Voilà un texte succinct mais qui fait chavirer le lecteur. Une gouvernante fait la connaissance de la jeune fille dont elle va devoir s'occuper. Âgée d'une vingtaine d'années,
Susanna - la jeune femme - est d'une beauté à couper le souffle. Mais elle est quelque part à voguer dans une douce folie. "Les nuages qui passent au-dessus de nous ne pèsent pas sur elle ; les murs qui nous oppressent et nous entravent, nous autres adultes, n'existent pas pour elle." (p. 10)
Orpheline de père et de mère,
Susanna vient de voir son ancienne nurse, Séraphine, partir en retraite et la nouvelle, plus âgée, raconte l'histoire, la leur. Quand commence le roman, on apprend que cet épisode est déjà bien ancré dans le passé. Toutefois la réminiscence de cette rencontre, de cet isolement passionne. La nouvelle gouvernante se retrouve seule en charge de cette grande enfant qui divague constamment.
Susanna est vouée à rester seule, confinée à sa demeure, sans contact aucun sinon celui choisi par le tuteur légal. Quelle perspective morne que se cloîtrer alors que les premiers émois pourraient surgir à tout moment !
Et la tant redoutée passion amoureuse a bien lieu, cautionnée par l'ancienne et la nouvelle gouvernante. le soupirant reste à l'extérieur du jardin et fait sa cour à travers la grille. Pourquoi empêcher une telle idylle alors que contact physique, il n'y a pas ?
Tout serait évidemment beaucoup trop simple si l'amourette s'était bornée à ce petit jeu d'adolescents. La situation s'emballe lorsque le jeune homme prévoit de rejoindre définitivement Berlin.
Ce livre est particulièrement agréable à lire car les deux personnages campent deux personnalités extrêmement éloignées. Lorsque
Susanna crie à la passion, la gouvernante rétorque par la raison et la prudence. Toute leur cohabitation crée ainsi des dialogues particulièrement croustillants ou chacune délivre un peu de vérité.
Lecture poignante lorsqu'on la situe dans la biographie de l'auteur : dernier texte écrit en 1939, dans un appartement collectif pour Juifs, avant la déportation. La plume est juste car elle évoque la furieuse envie de vivre et de connaître l'extérieur.
C'est vraiment à recommander.