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Citations de Hans Blumenberg (42)


L'homme est un être raisonnable parce que son existence est déraisonnable.
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Avant tout, les peurs dictées seulement par l’ignorance seraient dissipées grâce à l’explication naturelle de tous ces états de choses qui avaient été l’occasion d’angoisses indéterminées. À un niveau extrême, un tenant allemand des Lumières, Hermann Samuel Reimarus, avait interprété l’état d’esprit des disciples de Jésus après sa mort sur la croix en expliquant qu’ils avaient propagé l’affirmation de sa résurrection non seulement pour asseoir leur influence et la vie de leur communauté, mais aussi parce qu’ils avaient besoin de la consolation de pareille certitude, et qu’ils avaient donc envie de croire à leur proclamation.
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Ceux qui, tels ces maîtres français de l’examen des âmes, ne voient dans la vertu qu’une image trompeuse brandie par les passions comme un miroir au nom duquel on s’imagine pouvoir faire en toute impunité ce que l’on désire de toute façon4 participent à une compétition de tir où l’on ne peut qu’atteindre le cœur noir de la cible – mais c’est « le noir de la nature humaine5 ».
Tout cela se poursuit par un « Nonobstant » rétif6. L’humanité doit ainsi tolérer en elle les embarras de sa part psychologique et les remarquer chez les autres, mais Nietzsche a cependant considéré de suffisamment près, au préalable, la position judiciaire de cet observateur, pour que son lecteur ne puisse pas oublier cette réserve : c’est bien au cœur de la nature humaine qu’on touche et c’est là qu’on blesse, pour finir enfin par frapper à coups de hache les racines de ses besoins métaphysiques : « […] un spectateur qui est guidé par l’amour des hommes et non par l’esprit de la science finira par maudire cet art qui semble inculquer aux âmes la tendance à rapetisser et à suspecter l’homme.»
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il faut revenir sur le fait que nous soyons « tous » nus ; en fin de compte, certains sont favorisés et, dans leur cas, la métaphore ne suffit plus, ils proviennent de la fable : « Ceux qui aujourd’hui sont le plus chaudement vêtus, ce sont les loups qui se déguisent en agneaux. Eux ne sont pas à plaindre. Ils ont le vêtement qui convient. » Il n’y a de cinquième pas que si l’on rajoute la moralité, l’unanimité des deux interlocuteurs qui préfèrent avoir froid : « Nous ne voulons plus de fourrures, ni les nôtres ni celles d’autres espèces. Nous préférons conserver notre désert de glace et son confort. » Ce qui est dit, la mention expresse en est faite, avec un regard tourné vers le radiateur du chauffage central où la vapeur d’eau s’égoutte dans des récipients de tôle. En revenir à l’horizon métaphorique est une réussite : on préfère, certes, geler, pour éviter d’être un loup déguisé en agneau, mais le confort du chauffage ne connaît pas d’accident fatal.
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La fonction thérapeutique fut le véhicule d’une mise à nu théorique sans précédent de l’homme ; elle le laissa démuni face à l’humiliation d’une quelconque volonté d’affirmer son statut dans le monde, et face à la destruction de la métaphysique qui allait en quelque sorte de pair avec elle. On pourra distinguer trois domaines principaux dans lesquels l’acceptation métaphorique initiale du vêtement, du voilement et du déguisement conduit à la possibilité d’attitudes destructrices correspondantes : lever les entraves à l’accès, à la vue et à la saisie, et faire passer ce qui chaque fois subsiste pour mis à nu, démasqué, sincère et, pour finir, vrai. La vérité est donc toujours le négatif de ce qui l’avait auparavant écartée et inhibée.
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L’homme est l’animal qui possède d’autres animaux. D’abord comme animaux domestiques puis, beaucoup plus tard, comme animaux à contempler.
En matière de goût pour les animaux à contempler, on observe une prédilection frappante pour deux espèces, et telle que leur absence dans une exposition permanente – nommée jardin zoologique – lui ôte presque toute valeur. Tout zoo doit avoir des éléphants et des lions. Pour tout le reste, il existe une certaine tolérance.
