensemble de son oeuvre que je suis arrivé à sa poésie. Quelle découverte !



À la première lecture, dès les premiers textes, ce qui marque, c'est l'usage des vers libres, des strophes de longueur inégale. Pas de convention de forme, pas de rimes. Ce choix personnel permet à la poétesse d'aller au plus près de ce qu'elle veut confier.

Après quelques pages, quelque chose s'élève et s'impose à la conscience du lecteur. Comme une respiration, une voix basse qui donne son rythme au poème.

La voix chez Kolmar est ce qui relie au monde, mais aussi ce qui en détache. Elle est ce double mouvement du regard qui s'imprègne profondément de ce qu'il voit et observe mais qui s'enfonce aussi dans son moi intime et dans la plénitude de l'imaginaire.



Dans la poésie de Gertrud Kolmar des thèmes récurrents apparaissent comme l'amour (déçu), la féminité, la perte de l'enfant jamais venu au monde (l'écrivaine a subit un avortement forcé, sa famille refusant de reconnaître une liaison qu'elle eut avec un officier allemand) mais également son affection profonde pour le monde végétal et animal.



Dans tous ses poèmes, Kolmar emprunte au style élégiaque, au symbolisme, à l'onirisme, use de métaphores, de références bibliques et mythologiques pour faire aller son écriture entre réalité et imaginaire. Celle-ci devient particulièrement touchante, découvrant un détail après l'autre, chaque image en faisant éclore une autre, douce réserve de couleurs et de saveurs, d'impressions nouvelles.



Lorsque elle écrit Welten en 1937, le pouvoir nazi règne sur l'Allemagne depuis 3 ans. Gertrud Kolmar vivait depuis plusieurs années le vide d'une existence personnelle que les ténèbres du dehors ne firent qu'accroître. Seule l'écriture lui permit d'affronter le vide intérieur et celui du naufrage d'un pays.

J'ai été touché par la découverte et la lecture de Mondes. Poésie sombre et nostalgique mais qui porte aussi en elle la consolation, la possibilité d'un monde où se retrouver enfin, apaisé.





Pour ce recueil paru dans une édition bilingue, une mention particulière pour la remarquable traduction des poèmes réalisée par Jacques Lajarrige.
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Lettres

Berlin ! Gertrud a aimé à vingt ans. La famille l'a obligé à avorter et à oublier cet amour.

Elle est restée seule ou plutôt avec un souvenir dont elle ne parle jamais.

Elle devient poète.

Arrivent les nazis au pouvoir.

Tilde, sa sœur, se réfugie en Suisse avec son mari et sa fille. Gertrud, restée avec son père veuf, qui ne veut pas partir, leurs écrit régulièrement.

Gertrud, pleine d'une grande sensibilité, décrit dans ses lettres, le sort réservé aux allemands juifs.

De la perte de la maison, au travail obligatoire en usine, chaque jour grignote la vie de ces gens, pour les amener finalement à Auschwitz.

Le lecteur s'attache à Gertrud. Quand il referme le livre il souhaite que d'autres lettres d'elle soient découvertes un jour. Il se sent veuf d'elle et de toutes celles que cette « monstruosité » a emportées.



9 -
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Susanna

Ce récit étrange et envoûtant nous raconte une rencontre insolite entre deux femmes que tout oppose: l'âge, le vécu, la perception des choses... La première, Susanna, est différente de ce l'on attend habituellement d'une jeune femme de l'époque, elle est vive, joyeuse, entreprenante, mais surtout, elle vit dans son monde. Elle croit en ses rêves, en ses idées quelques fois saugrenues, en ses certitudes, avec une telle force qu'elle en est touchante et qu'elle parvient à nous faire croire en sa propre réalité.

La seconde, sa gouvernante nouvellement engagée et narratrice de cette histoire, semble désabusée et assiste spectatrice aux allocutions de sa protégée. Elle va apprendre à connaître, ou du moins à appréhender, l'étrange jouvencelle dont elle s'occupe de la manière qu'elle juge la meilleure. Cela se finalise de façon tragique, mais logique.

