Il y avait toujours dans la palmeraie une sorte d'écho prolongeant les festivités des autochtones qui inspiraient les chants : l'épopée d'Ahidouss, les vieilles femmes qui chantaient l'éternité, la beauté de la jeunesse bénie par Bayyada qu'elles invoquaient de leurs beaux chants d'Abaghour et de Warrou. Même si la sécheresse faisait ses ravages dans les hameaux avoisinants, les belles filles d'Amizar continuait toujours à se farder en fiancée et à vénérer immanquablement la fécondité et l'abondance d'une ère à venir, quand bien même durerait leur attente. Les hameaux était toujours les mêmes malgré les recoupements de mémoire. A Amizar, l'on a l'impression d'habiter l'oubli, très loin des vacarmes de ce siècle.
Il y a toujours une génération qui construit une chose, la suivante s'occupe d'en détruire les traces. Un idéal au départ qui forge une prise de position authentique, vraie et honnête, qui requiert des sacrifices. Quand les sacrifices sont faits, la génération suivante s'en balance et prône une autre trajectoire sous prétexte de mise au point, de rectification du tir des uns, de reconsidérer le contexte pour les autres. Au milieu de tout ce tralala, les idéaux se perdent et les sacrifices jadis valeureux deviennent dénigrés aujourd'hui.
Les sociétés humaines ne sont possibles que par ce qu'il y a un minimum de justice. La lutte contre l'injustice est le moteur de l'histoire, mais chez nous il semblerait que l'injustice était un moteur de quoi que ce soit. Je pense que l'injustice est devenue une donnée banale qu'on accepte sans scrupule et sans état d'âme. C'est un signe de décadence symptomatique et de notre déperdition.
Après tout, jusque-là, il avait beaucoup parlé et la parole ne construit pas des hameaux comme le dit l’adage. Il savait aussi que l’oralité est l’une des maladies incurables de cette contrée. Si on écrivait tout ce que l’on disait, on aurait rempli des milliers de bibliothèques.
Dire que nous souffrons à cause de ceux qui nous gouvernent uniquement n'est pas objectif. Il faut rendre à chaque partie ce qui lui revient. Ceux d'en haut ne reflètent que ceux d'en bas, à chacun le système qu'il mérite. Seulement voilà, l’oppression est parfois sentie au fond de l'être et de l'âme et les concepts ne résistent pas à toutes ces considérations.
Les militants sont toujours mal vus car ils sont étiquetés comme des personnes qui cherchent la petite bête, qui n’ont rien à faire et qui ont perdu les repères.