Il est significatif que les premières lettres surviennent au cours des semaines qui suivent immédiatement la publication de Refus global. Les faits sont aujourd'hui bien attestés. Claude Gauvreau, comme plusieurs signataires du manifeste, participe alors à la défense de Borduas, suspendu de ses fonctions à l'École du meuble par le sous-ministre du Bien-être social et de la jeunesse, Gustave Poisson. Le 21 octobre 1948, Borduas est officiellement destitué de son poste, sa conduite et ses écrits étant jugés «incompatibles avec la fonction d'un professeur dans une institution d'enseignement de la province de Québec.
Après une relecture attentive de L’hiver de force durant laquelle j’avais procédé au repérage systématique des lieux, je décidai que le point de départ de mon reportage photographique serait l’appartement de l’avenue de l’Esplanade. Cette « ancienne clinique d’oto-rhino » m’apparaissait en effet hautement significative de l’économie du récit, car c’était là qu’habitaient Nicole et André, et ce lieu représentait, avec le parc Jeanne-Mance situé à proximité, l’un des pôles qui aimantaient les allées et venues des personnages.
Cette correspondance Gauvreau-Borduas est très dense et j'y vois pour ma part une oeuvre importante. Les lettres de Borduas à Gauvreau sont assez connues, mais on ne s'est pas encore rendu compte que celles de Gauvreau à Borduas constituent peut-être le témoignage le plus direct, le moins alambiqué, sur ses fantasmes et sur sa souffrance.
Nous habitons le côté nord de l’étage d’une ancienne clinique d’oto-rhino de l’avenue de l’Esplanade. Entre les rues Duluth et Mont-Royal, cinquante vieilles belles maisons s’épaulent pour endiguer le bassin de nature déversé par la montagne ; c’est là qu’on est.