À cela il convient d’ajouter que ces deux animaux-là justement ne se font rien l’un à l’autre, quoique l’un soit très avide de chair et l’autre bien en chair. Pourtant, on ne peut pas dire non plus qu’ils vivent en paix ni en bonne intelligence, ce que l’homme imagine bien volontiers.
S’ils ne se font rien, ce n’est donc pas par affection. Au mieux, cela peut se décrire ainsi : ils ne s’intéressent pas l’un à l’autre.
C’est la base la plus solide pour survivre l’un à côté de l’autre. En comparaison, toute forme d’ « amour » serait dangereuse.
Voilà qui donnera matière à réflexion à ceux qui ne se satisfont jamais du fait qu’ « il ne se passe rien ». Au lieu de dire qu’il ne doit rien se passer, le plus sûr est de dire qu’il ne peut rien se passer. Et pour garantir cela, le plus sûr, encore une fois, est la situation qui existe entre l’éléphant et le lion : l’un est absent pour l’autre.
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Le décret de bonheur prend l'apparence absolutiste de la pure philanthropie. Il suggère qu'au moins quelques personnes savent ce qu'est le bonheur mais veulent prévenir par le "rationnement" le collapsus qui surviendrait nécessairement si tous savaient la même chose. Prévenir le collapsus est la présupposition implicite, par la rhétorique, des économies planifiées des Etats. Ceux qui détiennent le savoir expérimentent déjà, au nom de tous les autres, ce qui résulte de leur savoir : ils vivent dans des enclaves au coeur de la collectivité et masquent les fenêtres de leurs limousines pour que personne ne puisse voir s'ils ne seraient pas, par hasard, déjà heureux. Ils distribuent à tous, avec une belle progressivité dans l'accoutumance du bonheur, un peu de ce qu'ils ont déjà expérimenté. La formation des files d'attente là où ont lieu les distributions permet de conclure au succès de la procédure — mais aussi d'imaginer les ruées et les affrontements qui surviendraient obligatoirement si ceux qui prétendent connaître le bonheur augmentaient les portions de leurs distributions dans la mesure de leur connaissance des besoins de ce qui rend heureux.
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« Même quand l’homme a refoulé dans l’inconscient ses motions mauvaises et voudrait alors se dire qu’il n’en est pas responsable, il est tout de même contraint de ressentir cette responsabilité comme un sentiment de culpabilité dont le fondement lui est inconnu.»
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Si le rêve est la réalisation d’un désir secret, il l’est de façon dissimulée par rapport à celui qui avait désiré, et sans la nécessité que celui qui désire soit au courant de la réalisation. Il réalise un de ses désirs sans le risque que représente sa réalisation, comme le noctambule pour qui il est préférable de ne pas apprendre la vérité sur son excursion. Or c’est justement en raison de cette logique liée au voilement-dévoilement que le biographe doit critiquer le maître : « En un point, Freud s’est trompé quand il a enseigné que tout rêve était la réalisation d’un désir . »
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En tant qu’exercice de cet art, qui est enseigné et qu’on peut apprendre, la rhétorique ne peut être honnête en admettant que son but est la tromperie, parce qu’elle serait alors contrainte de rendre inaccessible sa finalité dès qu’elle la reconnaîtrait telle. Aussi s’applique à elle précisément l’objection qui était faite à l’art : « Elle ne veut nullement exprimer la subjectivité, mais répondre à un certain idéal du sujet, à l’homme politique puissant, etc., tel que le peuple se l’imagine. »
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Pour concevoir ce qu’est et ce que peut être un monde sans la science, un monde d’avant la théorie, il faut l’imaginer sans l’ombre de Socrate. C’est un monde qui a le droit de se déguiser ou, pour le dire de manière mythologique : le droit aux métamorphoses. Ainsi les Grecs sont-ils le pendant de tous les réalistes qui, dans tout voilement, ne voient qu’une provocation à la mise à nu ; dans toute extériorité, que le fil conducteur vers une intériorité ; dans tout premier plan, qu’une référence à l’arrière-plan. Et nous nous y reconnaissons sans le moindre doute.
