Gonzague Masquelier

La thérapie doit aider le client à accepter à la fois le plaisir de la rencontre et la frustration de l'incomplétude.

C'est Noël Salathé, inspiré par les travaux du psychiatre américain Irvin Yalom qui a le mieux formalisé les apports de la philosophie existentialiste à la thérapie gestaltiste ; il définit d'ailleurs la Gestalt comme "l'antenne thérapeutique de l'existentialisme".

Freud a placé la sexualité comme axe central du développement humain. Nous avons vu que le premier livre de Perls est une critique de cette position théorique? Nous pouvons envisager la sexualité comme une des composantes du psychisme humain, une donnée fondamentale mais pas unique.

Le corollaire de ce postulat de la liberté, le "prix à payer" est le sentiment de responsabilité. Se sentir responsable de ses actes, développer sa capacité de choisir, peut faire monter l'angoisse. Angustus, en latin, signifie resserré (quand je souffre d'une angine, j'ai la gorge serrée). L'angoisse est donc une manifestation psychique et physique. Dès l'enfance, nous prenons conscience de ces réalités de la nature humaine et cela contribue à forger notre responsabilité.

Ce qui souligne l'idée que rien n'est jamais joué et que nous ne sommes ni prédestinés, ni conditionnés, ni marqués à tout jamais par notre passé. La vie nous est offerte, voire imposée, mais notre existence est à créer chaque jour. Cela peut sembler un peu trop optimiste, mais je peux souvent vérifier la justesse de cette affirmation dans ma vie professionnelle et personnelle.

La démarche gestaltiste repose sur deux concepts existentialistes fondamentaux ; le postulat de la liberté et celui de la responsabilité.

... je voudrais insister une ide qui m'est chère, à savoir que le monde n'est jamais bipolaire. Il y a toujours de multiples contraires ) une idée ou à une situation donnée. Ainsi, lors du séminaire [...], un participant a choisi comme opposé à "courageux", le mot "réaliste" ; il signifiait par là qu'avec le salaire insuffisant qu'il recevait, travailler beaucoup serait de la bêtise...
En thérapie de couple par exemple, le contraire d'"être marié" n'est pas nécessairement "être divorcé". Il peut y avoir de multiples facettes pour un réaménagement du statut conjugal.
C'est Noël Salathé, inspiré par les travaux du psychiatre américain Irvin Yalom qui a le mieux formalisé les apports de la philosophie existentialiste à la thérapie gestaltiste ; il définit d'ailleurs la Gestalt comme "l'antenne thérapeutique de l'existentialisme".

Le travail sur les polarités consiste donc à chercher comment diminuer nos zones aveugles, c'est-à-dire celles que nous refusons, que nous ne voyons pas ou qui nous font peur. Les Américains ont une expression dont je me sers souvent : What's good aout it ? "Qu'y a-r-il e bon dans cette situation", dans ce sentiment, dans cette polarité que nous refusons ?

Joseph Zinker décrit la personne perturbée comme quelqu'un qui vit d'une manière unilatérale et stéréotypée, c'est-à-dire qui ne peut naviguer facilement entre des polarités opposées. Au contraire, une personne saine peut accepter d'être traversée par des sentiments contradictoires, des émotions complexes ; elle développe sa créativité dans l'ajustement.

Le concept gestaltien des polarités, en suggérant que chaque trait de notre personnalité possède sa contrepartie, est plus souple que celui de Jung qui le réserve aux grands archétypes.
Par exemple, c'est en acceptant sa polarité féminine que l'homme se réalise pleinement comme homme, ou c'est en cultivant son côté diabolique qu'il trouve son archange.
Dans le laboratoire protégé qu'est le "cabinet de psychothérapie", en individuel ou en groupe, le client peut oser explorer des sentiments, des attitudes qui ne lui sont pas familières.

Pour qu['une] nouveauté prenne place, il est nécessaire de détruire les anciennes structures et de favoriser l'assimilation, c'est la fonction de l'agressivité...

La notion d'ajustement créateur vient compléter avec justesse la notion de self. L'ajustement créateur est notre manière de nous adapter, le mieux possible, à des besoins personnelles et à un environnement qui changent en permanence.
L'artisan de cette adaptation au monde est le self. Développer son ajustement créateur est le fondement même de toute Gestalt-thérapie. S'adapter suppose d'abord de sentir ce qui se passe en nous : c'est l'awareness, c'est-à-dire une prise de conscience de ce que dit notre corps, des émotions qui le traversent.

Lorsque la fonction-personnalité est perturbée, l'individu développe une perception fausse de ce qu'il est. Les introjections ont souvent une place importante dans cette perturbation. il a admis, une fois pour toutes, une idée ou une situation et il projette cette conviction sur le monde extérieur. Il vit toutes les expériences à travers un filtre qui fausse ses perceptions et ne retient qu'une partie de l'apprentissage. Les perturbations de la fonction-personnalité altèrent donc la vision de son passé, la perception de son présent, et bloquent sa croissance et ses projets.

La fonction-ça est perturbée lorsqu'une personne perd le contact avec ses sensations ou ses besoins. l'accès est coupé dans la psychose, altéré dans la névrose. elle perd donc ses sources d'information. Les autres fonctions (personnalité et moi) vont se déployer sur des bases fausses.

Le self est donc, par définition, en perpétuel mouvement. C'est la manière d'être à cet instant ; il se constitue des échanges qui se nouent à la frontière-contact entre soi et l'environnement. L'individu agit sur le monde, tout comme le monde agi sur lui.

Qu'est-ce donc que ce fameux self ? Eh bien, c'est un processus, une manière d'être au monde. C'est une fonction du champ organisme-environnement, n processus mouvant. C'est donc une entité impalpable, que l'on ne peut fier pour l'étudier. J'ai précisé que la Gestalt nous a fait passer de l'ère de la photo à celle du cinéma.

Goodman écrit le Self avec une majuscule dans Gestalt Therapy, mais Pelrs suggère dans Rêves et existence de l'écrire avec une minuscule pour insister sur l'idée qu'il 'est qu'un système de contact.

La place du self dans la théorie de la Gestalt est nuancée selon les praticiens ; les « Goodmaniens » lui donnent une place fondamentale, les « Perlsiens » s'en servent moins explicitement, du moins dans leur pratique quotidienne.

Nous ne pouvons pas dissocier un organisme et son environnement. Je ne peux pas aborder mon client sans tenir compte de son environnement social, et également de la relation établie entre lui et moi. Nous appelons champ l'entité indissociable d'un organisme dans son environnement, à un instant donné. C'est le tissu de relations, conscientes ou non, dans lequel une personne est insérée. Ce champ organisme-environnement est l lieu du travail en psychothérapie gestaltiste.

Le Gestaltiste, qu'il soit psychothérapeute ou consultant en entreprise, est donc parfois un économiste qui observe la frontière, enregistre les importations, les exportations, parfois un douanier qui cherche à éviter l'introduction de marchandises prohibées (introjection), parfois un politique qui cherche à ouvrir les frontières lorsqu'elles sont trop étanches ou les fermer si elles sont trop perméables (confluence), et qui établit des alliances entre pays voisins (frontière-contact)…