C'est un récit surprenant, dans lequel il n'est pas facile de s'immerger, et le fait qu'il soit très court ne permet pas une intégration, mais c'est intéressant et l'histoire est poétique.



Le fait que l'auteure ait écrit ce texte en une période sombre, de conflit, alors qu'elle était assignée à résidence avec son père dans un appartement collectif pour Juifs et que seule la nuit lui permettait assez de tranquilité pour coucher les mots de cette histoire sur papier, tout cela donne plus de force à cet ouvrage.

Bien que parfois curieux, ce livre a su me charmer. Mais je conseille de le lire en une fois, si possible sans faire de pause.
Lien : http://letoucherdespages.blo..
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Susanna

Voilà un texte succinct mais qui fait chavirer le lecteur. Une gouvernante fait la connaissance de la jeune fille dont elle va devoir s'occuper. Âgée d'une vingtaine d'années, Susanna - la jeune femme - est d'une beauté à couper le souffle. Mais elle est quelque part à voguer dans une douce folie. "Les nuages qui passent au-dessus de nous ne pèsent pas sur elle ; les murs qui nous oppressent et nous entravent, nous autres adultes, n'existent pas pour elle." (p. 10)



Orpheline de père et de mère, Susanna vient de voir son ancienne nurse, Séraphine, partir en retraite et la nouvelle, plus âgée, raconte l'histoire, la leur. Quand commence le roman, on apprend que cet épisode est déjà bien ancré dans le passé. Toutefois la réminiscence de cette rencontre, de cet isolement passionne. La nouvelle gouvernante se retrouve seule en charge de cette grande enfant qui divague constamment. Susanna est vouée à rester seule, confinée à sa demeure, sans contact aucun sinon celui choisi par le tuteur légal. Quelle perspective morne que se cloîtrer alors que les premiers émois pourraient surgir à tout moment !



Et la tant redoutée passion amoureuse a bien lieu, cautionnée par l'ancienne et la nouvelle gouvernante. Le soupirant reste à l'extérieur du jardin et fait sa cour à travers la grille. Pourquoi empêcher une telle idylle alors que contact physique, il n'y a pas ?

Tout serait évidemment beaucoup trop simple si l'amourette s'était bornée à ce petit jeu d'adolescents. La situation s'emballe lorsque le jeune homme prévoit de rejoindre définitivement Berlin.



Ce livre est particulièrement agréable à lire car les deux personnages campent deux personnalités extrêmement éloignées. Lorsque Susanna crie à la passion, la gouvernante rétorque par la raison et la prudence. Toute leur cohabitation crée ainsi des dialogues particulièrement croustillants ou chacune délivre un peu de vérité.



Lecture poignante lorsqu'on la situe dans la biographie de l'auteur : dernier texte écrit en 1939, dans un appartement collectif pour Juifs, avant la déportation. La plume est juste car elle évoque la furieuse envie de vivre et de connaître l'extérieur.



C'est vraiment à recommander.
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Susanna

Un récit court et plein de poésie, qui au fil des pages, discrètement, parle aussi de la position des juifs allemands... Un texte sur la folie aussi, l'amour impossible, et le regard des autres sur cette folie. Gertrud Kolmar, de son vrai nom Gertrud Chodziesner, née en 1894 dans un famille de la grande bourgeoisie juive, est morte en février 1943 dans le camp de concentration d'Auschwitz. Elle avait réussi à transmettre ses manuscrits à sa soeur, exilée en Suisse, alors qu'elle-même refusait de quitter l'Allemagne pour rester auprès de son père (déporté pour sa part en septembre 1942). Je lirais bien La mère juive, écrit en 1930 après la mort de sa mère, mais il n'est pas à la bibliothèque, où je peux juste aussi lire un recueil de poèmes, Mondes.
Lien : http://vdujardin.over-blog.c..
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