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Il n’y a pas d’amour de la vérité. Ce qu’on imagine y trouver et ce qu’on en attend se révèle être seulement comme une sorte de succédané qui inhibe un rapport imaginaire au monde, donc comme un succédané tant de la métaphore que de l’art : « Regarder froidement les choses de telle manière qu’elles gisent là sans nappage ni couleurs – voilà ce qu’on appelle “amour de la vérité”, or c’est simplement l’incapacité de mentir. »
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L’art qui permet d’acquiescer à la vie en dépit de la laideur de la vérité est, en tant qu’il est autonome, l’ultime réalité métaphysique à la fin de la métaphysique. Il n’est plus une manière de voiler ce qui est insupportable. Il anticipe ainsi quelque chose qui n’existe pas encore. Mais il faut néanmoins qu’il puisse y avoir quelque chose qui existe comme la condition d’accessibilité de quelque chose d’autre.
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Chez Nietzsche, le problème est pour l’essentiel abordé du point de vue esthétique : la vérité est laide – pour quelle raison devrions-nous la supporter puisque l’art existe ? Ce dernier, grâce au rôle qui lui est ainsi dévolu – faire disparaître la laideur de la vérité au profit de ce qui est source de jouissance – est du même coup renvoyé à la valeur négative de la vérité : le mensonge.
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L'interdiction du bonheur se justifie par la crainte rationnelle que le non-interdit ferait, une fois conquis, sortir son conquérant de cette union que l'on nomme société, qui prétend au moins, — et doit le prétendre pour préserver sa propre existence — procurer le plus grand bonheur au plus grand nombre. Nul ne doit être heureux avant l'heure, pour que tous puissent le devenir et que l'homme heureux, ou même simplement l'homme paraissant heureux, ne fasse pas oublier aux autres, ce qu'ils ont encore à acquérir et qui les pousse à travailler pour la collectivité? Nous ne savons rien de l'efficacité des interdictions du bonheur, parce que ce sont elles-mêmes qui empêchent toute personne qui les aurait transgressées de le dire. Le nombre de bonheurs secrets échappe à tout décompte.
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Avant d’être symbole de la nudité, le vêtement est l’instrument métaphorique dont use la pensée latente pour s’habiller sous la forme manifeste du rêve. Le contenu du rêve est destiné au censeur dont les fonctions s’étendent de la conscience diurne à la fabrique nocturne des rêves.
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L’introduction de termes latins, qui appartient à la terminologie du médecin spécialiste, a un effet plutôt comique pour les lecteurs ultérieurs, puisqu’ils attestent avec un pénétrant à-propos ce qui doit être caché ou du moins maintenu à distance : les deux vocables indiquent ce qui ne saurait coïncider.
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« On ne rêve pas pour être interprété, mais on rêve pour ne pas l’être.» L’importance de ce dispositif pourrait être opposée au primat de la vérité, puisque, pour le rêveur lui-même, il serait dangereux de savoir trop précisément, sur lui, ce que le fait de briser la censure lui enseignerait tout en le laissant sans protection face à sa propre nature.
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« Chez un philosophe, c’est une indignité que de dire “le bien et le beau ne font qu’un” ; s’il ajoute “avec le vrai également”, il faut le rouer de coups. La vérité est laide. Nous avons l’ art afin de ne pas mourir de la vérité . » Un chemin s’est achevé, et pas seulement celui de Nietzsche : ce qui était auparavant l’ornement de la vérité, ornatus vere dicendi , s’est autonomisé sous le nom d’« art » et démontre justement cette autonomie, et ce de la manière la plus aiguë, en ce qu’il s’hypostasie en une option alternative à la vérité.
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Si, plus d’un siècle plus tard, l’on veut se rendre compte de l’ambivalence de Nietzsche face à la brutalité psychologique de la mise à nu, il suffit de jeter un coup d’œil à Freud. On peut alors oublier que Freud a lu Nietzsche – bien que, soucieux de l’originalité de sa propre pensée, il ait interrompu cette lecture sans que l’on ne sache où ni après combien de temps. Mais là n’est pas la question : il s’agit de comparer leurs démarches de légitimation.
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